Affaire Bétharram, motion de censure, budget de la Sécu…
François Bayrou se prépare à une nouvelle semaine sous tension
Après avoir échappé à cinq motions de censure en à peine un mois, le Premier ministre doit gérer plusieurs dossiers brûlants et fait face à des votes cruciaux au Parlement.
Des polémiques et des votes cruciaux. François Bayrou va entamer, lundi 17 février, une nouvelle semaine tendue à la tête du gouvernement. Accusé d’avoir été au courant des violences et agressions sexuelles commises à Notre-Dame de Bétharram, ce qu’il dément, le Premier ministre devra aussi composer avec les dissensions entre ses ministres sur l’immigration, suivre les derniers débats sur le budget de la Sécurité sociale et survivre à une probable motion de censure spontanée. Franceinfo récapitule les enjeux de la semaine politique qui s’ouvre.
Des appels à la démission après l’affaire Bétharram
Le principal dossier qui risque de continuer à occuper le Premier ministre est l’affaire Bétharram. Samedi, François Bayrou a rencontré le collectif de victimes qui ont dénoncé les violences et agressions sexuelles dans cet établissement privé catholique des Pyrénées-Atlantiques. A l’issue de plus de trois heures d’échanges, le chef du gouvernement a promis des moyens judiciaires supplémentaires pour « aller au bout du travail sur les 112 plaintes » déposées. « Un nombre colossal de victimes restent encore tapies dans l’ombre », a estimé le porte-parole du collectif, Alain Esquerre, remerciant le Premier ministre de s’être montré « attentif » à leurs témoignages.
L’affaire continue toutefois d’avoir des répercussions politiques. La gauche accuse le Premier ministre de mentir lorsqu’il affirme ne pas avoir été au courant des faits de violences sexuelles à l’égard des élèves de l’établissement catholique sous contrat avec l’Etat, alors qu’il était ministre de l’Education nationale, puis président du Conseil général et député des Pyrénées-Atlantiques, et que plusieurs de ses enfants y étaient scolarisés. Interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, François Bayrou a assuré n’avoir « jamais été informé ». Samedi, le maire de Pau a répété avoir été uniquement au courant de « gifles » dans les années 1990. « J’ai fait tout ce que je devais faire quand j’étais ministre, et j’ai fait tout ce que je pensais devoir faire lorsque je ne l’étais plus », a-t-il insisté.
Si François Bayrou « a participé d’une manière ou d’une autre à la loi du silence pour protéger l’institution » de Notre-Dame de Bétharram, « alors en conscience, il doit démissionner », a toutefois estimé le socialiste Olivier Faure. S’il a dit ne pas souhaiter l’« accabler prématurément », le premier secrétaire du PS a pointé, sur France 3, « une certaine confusion dans les explications du Premier ministre ». « Ce que j’observe, c’est que François Bayrou a menti à plusieurs reprises devant l’Assemblée », a-t-il expliqué.
« Il nous a dit qu’il n’avait jamais été au courant et pourtant, depuis, il nous explique qu’il avait lui-même demandé un rapport en 1996, ce qui, pour le moins, jette un doute sur ce qu’il savait ou ce qu’il ne savait pas. »Olivier Faure, premier secrétaire du PS
sur France 3
Le socialiste a aussi dit vouloir savoir si le Premier ministre « a lui-même cherché à protéger l’institution au détriment des élèves », « pour des raisons qui seraient liées peut-être à la proximité » du couple Bayrou avec l’institution, où la femme du Premier ministre a enseigné le catéchisme. Le patron du PS souhaite donc qu’une « commission d’enquête parlementaire » ou que « la justice » s’empare de ce sujet. La France insoumise et les Ecologistes ont également demandé la démission du chef du gouvernement.
Une motion de censure spontanée des députés PS
L’affaire Bétharram n’est pas le seul sujet d’opposition entre l’exécutif et les socialistes cette semaine. Le PS avait annoncé début février le dépôt d’une motion de censure spontanée, sur la base de l’article 49.2 de la Constitution, notamment pour condamner les propos de François Bayrou sur le « sentiment de submersion » migratoire. Selon plusieurs sources parlementaires, le texte pourrait être déposé dès lundi, avec un vote possible à partir de mercredi.
Le Premier ministre devrait toutefois échapper à cette nouvelle motion de censure, sa sixième depuis son arrivée à Matignon. Le texte ne peut en effet être adopté sans le soutien du Rassemblement national, qui a prévenu dimanche qu’il ne le voterait pas. « Le Parti socialiste l’a déposée pour une seule et unique raison : revenir et contester les propos de bon sens, même s’ils sont insuffisants, du Premier ministre qui a parlé d’un sentiment de ‘submersion’ migratoire », a justifié Thomas Ménagé, porte-parole du groupe RN, sur France Inter.
