Forces françaises au Sahel: l’anti-Barkhane?

Près d’un an après le départ du Mali, Paris a recentré son dispositif militaire au Sahel au Niger, où 1 500 soldats français y sont déployés. L’armée française a tourné la page de la force Barkhane, place désormais aux Forces françaises au Sahel. Sur la base aérienne projetée de Niamey s’élabore avec les forces armées nigériennes un partenariat de combat rénové, une présence qui se veut désormais légère et modulable.

De notre envoyé spécial de retour de Niamey, RFI

C’est l’illustration de cette nouvelle philosophie militaire : la semaine dernière, les légionnaires parachutistes du 2e REP (Régiment étranger parachutiste) de Calvi ont sauté avec leurs camarades nigériens dans le Liptako, le long d’une frontière poreuse où s’infiltre les katibas du groupe État islamique au Grand Sahara.

Et avant que les 72 parachutistes n’embarquent dans l’avion, l’officier de la légion annonce la couleur : « Pour vous aussi, les Forces armées nigériennes, la mission, elle va être dure ! Dure à cause de l’ennemi et de l’environnement que l’on ne connaît pas. Donc là, on compte sur vous ! Donc, ce n’est pas difficile, c’est dur, mais pas difficile ! »

Sous commandement de l’armée nigérienne

Une mission dure, mais pas difficile. À quelques nuances près, précise un légionnaire : le saut se fait de nuit, avec du vent, « on va sauter à proximité d’un poste militaire, sur une zone de saut qui fait trois kilomètres de long. Donc l’intégralité du détachement va sauter en même temps et ensuite on se réarticule au nord de la zone de saut, en mesure de s’infiltrer jusqu’à l’objectif qui est à cinq kilomètres. » Pas de casse en touchant le sol, les paras ont repris une position longtemps abandonnée et une semaine après cette opération coup de poing, les légionnaires sont déjà de retour en France. Voilà ce que l’état-major des Armées appelle « l’Afrique autrement » : légèreté et modularité, soit tout l’inverse de ce que fut l’opération Barkhane.

Parachutistes du 2e REP de Calvi et parachutistes des Forces armées nigériennes avant un saut opérationnel dans le Liptako, en mai 2023. © Franck Alexandre / RFI

Les forces françaises au Sahel agissent sous le commandement de l’armée nigérienne, en appui « de » et non plus « à la place », se félicite Kalla Moutari, ex-ministre nigérien de la Défense : « Ils ne se prévalent pas de faire à notre place. Ils viennent en appui dans ce qui manque, à nos propres forces. C’est une véritable coopération qui s’est installée et c’est le fruit de l’expérience passée. Les Français nous apportent la formation, les Français nous apportent du matériel, nous devons mettre leur présence à profit pour acquérir les moyens de renseignements, pour utiliser au mieux la dimension aérienne dont nous ne disposons pas et profiter aussi de leur présence pour former nos forces spéciales. Voilà pourquoi nous faisons appel aux Français, aux Américains, à d’autres nationalités pour accélérer la formation de ces unités, parce qu’il en faut beaucoup. Notre pays est très vaste, les frontières sont poreuses et partout, il y a des menaces. »

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« Débarkhanisation des esprits »

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Un partenariat de combat revisité, qui a nécessité ce que les militaires nomment la « débarkhanisation des esprits ». Ces dix dernières années, tous les régiments ou presque ont été déployés au Mali, sous commandement français, or aujourd’hui  « Il n’y a plus d’opération française au Sahel, il n’y a que celles des Nigériens », martèle le général Bruno Baratz, commandant du contingent français. « On se met à la disposition du partenaire », abonde le colonel Servent.

Cet aviateur est à la tête d’un escadron de chasse et de drones, pilote la base aérienne projeté de Niamey : « Exactement, on travaille aujourd’hui avec les forces armées nigériennes à leur profit. En appuie de ce qu’ils réalisent sur le terrain avec nos forces armées à nous. On a des militaires français qui travaillent tous les jours avec des militaires nigériens de façon imbriquée, sous un même commandement, un commandement nigérien. Et cela pour suivre le plan de campagne nigérien et réaliser les opérations que souhaitent les Nigériens. Les moyens aériens que l’on met en œuvre, ici, sur la base aérienne appuient ces opérations conjointes franco-nigériennes. »

Un drone Reaper armé de bombes de 250 kilos « Reaper » de l’armée de l’Air sur la base aérienne projetée de Niamey, en mai 2023. © Franck Alexandre/RFI

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Un désengagement d’ici à deux ans ?

Pour y parvenir, il a fallu reformater les esprits des militaires, assure le lieutenant-colonel Fabien, adjoint du commandant de la base : « On arrive à un moment où ils veulent accélérer dans leur montée en puissance et c’est arrivé en corrélation avec notre retrait du Mali et le recentrage des activités françaises dans la région. Pour pas faire comme au Mali, car je pense qu’on a quand même assez tiré les conséquences et la manière de faire là-bas, aujourd’hui, on a vraiment une politique, même dans le type de construction, on ne veut pas reproduire un Gao qui est difficile à désengager, tout ce qu’on construit ici est fait dans une logique de pouvoir être cédé au Niger à l’issue. On construit de façon à ce qu’ils puissent entretenir eux-mêmes les bâtiments. Qu’ils ne soient pas dépendants, le jour où on s’en ira, du personnel français qui va initialement l’armer. Le personnel nigérien sera apte à l’utiliser. » 

Et le jour du désengagement français n’est peut-être pas si éloigné. D’ici à deux ans, estime le général Bruno Baratz. Les 50 000 hommes des forces armées nigériennes devraient être suffisamment armés pour assurer, seuls, la sécurité et la stabilité au Niger.

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