L’Arménie accueille un nouveau flot de réfugiés du Haut-Karabakh

Près de 5.000 réfugiés du Haut-Karabakh sont jusqu’à présent arrivés en Arménie, tandis que le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays joue un rôle majeur dans cette partie du Caucase, est arrivé lundi en Azerbaïdjan pour y rencontrer son président Ilham Aliev.

« Le 25 septembre à 6 heures du matin, 2.906 personnes déplacées de force sont entrées en Arménie à partir du Haut-Karabakh », a annoncé le gouvernement arménien dans un communiqué, soulignant que, « tout au long de la nuit, le flux des personnes déplacées de force s’est poursuivi ».

Les premières arrivées d’habitants de ce territoire en majorité peuplé d’Arméniens, intégré en 1921 par le pouvoir soviétique à l’Azerbaïdjan, avaient eu lieu dimanche au poste-frontière arménien de Kornidzor après l’offensive victorieuse la semaine dernière de l’armée azerbaïdjanaise contre les forces séparatistes.

arrivée arméniens

Des Arméniens du Haut-Karabakh arrivent à Goris, en Arménie, la ville de la région de Syunik, en Arménie, le 25 septembre 2023. @Photo AP/Vasily Krestyaninov.

Rencontre entre Erdogan et Aliev

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est arrivé lundi dans l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, située entre l’Arménie et l’Iran et frontalière de la Turquie, pour y rencontrer son homologue Ilham Aliev, selon les images de la présidence retransmises en direct à la télévision turque.

Quelques jours après la prise de contrôle militaire du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan, cette rencontre doit officiellement lancer la construction d’un gazoduc, mais les deux présidents doivent aussi discuter du Haut-Karabakh et de l’ouverture du corridor arménien de Zangezur aux Azéris, selon les médias turcs.

Les deux dirigeants ont prévu d’organiser une cérémonie de pose de la première pierre du nouveau gazoduc et d’inaugurer un complexe militaire azerbaïdjanais sur cette enclave nichée entre l’Arménie et l’Iran, et rattachée à l’Azerbaïdjan depuis 1923 mais sans continuité territoriale avec Bakou.

Cette démonstration de force turque contraste avec le retrait apparent de la Russie de la région, pendant que certains experts estiment que pour le président Aliev, annexer le corridor arménien de Zangezour, le long de la frontière avec l’Iran, permettrait d’établir la continuité jusqu’au Nakhitchevan, et, au-delà, avec la Turquie.

Confronté à des manifestations depuis mardi, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a lancé un reproche implicite à la Russie pour son manque de soutien après la victoire de l’armée azerbaïdjanaise contre les séparatistes du Haut-Karabakh.

« Les systèmes de sécurité extérieure dans lesquels l’Arménie est impliquée se sont révélés inefficaces pour protéger sa sécurité et ses intérêts », a-t-il déclaré à la télévision, dans une allusion voilée à ses relations de longue date avec Moscou héritées de l’époque où l’Arménie faisait partie de l’URSS.

Poutine et Pachinian

Le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se serrent la main lors de leur rencontre dans la ville balnéaire de Sotchi, en Russie, le 9 juin 2023. @Ramil Sitdikov, Spoutnik, Kremlin Photo via AP.

« Intégrité territoriale » 

Malgré ce contexte de crise, la réunion prévue de longue date en Espagne entre Ilham Aliev et Nikol Pachinian aura bien lieu le 5 octobre, ont annoncé les autorités arméniennes. Seront aussi présents le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président du Conseil européen Charles Michel.

Le président Emmanuel Macron interviewé sur France 2 ce 24 septembre 2023. 

Le président français Emmanuel Macron interviewé sur France 2 le 24 septembre 2023. (Capture d’écran).

© France 2 via AP Video

La France est très vigilante à l’intégrité territoriale de l’Arménie car c’est ça qui se joue », dans une intervention télévisée dimanche soir.

réfugiés arméniens

Région de Syunik, en Arménie, le 24 septembre 2023. Les premiers réfugiés du Haut-Karabakh sont arrivés en Arménie. @Photo AP/Vasily Krestyaninov.

Dimanche, des centaines de réfugiés fuyant le Haut-Karabakh sont entrés en Arménie, depuis le centre d’accueil mis en place à Kornidzor.

Selon le gouvernement arménien, au total dimanche soir, ce sont 377 « personnes obligés à partir » qui sont passées côté arménien. Selon le dernier décompte du ministère russe de la Défense, 311 civils, dont 102 enfants, ont été escortés par la force de maintien de la paix russe côté arménien.

Les autorités du Haut-Karabakh ont annoncé dimanche que les civils laissés sans logement en raison des dernières violences seraient transférés en Arménie avec l’aide des soldats de maintien de la paix russes, présents sur place depuis la précédente guerre, en 2020.

L’Azerbaïdjan s’est engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d’aller en Arménie.

C’est par le même poste-frontière de Kornidzor que 23 ambulances transportant des « citoyens grièvement blessés » doivent passer, a précisé le ministère arménien de la Santé.

Ni électricité, ni carburant 

Un homme interrogé par l’AFP à Kornidzor a déclaré avoir fait partie de la « résistance » jusqu’à ce que l’assaut donné par l’Azerbaïdjan oblige les rebelles mercredi à capituler.
« Nos familles étaient dans les abris. On était dans l’armée mais hier on a dû déposer nos fusils. Alors on est partis », a dit ce villageois d’une trentaine d’années qui attendait avec d’autres de se faire enregistrer dans le centre d’accueil.

Beaucoup craignent que la population locale ne fuie massivement, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise.

Car outre l’angoisse qui règne parmi les quelque 120.000 habitants du Haut-Karabakh, la situation humanitaire y demeure très tendue.

Haut Karabakh

Un immeuble endommagé suite à un bombardement à Stepanakert, dans le Haut-Karabakh. @Photo AP/Siranush Sargsyan.

Encerclée par les troupes azerbaïdjanaises, sa « capitale », Stepanakert, est privée d’électricité et de carburant et sa population manque de nourriture et de médicaments, selon un correspondant de l’AFP.

Samedi, un premier convoi d’aide du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est néanmoins entré au Haut-Karabakh, tandis que, de la tribune de l’ONU à New York, l’Arménie réclamait l’envoi « immédiat » d’une mission des Nations unies, réitérant ses accusations de « nettoyage ethnique ».

Illustration, côté azerbaïdjanais, des traces profondes laissées par l’histoire tourmentée de cette région, dans la bourgade de Beylagan, tout près du Haut- Karabakh, une galerie de dizaines de portraits de personnes tuées il y a trois ans ou pendant le premier conflit, flanqués de drapeaux azerbaïdjanais, bordent l’artère principale.
 

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