Éthiopie : gouvernement et rebelles du Tigré signent un accord

Le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités rebelles du Tigré ont conclu mercredi 2 novembre, à Pretoria un accord de cessation des hostilités, à moins de 48 heures du 2e anniversaire du conflit meurtrier qui les opposent dans le nord de l’Ethiopie.

« Les deux parties au conflit éthiopien se sont formellement mis d’accord sur une cessation des hostilités, ainsi que sur un désarmement méthodique, ordonné, en douceur et coordonné », a annoncé le haut représentant de l’Union africaine (UA) pour la Corne de l’Afrique, l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo qui dirigeait la troïka de médiateurs.

Les chefs des deux délégations se sont serré la main après avoir signé cet accord qui prévoit aussi, selon Olusegun Obasanjo, « un rétablissement de l’ordre public, des services (au Tigré), un accès sans entrave des fournitures humanitaires, la protection des civils, entre autres ».

« Ce moment n’est pas la fin du processus de paix, mais son début. La mise en œuvre de l’accord de paix signé aujourd’hui est essentiel », a-t-il averti

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Les détails des dispositions de l’accord et de sa mise en œuvre n’ont pas été dévoilés dans l’immédiat.

Les médiateurs n’ont ainsi pas indiqué ce que prévoit le document concernant les autres acteurs du conflit, particulièrement l’armée de l’Erythrée voisine: Ennemie jurée des dirigeants tigréens, elle épaule l’armée fédérale éthiopienne au Tigré qui lui est frontalier.

Asmara n’a pas réagi dans l’immédiat. L’armée éthiopienne reçoit aussi le soutien de troupes régulières et milices des régions de l’Amhara et de l’Afar voisines du Tigré.

« Diable dans les détails »

Les deux parties signataires « ne sont pas les deux seuls groupes ayant un rôle à jouer pour la paix en Ethiopie », a relevé l’ancienne vice-présidente sud-africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka, membre de la troïka, demandant aux signataires de « partager cet accord » afin que « de nombreux autres y adhèrent ».

Le chef de la délégation du gouvernement éthiopien, Redwan Hussein, conseiller à la Sécurité nationale du Premier ministre Abiy Ahmed, a salué « l’engagement constructif » des belligérants « pour mettre fin à cet épisode tragique ».

Cet accord montre « la volonté des deux parties de laisser le passé derrière eux », a abondé Getachew Reda, qui dirige la délégation des autorités rebelles du Tigré, disant espérer que « les deux parties respectent leurs engagements ».

« Au moment où nous parlons, des milliers de combattants et civils perdent la vie. Il est donc important non seulement de signer cet accord mais aussi qu’il soit immédiatement mis en oeuvre », a-t-il ajouté, soulignant que sa délégation avait « fait des concessions » pour « bâtir la confiance ».

Troisième membre de la troïka, l’ex-président kényan Uhuru Kenyatta a averti: « le diable se nichera dans les détails, mais nous pensons que les parties tiendront parole ».

« Beaucoup reste à faire. La confiance doit se construire. Nous y aiderons », a-t-il assuré.

Dans la soirée, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a fait part de son engagement « fort » à mettre en oeuvre l’accord dans un message de remerciement aux médiateurs de l’UA.

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a salué « une première étape vraiment bienvenue ». Cela « représente une importante étape pour la paix », a souligné le porte-parole du département d’Etat américain Ned Price.

Les délégations du gouvernement fédéral éthiopien et des autorités rebelles du Tigré discutaient depuis le 25 octobre à Pretoria sous l’égide de l’UA.

« Crimes de guerre et contre l’humanité »

Pendant les discussions, les combats ont continué au Tigré, où progressent depuis mi-octobre les forces fédérales éthiopiennes et alliées.

Soutenus par des bombardements d’artillerie et aériens, elles se sont emparés récemment de plusieurs villes d’importance de la région rebelle.

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La presse n’a pas accès au nord de l’Ethiopie et les communications y fonctionnent de façon aléatoire, rendant impossible toute vérification indépendante. Il n’était notamment pas possible de savoir dans l’immédiat si les armes s’étaient tus mercredi 3 novembre au soir au Tigré.

Le bilan du conflit, marqué par d’innombrables exactions et qui se déroule largement à huis clos, est inconnu, mais l’International Crisis Group (ICG) et Amnesty international (AI) le décrivent comme « l’un des plus meurtriers au monde ».

« Toutes les parties se sont rendues responsables de graves violations, dont des crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a affirmé mercredi 3 novembre Amnesty international, citant « exécutions sommaires » et « violences sexuelles ».

Le conflit a commencé le 4 novembre 2020 quand Abiy Ahmed a envoyé l’armée fédérale arrêter les dirigeants de l’exécutif du Tigré qui contestaient son autorité depuis plusieurs mois et qu’il accusait d’avoir attaqué une base militaire fédérale.

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La guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le nord de l’Ethiopie, déplaçant plus de deux millions d’Ethiopiens et plongeant des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a vendredi « dressé un tableau très sombre » de la situation au Tigré, quasiment coupé du monde, évoquant « l’obstruction à l’accès à la nourriture, aux médicaments, et à des services de base ».

La Tigré est largement privé d’électricité, de télécommunications et de services bancaires depuis plus d’un an. La reprise des combats a également interrompu le gros de la livraison d’aide humanitaire vers la région.

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