« Dialogue politique, et pourtant, il n’y a pas d’autre issue ! », par Mamadou Diop Decroix

La résilience de notre peuple est forte, très forte. Depuis les indépendances de 1960, seuls huit (8) pays sur les 55 que compte l’Afrique, n’ont pas connu de changements non constitutionnels à leur tête. Le Sénégal est du lot et se trouve être le seul pays anciennement colonie française sur la liste. Ceci n’est pas le coup du hasard.Cette stabilité plonge ses racines dans nos cultures, nos us et coutumes, nos traditions, bref la civilisation de notre pays. Les spécialistes pourraient nous en révéler les fondements mais le fait est là et il est établi que les contradictions qui sont gérées ici, dans une relative maîtrise, sont, pour l’essentiel, celles-là qui ont bouleversé et déstabilisé des pays qui nous entourent. Nous aurions cependant tort de surestimer nos capacités à surfer indéfiniment sur les facteurs et les phénomènes de déstabilisation.La raison en est que les caractéristiques actuelles du pays, ont radicalement évolué avec l’avènement du pétrole et du gaz. D’aucuns avaient vite conclu que ces découvertes ne seraient pas de grande importance, au motif que les pays dominants avaient déjà décidé de migrer vers les énergies propres qui rendraient les énergies fossiles déclinantes et, à terme, inutiles. La guerre en Ukraine a montré que nous sommes encore loin de ce scénario.Par conséquent le Sénégal, qui était déjà à une position stratégique sur le continent africain, intéressant toutes les grandes puissances militaires de la planète, devient aujourd’hui, plus que par le passé, une plaque tournante d’énormes intérêts de dimension mondiale. Ne pas regarder notre contexte sous cet éclairage, pour ne voir que l’actualité du champ politique, serait gravement préjudiciable à une bonne perception des défis qui nous sont lancés. S’y ajoute la guerre asymétrique presque partout dans la sous-région, avec ses milliers de morts, ses centaines de milliers de blessés et de déplacés.

Pour tout dire, nous apparaissons comme un îlot relativement paisible au milieu d’une mer déchaînée, charriant des drames innommables sur de vastes étendues de l’Afrique de l’Ouest. Pendant ce temps, chaque jour qui passe, nous administre aussi la preuve que nous ne comptons que pour du beurre aux yeux de la fameuse communauté internationale. Combien de milliers de pauvres citoyens burkinabé ont été jusqu’ici trucidés sans qu’il y ait la moindre initiative sérieuse pour ramener la paix et la tranquillité dans ce pays frère ? Même les instances d’intégration africaines sont aux abonnés absents devant tant de souffrance, devant cette descente aux enfers.C’est l’Ukraine qui les préoccupe, la mer de Chine, le proche et le moyen Orient … Lorsqu’ils s’intéressent à nou,s c’est tout juste pour les richesses de notre sol et de notre sous-sol. Ce serait une grande naïveté que de croire le contraire. C’est pourquoi l’importance qui est accordée dans nos pays, à ce que pensent l’Élysée et les Français de notre politique intérieure, m’étonne toujours.

J’ai évoqué la guerre en Ukraine qui est en train d’accélérer les changements de paradigmes dans le monde. Le Professeur Samir Amin montre que « le monde d’aujourd’hui est caractérisé par l’implosion du capitalisme contemporain sans qu’il y ait coïncidence, jusqu’à présent, entre cet automne, cette implosion, et l’amorce d’un véritable et authentique printemps des peuples ». Selon lui, « l’écart dans le temps entre la mort douce mais violente du système capitaliste contemporain et la naissance retardée d’une alternative cohérente, positive, donne tout son caractère tragique à notre époque ».Et de rappeler la fameuse et saisissante formule de Gramsci : « Lorsqu’un système a épuisé son potentiel historique, et que la vague qu’il a représentée dans l’histoire s’éteint, mais que la nouvelle vague qui représente l’avenir est à peine en formation, entre la nuit qui n’est pas encore terminée et le jour qui n’est pas encore là, se profilent des fantômes et des monstres ».Samir Amin poursuit : « Et notre époque est pleine de monstres, pas seulement du côté des forces dominantes du système, mais également des fantômes, parfois sympathiques par leur naïveté mais des fantômes et des monstres qui se profilent également dans les réponses que les peuples donnent à ce défi. C’est-à-dire que le meilleur mais également le pire sont possibles, dépendant de la prise de conscience éventuelle des peuples ».Quelles doivent être, sur cette base, les réponses de notre peuple à ce défi ? Telle est, à mon sens, la question posée et à résoudre. Les contentieux d’aujourd’hui, n’en sont qu’un aspect dans un rapport évidemment dialectique avec les autres.

SOURCE LERAL

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