« Il y aura peut-être d’autres occasions de censurer le gouvernement. On ne se l’interdit pas, dans les prochains mois, dans les prochaines semaines. (…) Mais l’heure n’est pas venue. »Thomas Ménagé, député RN du Loiret
sur France Inter
« C’est une espèce de manœuvre de dispersion de la part des socialistes », qui « essayent de faire croire qu’ils lavent plus blanc que blanc » après « avoir sauvé les fesses de la Macronie » en choisissant de ne pas renverser le gouvernement sur le budget, a raillé le député RN Jean-Philippe Tanguy sur LCI. « Par ailleurs, dire que ce gouvernement fait une politique ferme sur l’immigration, c’est leur faire bien trop d’honneur », a-t-il jugé.
Un vote décisif sur le budget de la Sécurité sociale
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) doit passer une étape décisive au Sénat. Le texte avait été adopté sans vote à l’Assemblée nationale, après le recours de François Bayrou à l’article 49.3 de la Constitution. Il va désormais être examiné par la chambre haute du Parlement en session plénière lundi 17 février, après son adoption en commission des affaires sociales.
Scénario le plus probable : le budget de la Sécurité sociale sera validé par les sénateurs, sans modification de la version adoptée à l’Assemblée. Le texte sera alors considéré comme définitivement adopté. S’il est modifié, le projet de loi devra en revanche repasser par l’Assemblée nationale, avec selon toute vraisemblance un nouveau recours au 49.3.
En commission, « on a voté pour un avis conforme [validant le projet de loi] pour ne pas remettre une pièce dans le jukebox, et parce que les directeurs d’hôpitaux et d’Ehpad ont besoin de visibilité », a expliqué la rapporteure générale au Sénat, Elisabeth Doineau, à l’AFP. Mais « la note est salée », juge l’élue centriste.
Le budget de la Sécu prévoit désormais une hausse des dépenses de l’Assurance-maladie de 3,3% en 2025, contre 2,6% initialement prévus, notamment parce que le gouvernement Bayrou a rallongé d’un milliard d’euros l’enveloppe de l’hôpital lors de ses négociations avec le Parti socialiste. Le déficit devrait lui s’élever à plus de 22 milliards d’euros, au lieu de 16 milliards, et des sources parlementaires s’inquiètent d’une facture réelle encore nettement en hausse d’ici la fin de l’année.
Des dissensions au gouvernement sur l’immigration
En parallèle de ces votes, François Bayrou devra composer avec les divisions qui se font jour au sein de son gouvernement. Le 7 février dernier, le Premier ministre a déclaré vouloir ouvrir un « débat public approfondi » sur l’identité nationale. Cette déclaration a révélé des divergences entre ses différents ministres, qui n’ont cessé depuis d’exposer leurs points de vue par déclarations interposées.
Dernier épisode en date : le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’est dit favorable dimanche à l’interdiction du mariage quand l’un des époux est en situation irrégulière. Le Sénat doit examiner jeudi une proposition de loi en ce sens, déposée par le centriste Stéphane Demilly. « On sait très bien que par la voie du mariage, on peut ensuite régulariser », a justifié le candidat à la présidence des Républicains.
« Je pense que quand la règle est mal faite, il faut la modifier », a ajouté Bruno Retailleau, rappelant que la proposition « sera soutenue par le gouvernement, par la voix du garde des Sceaux ». La semaine précédente, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait dit son souhait que la loi « change ». Ce n’est pas la première fois que les deux membres du gouvernement adoptent une position commune sur l’immigration : tous deux ont appelé à une réforme du droit du sol, inscrit dans la Constitution.
Manuel Valls s’est distingué de ses collègues. Le ministre des Outre-mer a estimé, dans une « opinion »(Nouvelle fenêtre) publiée dans La Tribune dimanche, que « remettre totalement en question » le droit du sol constituerait « une fracture historique ». Faisant une distinction entre la situation à Mayotte et dans l’Hexagone, l’ex-Premier ministre a fait valoir que « le droit du sol peut avoir une dimension intégratrice, car un enfant né en France et qui y réside depuis qu’il est petit développe un attachement à notre pays ».
Tout en considérant que « le nombre annuel d’entrées légales, auxquelles s’ajoutent hélas les illégales, est devenu insoutenable », Manuel Valls a jugé « discutable » le postulat selon lequel le droit de la nationalité nourrirait l’immigration. « Personne ne vient en France avec pour objectif d’acquérir la nationalité. L’appel d’air vient de notre droit au séjour, de notre droit des étrangers, de notre système social et de santé, de notre trop grand laxisme parfois, mais pas de notre droit civil », a avancé le ministre, appelant à ne « pas céder à toutes les facilités ».