Guerre en Ukraine : pourquoi l’arrêt des hostilités en mer Noire semble compliqué

La Russie et l’Ukraine affirment vouloir une trêve. Mais le Kremlin a posé de nombreuses conditions supplémentaires, difficilement réalisables.

Des signaux positifs en trompe-l’œil. La Russie et l’Ukraine souhaitent mettre fin aux hostilités en mer Noire, a annoncé la Maison Blanche mardi 25 mars. Selon la présidence américaine, Moscou et Kiev ont accepté d’« assurer la sécurité de la navigation, de supprimer l’usage de la force et d’empêcher l’utilisation de navires commerciaux pour des objectifs militaires en mer Noire ».

Le Kremlin a toutefois posé une condition épineuse dans un communiqué distinct : cet accord ne pourra entrer en vigueur qu’après la « levée » de certaines restrictions occidentales. Franceinfo vous explique pourquoi ce compromis sur les activités en mer Noire risque de ne pas se concrétiser.

Parce que Moscou a fixé ses conditions

Après les annonces de la Maison Blanche, le Kremlin a posé certaines conditions. La Russie a prévenu que les accords n’entreraient en vigueur qu’après la levée des restrictions occidentales sur le commerce de céréales et d’engrais russes afin de « rétablir » leur accès au « marché mondial ». Ce sujet est crucial pour Moscou, car le pays était le premier exportateur mondial d’engrais azoté avant le début de la guerre en Ukraine, et qu’il est un producteur majeur de céréales à l’échelle mondiale. Autant de marchandises qui transitaient en grande partie par la mer Noire.

Le Kremlin a également affirmé avoir exigé la fin des restrictions sur « les services portuaires et les sanctions sur les navires battant pavillon russe », notamment pour « réduire le coût de l’assurance maritime ». De façon générale, les Russes souhaitent que « toutes les institutions financières qui contribuent aux exportations agroalimentaires » puissent commercer, a résumé Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes et internationales, sur franceinfo.

La Russie souhaite aussi la levée des sanctions visant la banque agricole Rosselkhozbank, ce qui impliquerait de la relier au système bancaire Swift. Cette mesure semble difficile à mettre en œuvre, car elle nécessiterait une intervention des Européens alors qu’ils ne sont pas impliqués dans les pourparlers en cours. Pour que ces « conditions importantes » soient réalisables, « Moscou compte beaucoup sur la division des Européens », a analysé Patrick Martin-Genier, relevant que la Hongrie et la République tchèque étaient plutôt clémentes à l’égard de la Russie.

Parce que l’accord favoriserait la Russie

« Sur la mer Noire, ce sont plutôt les Russes qui sont demandeurs », a estimé Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie, sur France 24 . En effet, dans ce secteur, ce sont les Ukrainiens qui ont l’ascendant(Nouvelle fenêtre) après avoir réussi à affaiblir grandement la flotte russe en les maintenant sous des attaques incessantes de drones navals. L’accord avancé par la Maison Blanche serait donc davantage favorable à Moscou qu’à Kiev.

« La pression américaine va être forte parce que les Américains veulent un accord », a remarqué Claude Blanchemaison sur franceinfo. « Il semble y avoir un schéma où l’administration Trump est trop pressée d’offrir des concessions à la Russie. Et si c’est le cas, il n’y a aucune chance que cela mène à un cessez-le-feu global parce que Poutine, lui, veut continuer à progresser sur le terrain », a estimé John E. Herbst, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, interrogé par France 2.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué de « bonnes mesures », tout émettant de grandes réserves. « Nous serons constructifs » et « nous ferons notre travail pour mettre en œuvre les accords de la réunion entre l’Ukraine et les Etats-Unis », a-t-il déclaré, ajoutant n’avoir « aucune confiance envers les Russes ». Surtout, il s’est opposé à tout « affaiblissement » des sanctions prises contre la Russie, précisant que ce sont les Américains qui ont soulevé cette question pendant les pourparlers. 

Pour faire face à la pression américaine, l’Ukraine peut compter sur plusieurs soutiens dont celui de la France, où Volodymyr Zelensky est attendu mercredi après-midi. « Un moratoire sur les infrastructures énergétiques ou des initiatives en mer Noire sont des pas dans la bonne direction, mais ce ne sont pas des pas qui suffisent », a réagi l’Elysée. Si Kiev et Washington avaient déjà convenu d’impliquer des pays tiers dans la supervision d’une telle trêve, le président ukrainien a insisté sur ce point : « Ce ne serait pas une mauvaise chose. »

Parce que la guerre se poursuit le terrain

Tout en appelant à organiser des « consultations techniques supplémentaires » pour régler les « détails » des accords annoncés par la Maison Blanche, le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, prévenu mardi que « tout mouvement » de navires de guerre russes en mer Noire au large de l’Ukraine constituera une « violation » de l’accord de cessation des hostilités.

Mais les affrontements se poursuivent sur d’autres fronts et pèsent également sur ces accords déjà fragiles. L’armée russe a lancé dans la nuit de mardi à mercredi une attaque en lançant « 117 drones » explosifs contre les villes et villages d’Ukraine, selon Kiev. « Le lancement d’attaques d’une telle ampleur après les négociations de cessez-le-feu est un signal clair envoyé au monde entier que Moscou ne va pas œuvrer à une véritable paix », a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

SOURCE FRANCEINFO

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