Sommet Chine-Union européenne, un anniversaire au goût amer
Alors que s’ouvre jeudi 24 juillet un sommet Chine-Union européenne à Pékin pour le cinquantenaire de leurs relations diplomatiques, les deux puissances voient leurs relations perturbées par de nombreux différends, notamment commerciaux. Et les chances de réelles avancées sont minces.
Par : Nicolas Feldmann – Avec Clea Broadhurst, correspondante RFI à Pékin,
L’heure aurait pu être à la fête. Mais ce sommet qui célèbre un demi-siècle de relations diplomatiques entre Bruxelles et Pékin sera surtout l’occasion pour les deux superpuissances de mettre sur la table un certain nombre de différends. Si les divergences sont politiques et diplomatiques – l’UE reproche l’alignement de Pékin sur la Russie en Ukraine ou encore son soutien à l’Iran – les contentieux sont aussi commerciaux.
Additionnées, les économies de l’Union européenne et de la Chine représentent plus d’un tiers du PIB mondial (34,4 %) et les échanges entre ces deux blocs représentaient plus de 845 milliards d’euros de biens et de services en 2024. Pékin est ainsi le troisième partenaire des Vingt-Sept, quand l’UE est, quant à elle, le premier fournisseur de la Chine.
Des relations très déséquilibrées
Si les désaccords se multiplient, c’est d’abord parce que les relations sont très déséquilibrées. L’Union européenne affichait un déficit commercial avec la Chine de plus de 300 milliards d’euros l’an dernier. Et rien ne semble pouvoir inverser la tendance tant la liste de griefs est longue. Bruxelles dénonce l’accès inégal des entreprises européennes au marché chinois et accuse la Chine de concurrence déloyale. Les subventions accordées par Pékin à certaines de ses industries faussent le marché.
« La Chine a investi très tôt dans nombre de technologies d’avenir. Mais elle a ensuite commencé à submerger les marchés mondiaux avec des biens bon marché et subventionnés pour éliminer ses concurrents, a déclaré le 8 juillet devant le Parlement européen la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen. Des pans entiers de l’industrie occidentale ont fermé – des panneaux solaires à la transformation des minéraux –, laissant la voie libre à la domination chinoise. La Chine ne peut pas miser sur les exportations pour résoudre ses problèmes économiques internes. Les surcapacités ne peuvent être simplement déchargées sur les marchés mondiaux. »
Face à cette situation, l’Union européenne a multiplié les enquêtes ces dernières années pour finalement imposer des surtaxes à l’entrée sur les éoliennes et les voitures électriques chinoises. Pékin a riposté en visant par exemple les eaux-de-vie européennes, dont le cognac français. Et les autorités chinoises menacent désormais de s’en prendre à d’autres produits européens comme le porc.
L’Europe « privée » de terres rares
Le ton est encore monté en avril lorsque Pékin a imposé des restrictions sur les exportations de terres rares, ces métaux critiques indispensables pour produire les téléphones ou les voitures électriques, et dont l’Union européenne est très dépendante.
« Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, on avait imaginé que la Chine et l’Europe puissent se rapprocher, faisant face chacune à une politique américaine extrêmement coercitive et la guerre des tarifs, explique Marc Julienne, directeur du centre Asie à l’Ifri. En réalité, la Chine a répondu coup pour coup aux Américains avec une politique extrêmement forte. Et elle semble y avoir pris goût puisqu’en fait, elle, elle réplique cette approche extrêmement coercitive à l’encontre des Européens. On est beaucoup plus dans un rapport de force que dans une période de négociations et de compromis. »
Des tensions qui laissent douter de la possibilité de réelles avancées. À Pékin, les Européens vont tenter d’obtenir des allègements sur les exportations de terres rares. Côté chinois, les autorités insisteront, elles, pour que l’accord sur les investissements signé en 2020 soit enfin appliqué. Chinois et Européens voyaient ainsi l’accès de leurs entreprises à de nouveaux marchés facilité. Mais pour Bruxelles, ce deal négocié avant le Covid-19 n’est plus d’actualité.
D’après un responsable de la Commission européenne contacté par RFI, les chances d’avancées à l’issue du sommet sont très « minces ».
Pour la Chine, l’ombre de Washington plane sur les positions européennes
Sur fond de tensions commerciales et d’enjeux géopolitiques, les attentes de ce sommet Union-européenne-Chine jeudi 24 juillet sont faibles mais les enjeux restent cruciaux. Initialement prévu sur deux jours à Bruxelles, le sommet a été réduit à une journée et déplacé à Pékin – un symbole des relations fragilisées.
C’est dans un climat particulièrement tendu que ce sommet se tient à Pékin. Au cœur des discussions : déséquilibre commercial, guerre en Ukraine, droits de douane et climat.
Bruxelles dénonce un déficit commercial « intenable » et les subventions massives de Pékin, notamment dans les véhicules électriques. La Chine, elle, fustige une attitude européenne jugée « hostile » et menace de mesures de rétorsion.
L’Europe accuse Pékin de soutenir indirectement l’effort de guerre russe, tandis que la Chine dénonce une attitude européenne jugée trop alignée sur Washington. Car c’est bien l’ombre des États-Unis, et notamment des politiques protectionnistes de Donald Trump, qui plane sur ce sommet.
Les Vingt-Sept peinent aussi à parler d’une seule voix sur la Chine, ce qui limite leur marge de manœuvre.
Sur les terres rares, Bruxelles réclame un assouplissement des restrictions chinoises, cruciales pour ses industries. Et si le climat reste un espace de coopération possible, les discussions restent minées par des divergences sur le charbon ou les taxes vertes.
Un sommet sans percée attendue, mais où l’Europe espère maintenir le dialogue avec Pékin, tout en réduisant ses dépendances stratégiques.
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