CAN 2025: Patrice Beaumelle arrive au Maroc pour «faire ce que l’Angola aime: surprendre»
Patrice Beaumelle, nommé sélectionneur de l’Angola trois mois avant cette CAN 2025, ne veut pas parler d’un objectif précis pour son équipe. À l’heure d’entamer la compétition lundi 22 décembre contre l’Afrique du Sud, il souhaite plutôt construire un projet et respecter l’ADN du football angolais, imprévisible et spectaculaire.
Par :Yohann Le Coz – RFI
RFI : Vous êtes arrivé à la tête de cette équipe au mois d’octobre, comment se passe la prise en main de la sélection ?
Patrice Beaumelle : J’ai pris cette équipe, c’est vrai, un peu sur le tard. Mais j’ai pu travailler en 2010 déjà avec la Fédération (il a été adjoint d’Hervé Renard avec l’Angola cette année-là, NDLR). Je connaissais les dirigeants et le projet, c’était simple. Ils pensaient se qualifier pour la Coupe du monde et le fait de ne pas y arriver a fait qu’ils se sont posé la question : doivent-ils finir cette CAN avec le coach qui était en place depuis 5-6 ans (Pedro Gonçalves), ou déjà commencer un projet qui se mettra réellement en place après la CAN ?
On a pu faire cinq matchs, donc il y a déjà des principes de jeu qui ont été mis en place. Là, on a joué le Mozambique (victoire 4-1), le projet se met en place avec mes principes de jeu. C’est vrai qu’on a toujours envie d’avoir un peu plus de temps, mais dans le football, il faut avoir cette capacité d’adaptation.
La capacité d’adaptation, justement. Vous avez dû bricoler cette préparation pour la CAN avec des joueurs qui sont arrivés au compte-goutte.
Le stage devait avoir lieu du 8 au 18 à Faro, au Portugal. Avec deux matchs amicaux de préparation, avant de voyager le 18 au Maroc. Lorsqu’on a appris que la Fifa autorisait les joueurs à rester en club jusqu’au 15 décembre, on a hésité à maintenir le stage ou pas. Puis, finalement, on l’a gardé.
Je vais vous dire la vérité : on a démarré avec quatre joueurs et deux gardiens de but, avec ceux qui jouent dans les pays arabes, où ils avaient arrêté le championnat, comme en Égypte pour Chico Banza, ou au Qatar pour Gelson Dala. Et puis, à partir du 13, on a commencé à avoir des joueurs qui arrivaient par grosses vagues. Donc on a fait un stage d’une semaine avec six joueurs dont deux gardiens, c’était catastrophique.
Comment travaille-t-on dans de telles conditions ?
Le stage n’avait aucun intérêt pour développer un système tactique. On a récupéré nos joueurs le 15 au soir, nous avons fait une séance le 16 au matin, le 16 après-midi. Le 17, on a fait notre match contre le Mozambique. Donc, on a eu deux séances dans les jambes, on ne peut pas parler de stage, juste un regroupement de 48 heures au Portugal pour voyager au Maroc. Le 19 décembre, c’est notre première vraie séance au Maroc. Nous jouons le 22.
Dans quel état d’esprit vous abordez cette CAN après autant de difficultés ?
Pouvoir faire cette CAN va quand même permettre de continuer la mise en place du projet. Après la CAN, pouvoir avoir le temps de chercher un petit peu tous les joueurs qui peuvent venir dans ce groupe et passer encore plus de temps ensemble. C’est pour moi l’occasion de mettre en place des choses dans une compétition majeure. Puis je pense que dans un pays de football comme le Maroc, avec de beaux stades, qui a le vent en poupe, ça va être une des plus belles Coupes d’Afrique de l’histoire.
L’Angola était un peu l’équipe sensation de la dernière CAN. Quel est l’objectif de votre sélection au Maroc ?
J’en ai parlé avec les joueurs. Sur la dernière CAN, ils arrivent dans un groupe difficile (Algérie, Burkina Faso, Mauritanie) après avoir eu une préparation compliquée pendant le stage. Donc ils étaient arrivés dans un objectif de faire au mieux, et ils avaient fait très bien. Ils sortent premiers de leur poule et vont en quarts de finale.
Cette équipe d’Angola, ses principes de jeu et son ADN, c’est une équipe qui défend bien et qui joue très vite en avant, avec des joueurs offensifs capables de faire des différences à tout moment. Je pense que c’est vraiment dans le sang de cette équipe d’Angola, des attaquants performants, bons en jeu de tête, des joueurs de vitesse, de rupture. C’est ce qu’il faut conserver.
Est-ce qu’il y a un objectif d’un tour à aller chercher ? Peut-être essayer de casser le plafond de verre des quarts de finale ?
On a deux équipes qui vont à la Coupe du monde et des équipes qui ont des étoiles déjà dans notre groupe (l’Afrique du Sud et l’Égypte), donc je me garderai bien de le dire. L’objectif, c’est de faire ce que l’Angola aime faire : surprendre. Et d’être nous-mêmes, dans cet ADN-là. Je pense qu’on a fait de bons matchs au Cameroun et contre l’Argentine le mois dernier. On a montré une bonne image de notre football. Les Argentins avaient été surpris de notre capacité à aller vite de l’avant.
Vous attaquez le tournoi avec un gros morceau : l’Afrique du Sud. Quel regard vous portez sur ce premier adversaire ?
C’est une équipe dont les gens ne se rendent pas compte des capacités. Depuis deux ans, elle n’a pas perdu un match officiel. Le dernier match perdu, c’est contre le Nigeria en demi-finale de la CAN 2023, et c’était aux tirs au but. C’est une équipe très performante, avec des joueurs très rapides. Je pense qu’Hugo Broos arrive à maturité avec cette équipe, il a trouvé son système, son plan de jeu.
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On a essayé de bien les analyser, c’est une équipe qui est faite de vitesse, de courses et d’efforts. Elle n’est jamais présentée comme une équipe favorite. Mais pour moi, l’Afrique du Sud est une des favorites de cette Coupe d’Afrique.
Une dernière question purement technique, comment gérez-vous la barrière de la langue au quotidien avec vos joueurs ?
Eu falo português ! (Je parle portugais !)
Vous avez appris pour l’occasion ?
C’est une des qualités importantes des coachs qu’on ne met pas toujours en avant. Les coachs doivent s’adapter. J’avais pris quelques cours il y a 15 ans quand j’étais passé en sélection. Je pensais avoir tout perdu et au final, j’ai conservé pas mal de choses, j’arrive à me débrouiller. Je fais toutes mes conférences en portugais. Après, quelques joueurs peuvent parler anglais et j’ai 4 ou 5 francophones, je peux me faire traduire. Mais 99 % du temps, je parle portugais. C’est important dans mon projet de m’adapter au pays et pas l’inverse.

