De l’héritage soviétique aux réseaux sociaux, comment la Russie s’est implantée en Afrique
Le 2e sommet Russie-Afrique se tiendra les 27 et 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg. Vladimir Poutine y a convié l’ensemble des chefs d’État et de gouvernements du continent. Son objectif, ouvertement affiché, renforcer le partenariat entre Moscou et le continent, avec en ligne de mire un accès privilégié à ses ressources. Toute cette semaine, RFI vous propose une série de reportages intitulée Influences russes en Afrique pour tenter de mieux comprendre comment la Russie, au fil des années, est parvenue à s’implanter dans ce qui était, il y a encore 10 ans, le pré carré des puissances occidentales.
Lorsque l’on évoque aujourd’hui la présence russe en Afrique, le groupe paramilitaire Wagner et son ancien son chef Evgneni Prigojine – fidèle parmi les fidèles de Vladimir Poutine, devenu persona non grata auprès du Kremlin après sa tentative avortée il y a 3 semaines de marcher sur Moscou – s’imposent dans tous les esprits. Pourtant cette tentative de la Russie de faire main basse sur le continent ne date pas d’aujourd’hui.
Déjà dans les années 1960, du temps de l’Union soviétique, en pleine guerre froide, l’URSS avait bien saisi, sous Nikita Khrouchtchev, tout l’enjeu qu’il y avait à se poser en soutien des pays africains, en quête d’indépendance, contre l’Occident. Mais depuis, le bloc de l’Est s’est effondré, et l’intérêt pour le continent s’est érodé. La nouvelle Russie en sera largement absente jusqu’au retour opéré ces dernières années avec un discours qui s’appuie très largement sur ce narratif soviétique, tout à la gloire de Moscou.
La Centrafrique, un laboratoire pour les mercenaires de Wagner
Depuis une dizaine d’années en effet, l’influence de Moscou en Afrique n’a cessé de croître. D’abord sur le plan militaire avec dès 2017 l’arrivée du groupe paramilitaire Wagner en Centrafrique. Ce petit pays de cinq millions et demi d’habitants, sans accès à la mer, a servi de laboratoire à la Russie pour parfaire sa stratégie de prise en main de certains pays. Une stratégie à l’œuvre au Mali et qu’elle compte développer dans la région comme par exemple au Burkina Faso.
Sur le plan politique, c’est à Madagascar, ancienne colonie française qui a pris son indépendance en 1960, que Moscou a déployé ses réseaux. La Grande Île est le premier pays d’Afrique pour lequel l’ingérence électorale russe a pu être documentée puis prouvée. Lors de l’élection présidentielle de 2018, entre six et neuf candidats sur les trente-six qui ont brigué la magistrature suprême, ont bénéficié de l’aide de mystérieux stratèges de Moscou. Un mode opératoire méthodique et bien rodé, dans l’un des pays les plus pauvres du monde.
Famille et traditions comme outils d’influences
Sur le plan idéologique enfin, la Russie se sert des traditions et des valeurs familiales qui imprègnent la Russie, mais aussi l’Afrique, pour mener son offensive contre ce qu’elle désigne comme l’Occident décadent. La Russie s’apprête ainsi à dévoiler à Saint-Pétersbourg plusieurs projets humanitaires destinés à aider les plus démunis et notamment les enfants sur le continent. Un moyen de concurrence l’aide au développement occidentale portée par des organismes comme l’USAID ou l’AFD, l’Agence française de développement. Au programme du sommet, disponible en ligne, une session est ainsi prévue pour évoquer, entre autres, « les pseudo-valeurs artificielles et contre-nature qui sont activement imposées » par l’Occident.
Dans sa croisade contre cet « Occident décadent », Moscou peut compter sur le soutien de certaines personnalités qui se présentent comme panafricanistes. Kemi Seba, Nathalie Yamb, ou Franklin Nyamsi, des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux à leur actif, ont pour mission de défaire l’emprise française en Afrique et construire un nouveau narratif à la gloire de Moscou.
SOURCE RFI