Un oui franc des Suisses en faveur de la neutralité carbone en 2050
Les Suisses ont dit oui dimanche à la neutralité carbone en 2050, dans un pays alpin où les glaciers emblématiques devraient totalement disparaître sous les assauts du changement climatique.
Le oui a obtenu 59,1% des suffrages, et confirme l’engagement de la Suisse dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat.
Dans un second référendum, le peuple a plébiscité (78,5 de oui) l’instauration d’une taxe de 15% sur les grandes entreprises actives à l’international.
Le taux de participation s’est élevé à environ 42%.
Tous les grands partis et le gouvernement fédéral avaient appelé à se prononcer en faveur de la loi sur le climat. Seul l’UDC (droite radicale), premier parti de Suisse, avait agité le spectre de la pénurie et de la hausse démesurée des prix.
« La population suisse envoie un signal fort : la loi pour amener le pays à zéro émission nette a été acceptée aujourd’hui ! (…) Très heureux que les arguments de la science du #climat aient été entendus ! », s’est réjoui Matthias Huss sur Twitter.
« Projet pragmatique »
Eminent expert, il n’a de cesse de dénoncer la disparition des glaciers qu’il mesure à la tête du réseau des relevés glaciologique en Suisse (Glamos).
C’est un « pas important pour les futures générations », a estimé Valérie Piller-Carrard du Parti socialiste, à la télévision publique RTS.
« C’est un projet consensuel, pragmatique, sans aucune mesure qui taxe les gens », a-t-elle ajouté.
La question énergétique est épineuse dans un pays qui dépend à 75% des importations. Une fragilité mise en lumière de façon dramatique par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La nouvelle loi vise à réduire cette dépendance énergétique envers l’étranger tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre, sans interdiction ni nouvelles taxes.
Le projet de loi prévoit de réduire progressivement la consommation de pétrole et de gaz sans toutefois l’interdire. En parallèle, la Suisse devra produire davantage d’énergies renouvelables et soutenir des systèmes de chauffage plus respectueux du climat.
Ni gaz ni pétrole
« La facture pour l’adoption de cette loi sera présentée bien plus tard », a assuré le directeur de campagne de l’UDC, Michael Grabe au journal 20 minutes, prédisant une hausse massive du coût de l’électricité.
Il a aussi souligné que le non l’avait emporté dans certaines régions rurales (7 cantons) parce qu’elles craignent des paysages défigurés par les énergies alternatives et une mobilité réduite faute de carburants fossiles.
En 2021, l’UDC avait fait échouer de justesse un projet visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le texte voté dimanche est un contre-projet à une initiative populaire, dite « initiative pour les glaciers » qui prévoyait d’interdire la consommation d’énergies fossiles à partir de 2050.
Le gouvernement et le Parlement l’ont jugé trop radical, préférant les incitations, y compris financières, à l’interdiction.
Leur projet prévoit jusqu’à 200 millions de francs (environ la même somme en euros) chaque année pendant dix ans pour aider les propriétaires à passer à des systèmes de chauffage plus respectueux du climat.
Taxe sur les grandes entreprises
Les industries qui investissent dans des technologies innovantes, par exemple capables de filtrer le CO2 dans l’air, bénéficieront aussi d’un soutien.
Le oui a été encore plus massif en faveur de la modification constitutionnelle permettant d’imposer, à un taux d’au moins 15%, des grands groupes d’entreprises actifs à l’échelle internationale, dans le cadre d’un projet de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20.
L’imposition minimale s’appliquera aux groupes d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 750 millions d’euros.
Le nombre de groupes suisses directement concernés en Suisse est évalué à quelques centaines par l’Administration fédérale des contributions, qui estime que les recettes provenant de l’impôt complémentaire se situeront entre 1 et 2,5 milliards de francs la première année.
Mais la gauche, les ONG et les syndicats ont dénoncé un projet inégalitaire. La répartition des recettes qui est prévue privilégiera les cantons « riches » qui abritent beaucoup de multinationales, Bâle-Ville et Zoug en tête, selon eux.