Face aux géants du numérique américains, une partie du monde tente de réguler
C’est une première mondiale. Depuis ce mercredi, l’Australie a interdit les réseaux sociaux aux moins de 16 ans.
L’interdiction concerne tous les réseaux sociaux qui nécessitent un compte pour s’inscrire comme Facebook, TikTok ou Instagram. D’autres, qui sont accessibles plus simplement comme YouTube ou WhatsApp, ne sont pas concernés ou pas encore. La liste peut évoluer. Le but, c’est de protéger la santé mentale et le développement intellectuel des plus jeunes et de leur éviter d’être victimes de harcèlement en ligne ou d’avoir accès à des contenus radicaux ou illégaux. L’Australie est le premier pays à prendre une mesure de ce genre. D’autres pays de l’Asie-Pacifique comme la Malaisie ou la Nouvelle-Zélande y réfléchissent.
Puissance presque sans limites
Les plateformes concernées indiquent qu’elles vont respecter cette interdiction, avec toutes les réserves techniques quant à la faisabilité d’une vérification efficace de l’âge des utilisateurs. Mais elles y sont farouchement opposées, par leur nature même. Pour ces mastodontes mondiaux, toute idée de régulation s’apparente à une restriction du libre marché qui leur a permis d’acquérir une puissance culturelle et financière presque sans limites. Comme ces entreprises sont américaines, y compris TikTok – désormais contrôlée par des capitaux américains proches du pouvoir – la loi américaine leur garantit une liberté sans limite, au nom de la liberté d’entreprendre, sans responsabilité sur les contenus qu’elles hébergent au nom de la liberté d’expression.
Alliance objective
Et, elles sont assurées que ça va continuer, grâce à leur alliance objective avec l’actuelle administration américaine. Initialement Donald Trump menaçait de réguler, mais il n’en parle plus. Tous les patrons de ces géants étaient à son investiture et ils sont tous passés par le bureau ovale pour consacrer cette alliance d’une manière ou d’une autre. C’est que Donald Trump a compris qu’il pouvait profiter du pouvoir des géants du numérique pour régner quasiment sans partage, profitant des algorithmes qui poussent son discours dans l’esprit des électeurs. Il leur laisse donc carte blanche pour leurs affaires et en échange, ils ne se mêlent pas de politique, ce qui est une façon de s’en mêler. Son prédécesseur Joe Biden l’a compris un peu tard et c’est dans son discours d’adieu qu’il a dénoncé ce qu’il a appelé le complexe techno-industriel.
Passe d’armes
La prochaine cible de cette alliance de la technique et de la politique, ce sont ceux qui tentent de poser des limites, et notamment l’Union européenne. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans la stratégie de sécurité nationale qui inquiète tant les Européens depuis vendredi. Dans les priorités énumérées page 27 du document, on peut lire : « Ouvrir les marchés européens aux biens et services américains et garantir un traitement équitable aux travailleurs et aux entreprises des États-Unis ». C’est une allusion limpide aux différentes régulations, procédures et amendes qui frappent les entreprises technologiques américaines. La dernière amende, 120 millions d’euros contre X, anciennement Twitter, amenant son patron Elon Musk, allié politique de Donald Trump, à demander l’abolition de l’Union européenne. Le ministre polonais des Affaires étrangères lui a conseillé d’« aller sur Mars où les saluts nazis ne sont pas censurés ». On peut trouver la passe d’armes amusante, mais on peut être sûr qu’elle ne va pas s’arrêter là. Les géants du numérique et leurs alliés actuellement au pouvoir à Washington ne vont certainement pas laisser leur échapper un marché de 450 millions de personnes comme ils semblent, au moins provisoirement, le faire avec les 27 millions d’habitants de l’Australie.
Par :Guillaume Naudin

