OPINION – Pétrole et gaz: Les distributeurs réclament 140 milliards à l’État

A nouveau, je reprends ma plume pour inviter l’Etat à éponger les arriérés de remboursement dus aux sociétés de distribution pétrolière. Je ne pensais pas devoir encore user de cet exercice…

La dette de l’Etat du Sénégal envers le secteur pétrolier devient hélas une récurrence.

Aujourd’hui, cette dette est à plus de 140 milliards de F Cfa au titre des pertes commerciales et de la péréquation de transport des produits pétroliers.

Pour rappel, la péréquation de transport des produits pétroliers, ce mécanisme qui permet d’égaliser le prix du carburant sur l’étendue du territoire, tarde à être remboursée sur l’année 2023 qui s’achève bientôt !

Le différentiel de transport entre le prix réel payé aux transporteurs et le prix fixé dans la structure des prix est à la charge de l’Etat. Aujourd’hui, le montant à rembourser par l’Etat est à plus de 5 milliards F Cfa. Les sociétés de distribution pétrolière ne sauraient attendre le remboursement de l’Etat pour s’acquitter de leurs créances vis-à-vis des sociétés de transport. Nous prenons sur nous cette charge de trésorerie pour ne pas crisser la chaîne d’approvisionnement.

Au titre des pertes commerciales, les importateurs suppléent l’Etat dans l’approvisionnement du pays et au prix fort. La guerre d’Ukraine et les troubles géopolitiques, qui ont rythmé la scène internationale, ont fortement secoué l’approvisionnement du pays. Grâce aux importateurs alliés à leurs sociétés-mères, nous avons surmonté ces épreuves.

A notre réunion du 18 avril 2022, le ministère du Pétrole et des énergies insistait particulièrement sur la continuité de l’approvisionnement du pays et pour ce faire, misait sur les importateurs.

Toutefois, cet effort a un prix et à ce jour, malgré le concours du gouvernement, les arriérés de remboursement se sont reconstitués et avoisinent plus de 135 milliards de F Cfa si nous y incluons le remboursement des clients exonérés.
Et pourtant, pendant ce temps :

– L’Etat met une pression énorme aux sociétés pétrolières de s’acquitter de leurs devoirs de contribuables envers la Dgid en imposant l’attestation de paiement de la Tpp (Taxe spécifique des produits pétroliers) tous les 15 du mois sous peine de blocage de toutes leurs livraisons aussi bien aux stations-services qu’aux industriels. Cette nouvelle disposition a été introduite dans le nouveau Code général des impôts 2023 publié dans le Journal officiel du 31 décembre 2022.

– L’Etat leur impose de s’acquitter des droits de douane sous peine aussi de bloquer les sorties des camions pour approvisionner lesdits clients.
Cette situation pressure les sociétés à qui l’Etat doit des arriérés énormes. L’Etat est le garant de l’équité et à ce titre, se doit à tout moment de comparer sa dette due au sous-secteur par rapport à ce que celui-ci lui doit.
La pérennité des entreprises en découle.

Cet état de fait menace à terme l’approvisionnement du pays de même que la distribution du carburant à un prix équitable sur l’ensemble du territoire.
Les sociétés de distribution pétrolière souffrent et en appellent au sens de l’équité de l’Etat.

Les échéances électorales à venir risquent de prolonger les délais de remboursement. Et pourtant, malgré ce calendrier, le pays doit continuer de fonctionner comme dans toutes les démocraties.

A ce titre, nous en appelons au sens de responsabilité de l’Etat.
Au nom du soutien au sous-secteur de la distribution pétrolière, nous l’invitons à trouver une formule de compensation des arriérés dus avec les taxes à payer via le Fonds de soutien au secteur de l’énergie (Fse). Ceci soulagerait énormément la trésorerie des sociétés de distribution pétrolière présentement étranglées par la pression fiscale et douanière.

«En ces temps difficiles, il faut maximiser la souplesse pour la recherche de solution «en bas». Certainement pas créer de coûteuses nouvelles illusions «en haut»», écrivait l’économiste Emmanuel Martin.


Ameth GUISSE – Président
Association Sénégalaise des Pétroliers

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