Augustin Senghor sur le quota à la coupe du monde de football : «il n’y a pas de raison que l’Uefa ait 13 places et pas la Caf »
KIGALI, Rwanda) – Augustin Senghor se fait l’avocat du football africain. Le président de la Fédération sénégalaise de football (FSF) et 1er vice-président de la CAF l’a encore une fois martelé, vendredi 16 mars, en marge du congrès de la Fifa, marqué par la réélection par acclamation du président Gianni Infantino dans la salle BK Arena de Kigali. Selon le maire de l’Ile de Gorée, «rien ne justifiait que nous nous retrouvions toujours avec 5 places», à la coupe du monde alors que l’Europe envoie 13 nations. Pis, l’Amérique du Sud compte 5 participants pour une confédération de seulement 10 pays. Pour mettre fin à cette «injustice», la Fifa a fait passer les pays participants de 32 à 48 à partir de la prochaine coupe du monde United2026 avec 9 places et une place barragiste pour le continent noir.
Président, qu’attendez-vous de ce nouveau mandat du Président Gianni Infantino pour le football sénégalais et pour le football africain ?
Une partie du travail est fait. J’avais estimé qu’il y avait une injustice notoire sur la répartition des places à la Coupe du monde avec les confédérations. Rien ne justifiait que nous nous retrouvions toujours avec 5 places. Donc le président l’a réglé, je dirai substantiellement mais j’estime que ce n’est pas assez, il nous faut encore plus de places. Nous sommes 54 nations, nous sommes au
même niveau que l’UEFA, il n’y a pas de raison que l’UEFA ait 13 places et pas nous (CAF). C’est un autre combat qui commence, il ne faut pas avoir peur de poser ce débat-là. À côté de ça aussi, nous devions montrer que nous méritons ces places que nous demandons en termes de résultats, en terme de meilleure organisation de nos associations, en terme de plus d’attractivités au niveau de nos compétitions de la confédération africaine conformément à la vision de notre président, Patrice
Motsepe.
«Gagner une fois c’est bien mais être performant sur la durée c’est notre vrai objectif et nous ne
l’avons pas encore atteint»
Nöel Le Graet a été récemment nommé point focal de la FIFA chargé du développement du football en Afrique. Qu’en pensez-vous ?
J’en pense rien, parce qu’à ma connaissance je n’ai pas vu une décision officielle ou un communiqué de la FIFA parlant de ça. J’ai vu les commentaires en marge de sa décision de démission le jour de sa démission de la part d’un membre du Comex de la FFF et de lui-même. Donc, pour le moment ça ne m’interpelle pas, ce n’est pas une décision officielle je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus.
Partagez-vous le point de vue du Président Kagame qui compte aller en croisade contre le racisme dans le football ?
Moi-même, à plusieurs reprises chaque fois que j’ai constaté qu’il y avait ces situations je les ai dénoncées. Non pas seulement le raciste tourné vers les populations africaines ou les populations noires. Mais toutes formes de discriminations, toutes formes d’intolérances doivent être bannies dans le sport. Le sport doit être un espace de convivialité, de rencontre de fraternité. Et ce sont ces valeurs-là qui nous poussent tous à migrer vers cet espace qui a su garder un peu d’humanisme et d’humanité. Il faut qu’on le préserve dans l’intérêt de cette humanité. Justement, c’est ce que le président Kagame a dit, et je m’y retrouve. Je pense qu’aussi de dirigeants s’y retrouvent. Maintenant, il nous appartient de le combattre sans faux semblant et je dirai à valeur égale, il n’y a pas de discrimination plus noble que d’autres parce que je vois dès fois sur certains aspects disons-le quand on parle des LGBT, on veut que tous se rangent mais quand on parle de racisme contre les noirs ou contre d’autres catégories de personnes, les gens n’en parlent pas ou ne les défendent pas assez. Or, ça aussi, c’est à dénoncer.
Vous êtes devenu l’attraction du football africain…
Ah bon ? C’est le Sénégal plutôt. Ce n’est pas moi. On est heureux d’abord.
Je parlais tout à l’heure (l’interview a été réalisée en marge du congrès de la Fifa, le 16 mars, Ndlr) à un ami qui est une ancienne gloire du football africain, qui était président de la Fédération Congolaise. Il me dit déjà en 1968, ils ont joué contre le Sénégal et eux-mêmes ne comprenaient pas pourquoi le Sénégal n’arrivait pas à gagner. Je lui ai dit que c’est simplement parce que le temps n’était pas arrivé. Le temps est arrivé et certainement nous notre génération est allée vers ce temps ou que ce temps-là est venu vers nous. Tout s’enchaîne, on gagne mais bon plus sérieusement aujourd’hui je pense que c’est l’ensemble des Sénégalais qui ont pris conscience qu’il y avait un anachronisme qui ne se justifier pas. On avait du talent, on n’était pas les pires fédérations au contraire on a eu des dirigeants de qualités pendant des générations. On avait tout pour réussir, beaucoup de générations ont raté des occasions de gagner on le sait et à un moment donné on a dit que ça suffisait. On a travaillé tous ensemble dans un même élan pour arriver à ça.
