Premier vol Moscou-Tbilissi en quatre ans, l’opposition géorgienne vent debout

Un avion de ligne russe est arrivé vendredi en Géorgie, une première depuis 2019 dans ce pays du Caucase, où l’opposition perçoit le rétablissement des liaisons aériennes avec la Russie comme un danger pour ses aspirations européennes.

Le vol, parti de Moscou et opéré par la compagnie aérienne Azimuth Airlines, a atterri à Tbilissi à 13H17 locales (9H17 GMT).

Devant l’aéroport, une centaine de manifestants se sont rassemblés contre la reprise des vols, a constaté un correspondant de l’AFP. Plusieurs arborent des drapeaux ukrainiens et géorgiens.

« Avion russe, va te faire foutre », indique une affiche tenue par une protestataire, reprenant un slogan emblématique de la résistance de l’armée ukrainienne à l’invasion russe du 24 février 2022.

Au moins six manifestants ont été interpellés par des policiers déployés sur place, selon Elene Khoshtaria, cheffe du parti d’opposition Droa à l’initiative des mobilisations contre cette mesure.

Le président russe Vladimir Poutine a pris la semaine dernière la décision surprise de rétablir les vols entre les deux pays, interdits en 2019 en réponse à des mouvements anti-Moscou en Géorgie.

En riposte, l’opposition géorgienne a appelé à manifester à l’aéroport de la capitale.

« Quand je vois mon pays glisser dans l’orbite russe, tout ce que je ressens, c’est de l’amertume et de la colère », lance un jeune étudiant en histoire, Lacha Sigoua, interrogé cette semaine par l’AFP.

« Nous ne pouvons pas regarder indifféremment la Géorgie reprendre ses habitudes avec la Russie, alors qu’elle mène une guerre atroce contre l’Ukraine », dit-il.

« Trahison »

Des manifestants protestent contre la reprise des liaisons aériennes avec la Russie à l'extérieur de l'aéroport de Tbilissi, en Géorgie, le 19 mai 2023

Des manifestants protestent contre la reprise des liaisons aériennes avec la Russie à l’extérieur de l’aéroport de Tbilissi, en Géorgie, le 19 mai 2023

AFP

Vano SHLAMOV

Le pays entretient des relations compliquées avec son ancien suzerain à l’époque soviétique. Une guerre courte mais sanglante a éclaté entre les deux voisins en 2008, sur fond de tensions liées à la volonté géorgienne de se rapprocher de l’Occident.

A l’issue du conflit, Moscou a reconnu l’indépendance de deux territoires séparatistes du nord de la Géorgie, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, et y a implanté des bases militaires.

La reprise des vols, assortie d’une mesure permettant depuis le 15 mai aux Géorgiens de rester en Russie sans visa pour des séjours inférieurs à 90 jours – sauf séjours professionnels -, alimente là encore les divisions.

« Nous ne les laisserons pas opérer en Géorgie », a déclaré à l’AFP l’opposante Elene Khoshtaria, estimant que le parti au pouvoir, Rêve Géorgien, est coupable de « trahison ».

La présidente du pays, la pro-européenne Salomé Zourabichvili, a également critiqué cette « nouvelle provocation » russe.

A l’inverse de la présidente, le Premier ministre géorgien Irakli Garibachvili a salué la reprise des vols, précisant que seuls les compagnies et appareils russes exempts de sanctions occidentales seraient autorisés à opérer en Géorgie.

« Il n’est question que de relations économiques et commerciales », a-t-il assuré.

« Pragmatisme »

Les critiques, eux, estiment que le gouvernement met en péril l’adhésion de la Géorgie à l’UE en coopérant avec le Kremlin.

Des manifestants protestent contre la reprise des liaisons aériennes avec la Russie à l'extérieur de l'aéroport de Tbilissi, en Géorgie, le 19 mai 2023

Des manifestants protestent contre la reprise des liaisons aériennes avec la Russie à l’extérieur de l’aéroport de Tbilissi, en Géorgie, le 19 mai 2023

AFP

Vano SHLAMOV

Ce pays d’environ 4 millions d’habitants, bordant la mer Noire, a déposé une candidature conjointe avec l’Ukraine et la Moldavie, peu après le début de l’invasion russe en février 2022.

En juin, les dirigeants de l’Union ont accordé le statut de candidat officiel à Kiev et Chisinau, mais ont conditionné celui de Tbilissi à plusieurs réformes (justice, système électoral, liberté de la presse)

L’analyste politique Ghia Nodia estime que les chefs du parti Rêve Géorgien « sabotent pratiquement l’intégration » à l’UE.

M. Garibachvili a balayé ces reproches et assuré la semaine dernière que son gouvernement était guidé par « la patience stratégique et le pragmatisme politique ».

Le parti au pouvoir affirme qu’il appuie les demandes d’adhésion à l’UE, mais aussi à l’Otan, une volonté d’intégration inscrite dans la constitution nationale et soutenue selon les sondages par 85% de la population.

Cependant, « l’UE veut une Géorgie démocratique », rappelle M. Nodia. « C’est pour cela que le parti dirigeant, dont le seul objectif est de rester au pouvoir, voit l’Occident comme son ennemi naturel et la Russie autocratique comme un bon partenaire. »

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