Sommet de Paris: développement ou protection de l’environnement, le dilemme des pays africains

La RDC et le Sénégal, par exemple, revendiquent leur droit à exploiter leurs richesses fossiles au nom du développement de leur économie.  L’an dernier, le président sénégalais, Macky Sall estimait qu’il n’était « pas raisonnable de demander aux Africains de renoncer au gaz pendant que les autres sont encore au charbon et au fuel ». Dans ce contexte, l’Élysée espère que le sommet permettra de démontrer une solidarité internationale pour qu’aucun pays  « n’ait à choisir entre la réduction de la pauvreté et la protection de la planète ». Un défi qui suppose la mobilisation d’investissements importants.

Un rapport commandé par la présidence de la COP27 estime les besoins pour réduire les émissions, renforcer la résilience et faire face aux pertes et dommages à « 1000 milliards de dollars de financements externes supplémentaires ».

Un défi, car d’une manière générale, souligne Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), les flux financiers mondiaux ne s’orientent pas vers les pays qui en ont besoin : « Dans un certain nombre de pays en développement, l’accès à la finance est devenu extrêmement compliqué depuis la série de crises du Covid, les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation des taux d’intérêt dans les pays du Nord. Pour financer, par exemple, un projet d’énergie renouvelable en Afrique, il faut payer des taux d’intérêt de 15 à 20% quand ces taux d’intérêt sont de 3 à 4 % en Europe. Donc, si on veut opérer la transition énergétique, il faut absolument pouvoir changer cet accès à la finance dans les pays du Sud ». 

Seulement 10% de la croissance des investissements mondiaux dans les énergies propres provient des pays émergents et en développementselon l’Agence internationale de l’énergie. Pendant ce temps, en Afrique sub-saharienne, une personne sur deux n’a toujours pas accès à l’électricité.

« Une dynamique pour financer les objectifs de développement durable »

Et, les perspectives ne sont pas forcément positives. Du retard a été pris dans le financement nécessaire aux Objectifs de développement durable fixés par l’ONU. Ce sommet est donc « essentiel », assure Thomas Friang, directeur du think tank Open Diplomacy : « Il donne une dynamique pour pouvoir précisément financer les objectifs de développement durable des Nations unies. On est à mi-parcours de leur adoption. Il faut utiliser la logique du secrétaire général des Nations unies qui propose un plan d’investissement de 500 milliards de dollars par an à l’échelle du G20. Si les États du G20 font ce petit effort à l’échelle de leur économie, on peut réaliser les objectifs de développement durable à temps ». 

Alors est-ce qu’un sommet décevant pourrait encourager certains pays à davantage exploiter les fossiles ? Pour Thomas Friang, cela ne dépendra pas directement de l’issue du sommet : « Je crois fondamentalement que ceux qui veulent réellement développer leur économie en produisant des hydrocarbures n’ont pas besoin de ce sommet pour se justifier ». 

C’est au contraire un risque identifié par Désiré Assogbavi, directeur de l’ONG One pour l’Afrique francophone : « Un sommet décevant renverrait les pays africains à utiliser ces énergies-là parce qu’il y a des besoins vitaux qui attendent. En revanche, un sommet satisfaisant donnerait l’occasion de s’engager davantage dans la voie de l’énergie verte. Et cela arrange tout le monde, donc il est important que les dirigeants mondiaux prennent en compte que les résultats de Paris vont conditionner beaucoup de choses ».

Attention au risque « d’actifs échoués »

Faute de signal suffisamment fort, l’exploitation des énergies fossiles peut apparaître comme une justification. Sébastien Treyer met tout de même en garde contre cette solution : « C’est peut-être un très mauvais calcul pour eux-mêmes. Il y a des acteurs de la société civile au sud qui alertent et disent : ‘on pourrait se tromper de développement et se retrouver avec des actifs échoués’, c’est-à-dire des investissements qui n’auront plus d’intérêt dans une dizaine d’années. Il faut absolument éviter que ces pays se retrouvent avec des infrastructures de gaz sur les bras alors que l’Europe, par exemple, n’en voudra plus dans une dizaine d’années ».

En tout cas, lors du sommet, pas question pour l’Élysée d’avoir une approche « prescriptive ».

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