Il y a une fédération avec une génération de dirigeants qui a voulu que les choses changent qui à un moment donné, a même renoncé pour certains à des ambitions personnelles pour se mettre tous ensemble autour d’un slogan qui était « Manko Wutti Ndam Li » qui signifie simplement s’unir pour aller vers la victoire. Et comme par hasard ça a marché et même plus d’une fois.
On a gagné la CAN, on pensait que ça va s’arrêter là et ça s’enchaîne. Ça montre qu’aussi quelque part que le travail de fond qui a été fait produit ses fruits. Mais aussi que la clé du succès pour nous autres pays qui voulons émerger dans le football ou dans le sport c’est de donner du temps au temps. C’est ça qu’il faut magnifier pour moi en tant que président de fédération. J’ai bénéficié du temps et de la compréhension des populations, des supporters mais aussi des autorités sénégalaises sans qui nous n’aurons pas pu arriver à ces objectifs-là.
Ce consensus tant prôné autour de vous est-il une réalité ?
Pas que moi, c’était une vision collective et donc le mérite est bien entendu collectif et c’est ça qu’il faut magnifier. Je pense que ce serait pour moi une erreur de tout ramener à ma personne.
Au contraire, je pense que c’est un mouvement d’ensemble qui s’est créé, une prise de conscience collective. Aujourd’hui le Sénégal en bénéficie et aussi c’est le moment de ne pas se contenter que de ça. Il faut se remettre en cause, travailler parce que ce qui vient devant est le plus difficile. C’est-à-dire se maintenir au sommet avec d’autres pays qui vont venir nous bousculer. Depuis que je suis là tous mes collègues présidents me disent vous allez arrêter quand ?
Je pense qu’ils vont se donner les moyens de nous arrêter mais je leur lance le défi en leur disant non mais on n’est pas prêts. On vient juste de commencer à gagner et on a envie de gagner encore beaucoup de trophées. Je pense qu’aujourd’hui c’est une période où nous travaillons à gagner en accélérant. D’abord pour le temps perdu depuis plusieurs décades, depuis 60 ans mais aussi pour un futur proche parce qu’aujourd’hui nous avons jeté les bases d’un football qui peut être performant sur la durée. C’était l’un des objectifs.
Gagner une fois c’est bien mais être performant sur la durée c’est notre vrai objectif et nous ne l’avons pas encore atteint.
Le Sénégal sur quatre tableaux dans quelques jours avec les U23 et les Seniors. Comment compter vous gérer cette situation ?
Je disais tantôt qu’il faut se remettre en cause et en question en perma-nence. Aujourd’hui se requalifier à la CAN est même une obligation pour l’équipe A derrière aussi gagner en U23
pour aller à cette Coupe d’Afrique U23 avec une génération de joueurs qui en réalité sont des faux expatriés. Je les appelle comme ça parce que la plupart de ces U23 nous viennent donc de l’extérieur mais ils sont partis du pays, ils ont connu les équipes de jeunes au Sénégal. C’est ça la vision de la Fédération.
Il est important pour nous que cette équipe de Demba Mbaye se qualifie parce que ça nous permettra de viser comme objectif à la CAN, de nous qualifier aux JO Paris 2024. Et de faire une duplication de la génération des Sadio Mané. Cette génération, si elle se qualifie en étant parmi les trois premières équipes de la CAN U23, elle pourra non seulement participer aux Jeux olympiques Paris 2024 mais cette génération charnière avec les U20 que nous connaissons, une fois maintenue pourrait être l’avenir de notre football. Parce qu’aujourd’hui, nous ne devons plus avoir une rupture de générations. Nous avons une génération fabuleuse avec des Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, Idrissa Gana Guèye, je ne peux pas citer tout le monde. Vous les connaissez mais il faudrait maintenant qu’on prépare l’avenir avec eux mais aussi avec d’autres jeunes qui vont venir s’inspirer d’eux pour poursuivre cette marche victorieuse du football sénégalais.
RECUEILLIS PAR ABDOULAYE THIAM
(ENVOYÉ SPÉCIAL À KIGALI)