Le plan de paix présenté par Zelensky est-il réaliste? “ Tant que la Russie ne se joindra pas à la table…”

C’est une visite éclair qui n’avait pas été annoncée. Presque tous les ministres européens des Affaires étrangères se sont rendus à Kiev en début de semaine. À l’ordre du jour, l’aide militaire et le “plan de paix” présenté par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Que contient ce plan? Est-il réaliste? Quels pays le soutiennent? Sven Biscop, professeur de politique internationale (UGent), a répondu aux questions de Het Laatste Nieuws.

Que contient le plan de paix ?

Le plan comprend dix points, dont la reprise de contrôle complète du territoire ukrainien. En outre, l’Ukraine demande le retrait complet de toutes les troupes russes. Parmi les autres points figurent la protection des approvisionnements alimentaires et énergétiques, la sécurité nucléaire et la libération des prisonniers de guerre.

1. Reprise du contrôle de l’ensemble du territoire ukrainien

L’Ukraine exige de reprendre le contrôle de tous les territoires occupés par la Russie – y compris la Crimée, annexée par la Russie depuis 2014. “C’est l’objectif des Ukrainiens. Ils peuvent difficilement demander moins, cela passe pour de la faiblesse aux yeux de la Russie”, explique le professeur de politique internationale Sven Biscop (UGent). “Mais compte tenu de la situation militaire, cela semble irréaliste : la Russie occupe toujours environ un cinquième du territoire. Il est peu probable que l’Ukraine parvienne à libérer la Crimée. S’il s’agit vraiment de négocier, les deux parties devront faire des concessions”.

2. Sécurité nucléaire

“Personne n’a le droit de faire chanter le monde avec une catastrophe radioactive”, peut-on lire dans le plan. La Russie occupe la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d’Europe. “De cette façon, l’Ukraine attire l’attention du reste du monde, car aucun pays ne veut d’une catastrophe nucléaire. Dans un scénario idéal, l’Ukraine reprendrait le contrôle de la centrale nucléaire, mais dès à présent, la Russie devrait en garantir la sécurité. Même la Chine reconnaît que la Russie est en tort dans cette affaire”, a expliqué M. Biscop. La centrale a déjà été touchée à plusieurs reprises par des tirs d’obus. L’été dernier, la Russie a même placé des mines sur le domaine de la centrale.

3. Un tribunal pour les crimes de guerre

L’Ukraine a déjà enregistré plus de 100.000 crimes de guerre russes. Le pays réclame un tribunal spécial pour juger les criminels de guerre après la guerre. “C’est une demande compréhensible, mais les chances que la Russie l’accepte sont nulles. Même s’il y a un changement de régime en Russie, le pays ne remettra jamais de hauts fonctionnaires à l’Ukraine. Je suppose que seuls ceux qui se retrouveront entre les mains des Ukrainiens seront jugés”, estime M. Biscop.

Ce plan est-il nouveau?

Non, Zelensky a proposé le plan à d’autres dirigeants mondiaux en novembre de l’année dernière, par le biais d’une allocution vidéo lors du sommet du G20 à Bali. Au début du mois d’août de cette année, des pourparlers de paix ont été organisés par l’Arabie saoudite dans la ville de Djeddah, le plan en dix points étant au centre des débats. Près de 40 pays y ont participé, dont la Chine. La Russie était la grande absente.

Quels sont les pays qui soutiennent ce plan ?

Selon l’Ukraine, tous les participants au sommet de Djeddah cet été ont soutenu la demande de l’Ukraine de reprendre le contrôle de l’intégralité de son territoire, y compris la Chine. Le président américain Joe Biden a déjà fait l’éloge de ce plan. En revanche, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, l’a qualifié de “totalement irréalisable” lors d’un sommet des Nations unies qui s’est tenu à New York fin septembre. La guerre devra être menée sur le champ de bataille, selon M. Lavrov, si Kiev et l’Occident n’ajustent pas leurs positions.

D’ailleurs, lors de la visite éclair de l’UE à Kiev lundi, tous les États membres n’étaient pas présents. La Hongrie et la Pologne manquaient à l’appel. “Viktor Orban mène une politique pro-russe en Hongrie depuis un certain temps. Mais l’absence de la Pologne est incompréhensible. Le pays s’est positionné comme le plus grand allié de l’Ukraine depuis le début de la guerre. Récemment, elle a eu un différend avec l’Ukraine au sujet des importations de céréales. Le gouvernement polonais laisse tomber l’Ukraine pour des jeux politiques”, a expliqué M. Biscop.

Le week-end dernier, le populiste de gauche Robert Fico a remporté les élections en Slovaquie. “Nous n’enverrons pas une balle en Ukraine”, a-t-il promis. Avec la Hongrie, et peut-être la Pologne, Fico pourrait finir par mettre à mal le soutien européen à l’Ukraine.

Ce plan est-il réaliste?

“Le fait que l’on en parle est un bon signe”, estime M. Biscop. “Le fait d’en parler également avec des pays non occidentaux, comme l’été dernier à Djeddah, donne une idée de ce à quoi pourrait ressembler une paix réaliste”, ajoute l’expert. “Mais tant que la Russie ne se joindra pas à la table, il n’y aura pas de perspective concrète de paix. Si Poutine reste président, je doute même qu’il y ait un jour de véritables négociations. Il dit maintenant qu’il ne veut discuter que si l’Ukraine reconnaît qu’elle perd du terrain. Dans ce cas, bien sûr, on ne veut pas vraiment parler. Donc, à court terme, le plan n’est pas réaliste”.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *