Cryptomonnaies contre attaques islamophobes: la stratégie russe pour déstabiliser le Royaume-Uni

Des services russes recrutent sur des réseaux cryptés comme Telegram pour commettre des attentats islamophobes en Europe. La Grande-Bretagne s’alerte de l’influence que le Kremlin pourrait tisser sur des réseaux d’extrême-droite, dans le seul but de favoriser des passages à l’acte. Et quitte à utiliser l’argent comme motivation.

On savait déjà que le Kremlin proposait de mener des opérations d’influence contre rémunération, comme en mai dernier, quand des mains rouges ont été taguées sur le “Mur des Justes” et sur plusieurs bâtiments du quartier historique juif à Paris. En juillet suivant, il avait été révélé que ce vandalisme à connotation antisémite avait été commis par deux Moldaves, qui, interpellés, ont avoué avoir été payés une centaine d’euros.

Mais si le système découvert en Grande-Bretagne et révélé par The Guardian est similaire, il s’avère bien moins rudimentaire et bien plus effrayant. Un réseau de canaux Telegram, vraisemblablement lié à la Russie, encourage des résidents britanniques à commettre des attaques islamophobes, contre rémunération en cryptomonnaies.

Des tags aux attaques au couteau

Des invitations à passer à l’acte qui ont été liées à de faits bel et bien réels. En particulier des tags et autres dégradations sur des mosquées et des écoles dans l’est et le sud de Londres, détaille le quotidien britannique. Mais ces chaînes, actives sur un réseau réputé peu regardant à ce que partagent ses utilisateurs, comptaient aller plus loin. Des fichiers PDF contenant des recettes de fabrication de bombes et des modèles d’armes imprimées en 3D ont été retrouvés sur les mêmes canaux. Et depuis plusieurs semaines, les messages sont passés de l’incitation au vandalisme à l’appel au meurtre: des attaques au couteau ont été évoquées.

De tels contenus incitant au crime et à la haine ont déjà été observés sur des réseaux d’extrême-droite, y compris dans notre pays. Mais l’incitant financier, fourni via des cryptomonnaies difficiles à tracer, constitue une nouveauté. La police antiterroriste et le ministère britannique de l’Intérieur sont sur l’affaire, tandis que le réseau de lutte contre la haine Hope Not Hate s’alarme de l’influence que la Russie pourrait développer ainsi sur des groupes d’extrême-droite.

Influence russe

Un lien qui a pu être tracé par divers messages pro-Poutine apparus sur ces réseaux, mais aussi par des captures d’écran tirées de X et partagées sur Telegram par les administrateurs. On pouvait y noter une interface en cyrillique, ainsi qu’un fuseau horaire réglé sur GMT+3, soit l’heure de Russie d’Europe. En novembre dernier, l’un des comptes administrateurs d’une chaîne a vitupéré les Ukrainiens, en utilisant des mots d’argots russes pour les désigner, puis a recherché quelqu’un à Sheffield ou à Rotherham pour accomplir une tâche non spécifiée contre rémunération.

“Nous craignons, compte tenu des informations faisant état de tentatives antérieures de la Russie de recruter au Royaume-Uni des groupes de personnes désireuses de commettre des actes criminels dans ce pays, que ce réseau soit conçu pour recruter des personnes en vue de commettre des actes de violence, et qu’il soit déjà en train de préparer des personnes à cette fin”, a évoqué Gregory Davis, chercheur principal à Hope Not Hate.

Menace d’extrême-droite

Si des appels à la haine antisémites ont aussi circulé sur ces réseaux, c’est l’islamophobie qui était mise en avant. Or, le Royaume-Uni est en proie à une flambée d’actes de haine envers sa population musulmane. Ceux-ci ont augmenté de 73% en 2024. En particulier depuis les émeutes racistes de l’année dernière qui ont secoué le pays après l’attaque au couteau de Southport, qui a tué trois fillettes. Des rumeurs avaient circulé, relayées par des comptes liés à l’extrême-droite, faisant de l’auteur un musulman en situation illégale dans le pays, alors qu’il n’était ni l’un ni l’autre.

Après la vague de sabotages dont a été victime l’armée allemande, et en particulier sa marine, il semblerait que les services russes sont prêts à tout pour déstabiliser les pays de l’OTAN. Y compris à encourager des attentats terroristes. Une possibilité qui avait déjà été soulignée par certains services de renseignement occidentaux, et qui paraît d’autant plus tangible après ces révélations.

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