À la Conférence de l’ONU sur l’océan, Macron s’oppose à l’unilatéralisme américain: «Les abysses ne sont pas à vendre»
Lors de l’ouverture de la Conférence de l’ONU sur les océans lundi 9 juin, le président français Emmanuel Macron a défendu avec force le multilatéralisme face à la tentation du » chacun-chez-soi ». Avec son discours, le chef de l’État français a critiqué la position incarnée par le président américain Donald Trump, absent du sommet.
Par :RFI avec AFP
C’est un appel à la mobilisation pour des « océans en ébullition », mais aussi une pique à peine voilée adressée à Donald Trump. Lundi 9 juin, à Nice, lors de l’ouverture de la troisième conférence des Nations unies sur les océans, Emmanuel Macron a donné le ton. « La première réponse, c’est le multilatéralisme », a-t-il martelé, avant de lancer : « Les abysses ne sont pas à vendre, pas plus que le Groenland, l’Antarctique ou la haute mer ». Une déclaration qui vise clairement les ambitions expansionnistes prêtées au président américain, grand absent du sommet.
Emmanuel Macron, qui doit se rendre au Groenland le 15 juin, poursuit ainsi une ligne diplomatique constante : faire barrage à la vision unilatérale portée par l’ex-locataire de la Maison Blanche, qui menace de relancer l’exploitation minière en haute mer sans cadre collectif.
« Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far West »
Plus de 60 chefs d’État et de gouvernement ont fait le déplacement sur la Côte d’Azur – notamment des pays du Pacifique et d’Amérique latine – pour porter la voix d’un océan en surchauffe, en surpêche et en surpollution. Une urgence que partage le secrétaire général de l’ONU António Guterres, qui a appelé à éviter la transformation des fonds marins en terrain de non-droit. « Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far West », a-t-il martelé, en écho direct à la politique américaine, qui prévoit de lancer unilatéralement l’exploitation des galets de nickel et autres métaux critiques dans les eaux internationales du Pacifique.
Nous savons que c’est possible. Lorsque nous sommes parvenus à un moratoire mondial sur la chasse commerciale à la baleine, les populations de baleines se sont reconstituées. Lorsque nous protégeons des aires marines, la vie revient. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de redonner à l’océan son abondance. Ce qui a été perdu en l’espace d’une génération peut renaître en l’espace d’une autre. L’océan qu’ont connu nos ancêtres, qui regorgeait de vie et de diversité, peut être davantage qu’une légende. Il peut être notre héritage. Que votre conférence soit couronnée de succès. Je vous remercie.
00:36 – Antonio Guterres, lors du premier jour du Sommet mondial sur les océans organisé à NiceRFI
« Nous ne pouvons pas permettre qu’il arrive à la mer ce qui est arrivé au commerce international », a abondé le président brésilien Lula, en appelant à des « actes clairs » de l’Autorité internationale des fonds marins. Cela pour mettre fin à cette « course prédatrice » aux métaux critiques.
Un traité sur la haute mer en voie d’adoption
Au-delà des dénonciations, Emmanuel Macron a voulu incarner l’action, notamment sur le traité international sur la haute mer, signé en 2023. « C’est donc gagné ! », s’est-il enthousiasmé, annonçant que 50 pays avaient déjà ratifié le texte, et que 15 autres s’étaient formellement engagés à les rejoindre. Le seuil des 60 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur du traité devrait être atteint d’ici fin 2025.
Ce traité inédit doit permettre de mieux encadrer l’exploitation et la préservation de la biodiversité en eaux internationales, au-delà des 200 milles marins (370 km) des côtes. La France espérait en annoncer la mise en œuvre formelle à Nice, mais a dû repousser cette échéance symbolique.
Vers plus d’aires marines protégées
La conférence a également été l’occasion d’annonces sur les aires marines protégées (AMP). La France a confirmé samedi la limitation du chalutage de fond dans ses AMP, mais les ONG jugent la mesure trop timide, ne couvrant que 4 % des eaux métropolitaines. À l’inverse, le Royaume-Uni s’apprête à interdire le chalutage dans 41 zones marines protégées, soit 30 000 km².
L’objectif international reste fixé : 30 % d’aires protégées d’ici à 2030, contre un peu plus de 8 % aujourd’hui. Paris espère passer de 8,36 % à 10 % grâce aux annonces faites à Nice, mais les niveaux de protection restent variables d’un pays à l’autre, et les restrictions d’activités, notamment de pêche, loin d’être systématiques.