CAN tous les quatre ans: « respect du football africain » ou concession à la FIFA, les réactions se multiplient
La décision de la Confédération africaine de football d’organiser la Coupe d’Afrique des nations tous les quatre ans, annoncée le 20 décembre à la veille de la CAN 2025 au Maroc, continue de faire débat. Joueurs, sélectionneurs et dirigeants s’opposent entre promesse d’attractivité accrue et crainte d’un affaiblissement du football africain au profit des clubs européens.
Par Antoine Joubeau TV5.ORG
C’est un débat qui ne retombe pas. Depuis l’annonce du président de la Confédération africaine de football (CAF), le 20 décembre dernier à la veille du coup d’envoi de la CAN 2025 au Maroc, les acteurs du football africain continuent de se prononcer sur la fin du cycle bisannuel qui existait officiellement depuis 1968.
Des stars africaines séduites par le nouveau format
Du côté des partisans, les arguments tournent autour de l’attractivité et du prestige. Selon Achraf Hakimi, capitaine du Maroc et latéral du Paris Saint-Germain (PSG), le changement est une évidence. « C’est très bien d’organiser cette Coupe tous les quatre ans car ça donne plus de hype, plus d’envie de venir jouer. Les journalistes et les supporters seront plus derrière cette CAN », a estimé le joueur en conférence de presse dimanche 28 décembre.
Le joueur de 27 ans l’assure: « Tous les deux ans, on voit les mêmes têtes et on donne moins de mérite au champion. Les gens respecteront plus le football africain ».
Un avis partagé par l’Algérien Aïssa Mandi, défenseur central du Lille Olympique Sporting Club (LOSC). « Organiser la compétition tous les quatre ans est une bonne chose. C’est mieux que tous les deux ans », a déclaré le joueur de 34 ans à quotidien français de sport L’Équipe. « Ce sera comme tous les grands tournois continentaux tels que l’Euro, ce qui est logique et bon pour le football africain dans son ensemble. »
Emerse Faé pose ses conditions
Le champion d’Afrique en titre se montre plus nuancé. Emerse Faé, sélectionneur de la Côte d’Ivoire sacrée en 2024, s’est dit favorable à une CAN tous les quatre ans mais à une condition: qu’elle serve « au développement du foot africain », a-t-il confié à l’AFP à Marrakech.
« On a aujourd’hui la chance d’avoir de meilleures infrastructures en Afrique, d’avoir des équipes plus structurées, des meilleurs joueurs, qui pour la plupart évoluent en Europe et certains dans les meilleurs clubs européens », a détaillé l’ancien international espoir français.
Mais pour lui, le succès de la réforme dépendra de la nouvelle Ligue des nations africaine annoncée par Patrice Motsepe pour 2029. « La CAN tous les quatre ans permettrait d’avoir une grande compétition tous les deux ans avec la Coupe d’Afrique et la Coupe du monde, mais il faut absolument une autre grande compétition africaine type Ligue des nations en Europe, comme c’est prévu », a-t-il prévenu.
Le sélectionneur ivoirien imagine déjà les affiches: « On aurait par exemple des Maroc-Sénégal tous les ans, des Côte d’Ivoire-Tunisie, des Algérie-Mali ». Et pour les plus petites nations? « Je ne crois pas que cela pénaliserait les plus petites nations, parce que je ne sais pas si se prendre des 5-0, des 6-0, ça relève le niveau du foot africain », estime-t-il, proposant plutôt un système de divisions comme en Europe.
« Une bêtise affligeante » pour Claude Le Roy
Face à ces soutiens, les opposants ne désarment pas. Claude Le Roy, légende française du football africain fort de neuf participations à la CAN en tant que sélectionneur, a violemment critiqué la décision dans un échange avec Afrik-Foot.
« C’est une bêtise affligeante. Vous ne voulez pas le développement de l’Afrique vous? Vous ne voulez pas que, tous les deux ans, il y ait des pays qui construisent des stades, des terrains d’entraînement, de l’aménagement du territoire avec des autoroutes, avec des routes, ce dont a besoin toute l’Afrique subsaharienne? », s’est insurgé le technicien de 77 ans.
Pour Claude Le Roy, l’argument mis en avant par Patrice Motsepe – soutenir les joueurs africains expatriés en Europe et souvent mis sous pression par leur club – n’est qu’un « prétexte ». « Là où vous vous méprenez complètement, c’est que ce n’est pas du tout pour l’Afrique que c’est fait. C’est pour la FIFA, pour multiplier encore, en jouant sur la cupidité des dirigeants africains, de plus en plus de compétitions africaines », a-t-il accusé.
L’ancien sélectionneur a également taclé la Coupe arabe de la FIFA, achevée le 18 décembre au Qatar, à seulement trois jours du coup d’envoi de la CAN 2025. « La Coupe arabe de la FIFA, avec des émoluments supérieurs à ceux de la Coupe d’Afrique des Nations, je ne comprends même pas que tous les journalistes, fussent-ils arabes, n’aient pas réagi contre ça », a-t-il lancé. Pour l’instant les Fédérations africaines arabophones envoient des équipes de second rang dans la compétition.
L’Égypte défend le format bisannuel
Hossam Hassan, sélectionneur de l’Égypte, a lui aussi défendu le statu quo. « À mon avis, il est mieux que la CAN se tienne tous les deux ans au lieu de quatre », a déclaré le technicien dans des remarques relayées par l’Association égyptienne de football sur Facebook.
Son argument : « Cela servirait les intérêts des ligues européennes », sous-entendant que le passage à quatre ans favorise avant tout les clubs du Vieux Continent, peu enclins à libérer leurs joueurs africains tous les deux ans pendant plus d’un mois.

