Addiction et réduction des risques dues aux drogues: Addiris, pour une transformation des politiques publiques
Réunis à Dakar du 16 au 18 décembre dernier, les membres du réseau ADDIRIS demandent une transformation des politiques publiques en matière d’addictions, fondée sur les droits humains, la dignité, la santé et la sécurité publique. Les acteurs ont fait face à la presse hier, mercredi à Dakar.
Pour la réduction des risques face aux addictions, des pays de la francophone se sont rassemblés pour mettre en place un réseau dénommé (Addiris). Engagés à promouvoir la réduction des risques comme réponse pragmatique et humaine aux défis des addictions, ces derniers se sont réunis pendant trois jours à Dakar pour réfléchir sur les mécanismes à mettre en place pour atteindre l’objectif. Pour les parties prenantes de ce réseau, le projet s’inspire de l’expertise de terrain, des avancées scientifiques, et de la richesse des échanges interculturels. Selon le professeur Idrissa Ba, directeur du centre de prise en charge intégré des addictions de Dakar, (Cpiad) : « quand on met les deux termes addiction et réduction des risques qui renvoient à (Adirais), c’est pour montrer qu’il y a quelque chose qui doit évoluer dans nos pratiques. Il ne faut pas qu’on reste sur ce qu’on a toujours fait jusque-là, parce que c’est un domaine qui est très mouvant celui des drogues ».
Et d’ajouter : « pour parler plus spécifiquement du cas du Sénégal et de l’Amérique de l’Ouest, que je maîtrise beaucoup plus, il y a de nouvelles drogues, de substances qui circulent. Donc, il nous faut nous adapter sans cesse. On ne peut pas continuer à courir derrière ces problèmes. Ce qu’il nous faut, c’est vraiment changer les stratégies dans nos réponses».
Pour le représentant de la France, la consommation de drogue est plus souvent liée à la précarité. « Je pense que la grande question n’est pas tant que ça la drogue, c’est la précarité́. Aujourd’hui, de par notre expérience d’accompagnement dans différents services, c’est qu’il se joue véritablement, c’est une façon de dire que la précarité́ est extrêmement exacerbée dans la plupart des sites de consommation, que ce soit les quartiers du Nord-Est parisien, les quartiers de Côte d’Ivoire en passant par la banlieue de Dakar, la question des drogues devient quasiment l’épiphénomène qui cache le vrai sujet, qui est le sujet de la précarité́ » a souligné Abdou Ndiaye.
A la fin des travaux, les pays membre de l’Addiris que sont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la France, le Canada (Québec), le Sénégal, la Suisse ont produit un manifeste. A cet effet, ils estiment avoir fait le choix d’unir leurs forces au sein de la francophonie pour créer un espace d’apprentissage mutuel. Des expériences échangées lors de cette Académie, à l’image des débats ouverts et inclusifs qu’ils vont promouvoir et qu’ils démontrent que la coopération est la clé pour élaborer des politiques cohérentes, adaptées et durables. « Les politiques des drogues actuelles, centrées sur la répression et la prohibition, ont échoué à protéger les personnes et à réduire les dommages sociaux liés aux addictions », a fait savoir Addiris. Et de constater aussi que ces politiques ont engendré des violations des droits humains, y compris le droit à la vie, à la santé, à la sécurité et à la dignité.
Une répression qui selon le réseau marginalise les personnes consommatrices, souvent confrontées à la stigmatisation et à des traitements dégradants. Les pays ont aussi relevé au cours de leur rencontre une absence de régulation cohérente, laissant les États désarmés face aux nouvelles substances et à leurs impacts sociaux, une absence de reconnaissance et d’investissement dans des pratiques innovantes, adaptées aux nouvelles substances et réalités. Face à ces constats, les pays ont appelé à faire encrer la réduction des risques dans les politiques publiques, en mettant au cœur des actions sociales les principes de dignité, de droits humains, de sécurité et de liberté. De dépénaliser la consommation et décriminaliser les actes liés à l’usage personnel, pour mettre fin à des pratiques punitives incohérentes avec les objectifs de santé publique. Réguler les substances psychoactives, en reprenant des mains des mafias le contrôle des marchés pour assurer la sécurité et la santé des citoyens et citoyennes, et en intégrant les apprentissages issus d’expériences réussies ailleurs, mais de développer des services intégrés et accessibles, combinant prévention, traitement, réduction des risques et accompagnement social, en impliquant les personnes concernées à tous les niveaux, pour répondre aux besoins complexes des populations concernées entre autres.
Denise ZAROUR MEDANG
SUDQUOTIDIEN