Comment le conflit Israël-Iran affaiblit l’influence chinoise au Moyen-Orient

Des analystes concluent que la Chine, grande alliée de Téhéran, est une des grandes perdantes de la guerre opposant l’Iran et Israël. La diplomatie chinoise a perdu en crédibilité du fait de ses timides appels à la désescalade, et le peu d’influence de Pékin au Moyen-Orient apparaît au grand-jour.

Kevin Dupont –  Source: AFP

La Chine est contrainte d’assister en spectatrice à la guerre Iran-Israël, un conflit qui fragilise ses efforts diplomatiques pour renforcer son influence au Moyen-Orient, selon des analystes.

La Chine “s’en tient à des déclarations”

Pékin entend s’imposer depuis plusieurs années comme un médiateur dans la région. La Chine a ainsi facilité le rapprochement diplomatique historique entre l’Arabie saoudite et l’Iran en 2023. Sur le conflit israélo-palestinien, elle se présente comme un acteur plus neutre que les États-Unis – proche allié d’Israël. Première cliente du pétrole iranien, elle a permis ces dernières années à la République islamique de maintenir à flot son économie, asphyxiée par les sanctions.

Mais face à la récente guerre Iran-Israël et aux bombardements américains sur le sol iranien, la diplomatie chinoise a dû se contenter d’appels à la désescalade. “Pékin n’a pas offert d’aide concrète à Téhéran” et reste “en retrait”, observe Craig Singleton, spécialiste de la Chine à la Foundation for Defense of Democracies, un centre de recherche américain plutôt néoconservateur.

La Chine “s’en tient à des déclarations: des condamnations, des communiqués à l’ONU, des appels au dialogue, car promettre trop et apporter peu au final mettrait en lumière les limites de sa capacité d’action”, souligne-t-il. “Le résultat est une réponse manifestement timide qui montre le peu d’influence réelle que la Chine peut avoir pour l’Iran lorsque des hostilités éclatent,” dit-il encore à l’AFP.

“Effrondement total”

Après le retrait unilatéral en 2018 des États-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien, signé trois ans plus tôt, Pékin avait renforcé ses liens avec Téhéran. Le président chinois Xi Jinping avait qualifié en 2023 les relations bilatérales de “stratégiques” et affirmé soutenir l’Iran dans sa lutte contre le “harcèlement”.

Un haut gradé chinois à la retraite, Liu Qiang, était encore plus explicite dans un article publié courant juin sur le site académique Aisixiang. “La survie de l’Iran relève de la sécurité nationale de la Chine”, estime M. Liu, directeur du comité académique du Centre pour les études stratégiques et internationales RimPac de Shanghai. La Chine doit prendre selon lui des “mesures proactives” dans le conflit, pour garantir que l’Iran “ne sera pas brisé par la guerre” ou “étranglé par les États-Unis et Israël”.

Pour des analystes, les liens qu’entretient Pékin avec Téhéran visent également à contrebalancer l’influence régionale des États-Unis, d’Israël et des pays du Golfe. “L’Iran s’intègre dans la stratégie chinoise de riposte à l’hégémonie des États-Unis et, dans une moindre mesure, à l’expansion de l’Otan”, explique Tuvia Gering, spécialiste de la Chine au centre de réflexion américain Atlantic Council.

Cette stratégie s’est intensifiée après la chute du gouvernement de Bachar al-Assad en Syrie et l’affaiblissement du Hamas et du Hezbollah, tous soutenus par Téhéran. “Pékin a cherché à empêcher un effondrement total du rôle régional de l’Iran”, souligne M. Gering, qui souligne notamment les initiatives chinoises visant à relancer l’accord sur le nucléaire.

Matériel militaire

La Chine a condamné les récentes frappes américaines en Iran et appelé toutes les parties à la désescalade, “tout particulièrement Israël”. Elle s’est aussi prononcée en faveur d’un règlement politique et d’un cessez-le-feu.

Malgré leurs liens privilégiés, Pékin ne devrait pas fournir de matériel militaire de pointe à Téhéran, par crainte d’un affrontement direct avec Washington, soulignent des analystes. “L’Iran a besoin de plus que de simples déclarations à l’ONU ou de composants pour missiles”, juge Andrea Ghiselli, professeur à l’université d’Exeter (Angleterre).

“Il lui faut des défenses aériennes et des avions de chasse. Des choses que la Chine pourrait fournir, mais dont la mise en œuvre prendrait du temps, sans parler de la réaction très négative d’Israël, et surtout – maintenant qu’ils sont directement impliqués – des États-Unis”, ajoute-t-il.

Les États-Unis ont exhorté la Chine à faire pression sur l’Iran afin d’empêcher une fermeture du détroit d’Ormuz, un axe vital pour les exportations d’hydrocarbures. Mais Ahmed Aboudouh, chercheur du groupe de réflexion britannique Chatham House, doute que Pékin en ait les moyens. “La position de la Chine au Moyen-Orient est très affaiblie depuis le début du conflit”, estime-t-il. “Tout le monde dans la région comprend que la Chine a peu, voire aucune influence pour jouer un rôle réel dans la désescalade.”

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