Chine: premier anniversaire des manifestations aux feuilles blanches
Il y a un an, dans plusieurs mégalopoles chinoises, des petits groupes de manifestants, souvent jeunes, ont brandi des feuilles A4 blanches pour dénoncer notamment les restrictions sanitaires, mais pas seulement. Le mouvement a duré quelques jours et depuis… plus rien.
De notre correspondant à Pékin,
Avant la Fête du printemps, un appel à lancer des feux d’artifice n’a pas vraiment pris. Et on a pour cet anniversaire quelques vidéos repostées sur le réseau social X (censuré en Chine), notamment celle du point de départ du mouvement. Ce terrible incendie à Urumqi, dans l’ouest de la Chine, avec les flammes qui mangent les étages d’une tour d’habitation, dans une ville où les habitants sont restés confinés plus de 100 jours. Il y a eu des morts – dix selon les médias officiels », des blessés…
La capitale de la région autonome du Xinjiang s’est embrasée, puis l’étincelle a pris sur les réseaux sociaux, et dans la plupart des grandes villes en Chine, sur les campus, des étudiants ont commencé à brandir ces fameuses feuilles blanches sur le modèle des manifestations en Russie, pour rendre hommages aux victimes, mais aussi avec des slogans plus politiques à Shanghai ou à Pékin où on n’avait pas manifesté depuis trois décennies.
Quelques jours plus tard, la Chine relâchait les restrictions Covid, mais pour le reste, c’est toujours l’omerta…
La censure a éteint la flamme des manifestants qui avaient aussi des bougies dans les cortèges. Signe que le régime a eu peur, pour cet anniversaire, des forces de l’ordre ont été mobilisées sur les lieux des manifestations. Le long de la rivière Liangma à Pékin notamment. Même chose à Chengdu dans l’ouest, à Nankin à l’est ou encore à Shanghai au sud, notamment à Wulumuqi Road où se sont produits les rassemblements l’année dernière. Et on avait ce week-end des policiers aux croisements, des gardiens dans les supérettes qui signalent ceux qui prennent en photo le panneau de la rue par exemple, et puis des véhicules de police un peu partout dans les rues adjacentes.
Que sont devenus les manifestants ?
Il y a plusieurs cas de figure. Comme à chaque fois, le pouvoir chinois n’oublie pas. Tous ont été traqués numériquement, caméras de surveillance et surtout les portables… Celles et ceux qui ont borné près des lieux des manifestations ont été retrouvés un par un par la sécurité d’État. Les plus actifs ont été réprimés. Pressions sur la famille, certains parlent de passage en hôpital psychiatrique, souvent utilisé pour faire taire les dissidents. Seuls ceux qui sont partis à l’étranger peuvent aujourd’hui témoigner auprès des journalistes.
Beaucoup ont payé cher leur participation au mouvement. Il y a, par exemple, cet ancien étudiant de l’université centrale des Finances de Pékin qui s’est réfugié en Nouvelle-Zélande. Masque noir, bandeau noir sur le front et grandes lunettes transparentes vintage, il raconte qu’il était promis à un brillant avenir et que tout s’est effondré.
Et puis, en Chine, la surveillance est encore plus stricte. On se souvient de la madone de Nankin, cette étudiante de l’université de communication parmi les premières à brandir sa feuille blanche… Elle et ses camarades se seraient vu adjoindre un binôme qui les suit en permanence. Nous, journalistes, nous n’avons pas rappelé les manifestants que nous avions revus ces derniers mois, même sur messagerie cryptée. Et ce, depuis que l’un d’entre eux, nous l’a demandé : « C’est beaucoup trop dangereux », disait-il.