Assemblée générale de l’ONU: des représentations à géométrie variable pour les juntes africaines

Mardi 19 septembre 2023 se sont ouverts les débats de l’Assemblée générale de l’ONU. Cette 78e session, au siège new-yorkais de l’institution, va durer une semaine pendant laquelle les chefs d’État ou leurs représentants vont se succéder à la tribune. Cette messe annuelle commence alors que l’Afrique, notamment de l’ouest, connait depuis trois ans des coups d’État militaire à répétition.

Il y a déjà une question : qui représentera le Niger, qui a connu un nouveau coup d’État le 26 juillet 2023 ? Une grande interrogation en effet au vu des enjeux pour la junte du CNSP sur le plan diplomatique.

Le général Abdourahamane Tiani, président de la junte qui retient toujours prisonnier le président élu Mohamed Bazoum, a quand même dépêché son ministre des Affaires étrangères, Yaou Sangaré Bakary. Il avait été nommé représentant du Niger auprès de l’ONU en mars dernier, donc bien avant le putsch.

Yaou Sangaré Bakary dispose toujours de son passeport diplomatique et de son accréditation d’ambassadeur pour accéder au siège de l’Organisation. Mais rien n’indique qu’il puisse s’exprimer en tant que ministre de la diplomatie nigérienne. Un représentant officiellement reconnu par l’ONU qui rejoint des autorités putschistes non reconnue, voilà de quoi embarrasser les Nations unies, qui ont finalement décidé de suspendre l’intervention du Niger à la tribune initialement prévue pour ce jeudi 21 septembre.

D’autant que dans cette bataille diplomatique, les caciques du régime renversé tentent également de se frayer un chemin vers la tribune afin de s’exprimer au nom du président Bazoum et réaffirmer sa légitimité !

Le Guinéen Mamadi Doumbouya présent à New York 

Pour la Guinée, le chef de la junte du CNRD est bien présent à cette session. C’est même la seule junte représentée par son président. C’est le premier déplacement officiel d’envergure à l’international du colonel Mamadi Doumbouya, hormis sa présence en Turquie en mai dernier pour l’investiture du président Recep Tayyip Erdogan.

Le président de la transition guinéenne doit s’exprimer ce jeudi 21 septembre à la tribune de l’ONU, de quoi lui offrir une visibilité et une légitimité internationale. Mais cette session doit surtout permettre au colonel Doumbouya de rassurer ses partenaires : « Il va déployer toute sa diplomatie pour chercher les fonds nécessaires au financement de la transition, soutient Amadou Sadjo Barry, professeur de philosophie et analyste politique. Le gouvernement affirme avoir besoin de 600 millions de dollars pour l’exécution du chronogramme. Les partenaires observent aussi le comportement de la junte face à ses propres promesses, et je pense que les déceptions commencent à surgir. D’où la difficulté à mettre la main à la poche, surtout que des scandales financiers éclatent ici et là. Il y a des inquiétudes liées à la gestion politique de la transition, qui pourraient à long terme créer des frustrations et des tensions avec des partenaires qui avaient accordé le bénéfice du doute au colonel Doumbouya. »

Discours du ministre des Affaires étrangères malien

Le discours des représentants du Mali est également très attendu. C’est le désormais incontournable ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui doit prendre la parole lors de la dernière journée de l’Assemblée générale.

Plusieurs ONG de défense des droits humains ont documenté de nombreuses exactions commises, selon elles, par les Forces Armées Maliennes et leurs supplétifs russes de Wagner. Elles espèrent que les autorités maliennes donneront des garanties pour la protection des civils, alors que la Mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali (MINUSMA) est en train de plier bagage. 

« Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, il y a eu des tentatives d’empêcher l’ONU ou d’autres organisations de documenter les violations des droits humains, ou alors de renouveler le mandat de la MINUSMA mais sans prérogatives concernant ces droits, affirme Samira Daoud, directrice Afrique de l’ouest et du centre chez Amnesty International. Avec le départ de la MINUSMA, nous sommes très préoccupés, car la Mission avait un accès privilégié à certaines zones et victimes directement affectées par les groupes armés d’une part, mais aussi par les FAMa et leurs alliés russes d’autre part, notamment à Moura. »

L’année dernière pour le Mali, c’était le colonel Abdoulaye Maïga, alors Premier ministre intérimaire, qui avait assuré l’exercice avec un discours particulièrement belliqueux contre des dirigeants africains et surtout contre la France.

Un problème : l’exercice du pouvoir des Transitions 

Pour le cas malien ou celui du Burkina Faso, qui a connu deux coups d’État en seulement huit mois, le politologue Amadou Sadjo Barry estime que le problème central reste celui de l’exercice même du pouvoir : « Quand on analyse la manière dont les autorités de transition conçoivent le rapport au pouvoir politique et à la gouvernance sécuritaire, on se rend compte que l’on est dans une forme de continuité et de réappropriation des pratiques qui ont miné ces pays. Il faut mettre ces juntes face à leurs contradictions, car ces manières de faire n’ont rien à voir avec des considérations géopolitiques. Ce n’est pas à l’ONU que se règleront les problèmes de transition au Sahel. Est-ce au colonel Assimi Goïta et ses amis de décider quoi faire ? Ou est-ce aux Maliens de s’entendre pour concevoir une société multiculturelle sur les plans politique et institutionnel ? Et ce n’est pas par un discours souverainiste réchauffé que l’on va répondre à ces questions fondamentales pour nos sociétés. »

Sur le Burkina Faso, actuellement commandé par le jeune capitaine Ibrahim Traoré, Amnesty espère également que le représentant du pays sahélien livrera des garanties sur la restauration des libertés fondamentales, profondément malmenées depuis le coup d’état du 30 septembre 2022.

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