Géorgie: sixième nuit consécutive de mobilisation proeuropéenne à Tbilissi

La police géorgienne a utilisé mardi soir des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui s’étaient à nouveau réunis dans la capitale, pour la sixième nuit consécutive, malgré les menaces du Premier ministre qui accuse ses rivaux politiques et des ONG d’avoir « orchestré les violences ».

La vague de contestation proeuropéenne se poursuit en Géorgie. Pour la sixième nuit consécutive, des milliers de personnes ont manifesté mardi 3 décembre à Tbilissi devant le Parlement géorgien contre le gouvernement, accusé de détourner ce petit pays du Caucase de ses ambitions d’intégration à l’UE.

Ce rassemblement se déroule aussi après que la Cour constitutionnelle, saisie par la présidente pro-occidentale, a décidé de maintenir inchangé le résultat des législatives d’octobre remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien mais contestées par l’opposition.

Les manifestations à Tbilissi, émaillées de violences, ont jusqu’à présent été systématiquement dispersées par la police à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène. Elles ont éclaté jeudi après l’annonce par le pouvoir du report à 2028 des ambitions de ce pays du Caucase d’intégrer l’Union européenne.

Mardi soir, les protestataires, qui étaient légèrement moins nombreux que lors des jours précédents, ont de nouveau lancé des feux d’artifice vers le bâtiment et ont agité des drapeaux de la Géorgie et de l’Union européenne face à la police, présente autour et dans le Parlement, ont constaté des journalistes de l’AFP.

La police a brièvement utilisé des lances à eau, notamment pour repousser des manifestants qui tentaient d’escalader les murs du Parlement pour atteindre des groupes de policiers.

Le ministère de l’Intérieur a accusé, dans un communiqué, des manifestants d’avoir lancé sur les forces de l’ordre « divers types d’objets contondants, des engins pyrotechniques et des objets inflammables ».

La présidente Salomé Zourabichvili, qui soutient le mouvement de protestation, a elle dénoncé sur X une utilisation « disproportionnée » de la force par la police, des « arrestations massives et mauvais traitements ».

Pour sa part, le commissaire aux droits humains, Levan Ioseliani, a accusé la police d' »actes de torture » contre les manifestants, après avoir rendu visite à environ 200 manifestants placés en détention et blessés. La plupart d’entre eux ont « de graves blessures » à la tête ou aux yeux, a déclaré ce défenseur public. « Les violences graves et délibérées infligées de façon punitive constituent un acte de torture », a-t-il déclaré.

Rejet de toute négociation

Quelques heures auparavant, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé avait accusé l’opposition et des ONG d’être à l’origine des affrontements avec la police et averti qu’elles « n’échapper[aie]nt pas à leurs responsabilités ».

Son parti, qui assure ne pas renoncer à l’UE malgré l’annonce du report des négociations, a estimé que les Géorgiens mécontents l’avaient « mal compris » et que l’intégration européenne « progressait ».

La veille, il avait rejeté toute négociation avec l’opposition, qui réclame de nouvelles législatives en dénonçant des fraudes lors du scrutin du 26 octobre, tout comme Bruxelles, ce qu’Irakli Kobakhidzé a qualifié de « chantage ».

Le Rêve géorgien tente aussi de présenter le mouvement de protestation comme le résultat d’une ingérence extérieure.

« Personne ne nous paie, nous venons ici par notre volonté, de nous-mêmes », a affirmé auprès de l’AFP un manifestant, Nougo Chigvinadzé, logisticien de 41 ans, qui dit simplement vouloir « un meilleur avenir pour nos enfants ».

« Tout ce que dit notre gouvernement est un mensonge. Cela fait 12 ans qu’ils nous mentent et ils continuent à le faire », a-t-il ajouté.

Mi-novembre, des groupes d’opposition et la présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement mais aux pouvoirs limités, avaient déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour faire annuler les résultats du scrutin législatif d’octobre.

La Cour, dans une décision publiée mardi, a refusé cette demande, précisant que son verdict était final et sans appel.

Selon le ministère de l’Intérieur, 293 manifestants ont été interpellés depuis le début du mouvement et 143 policiers ont été blessés. Des manifestants et journalistes ont aussi été blessés ces derniers jours.

L’opposition accuse le gouvernement de vouloir se rapprocher de Moscou et d’imiter ses méthodes répressives et autoritaires.

Éviter le destin de l’Ukraine

« Dans toute la Géorgie, les gens se soulèvent contre le régime fantoche russe », a salué lundi soir la présidente Salomé Zourabichvili, y voyant « un mouvement sans précédent ».

Cette ancienne diplomate française a assuré la semaine dernière qu’elle refuserait de rendre son mandat comme prévu fin décembre et resterait à son poste jusqu’à ce que de nouvelles législatives soient organisées.

« Nous sommes dans une situation où le pays n’a pas de véritable autorité constitutionnelle. Il ne reste qu’une seule institution constitutionnelle légitime, et c’est moi », a-t-elle encore déclaré lors d’une conférence de presse mardi.

Si elle ne dispose que de pouvoirs très limités, Salomé Zourabichvili est populaire auprès des manifestants, dont le mouvement, largement spontané et organisé en ligne, n’a ni leader politique dominant ni réelle structure.

Des policiers utilisent des canons à eau pour disperser des manifestants le 2 décembre 2024 à Tbilissi, en Géorgie.
Des policiers utilisent des canons à eau pour disperser des manifestants le 2 décembre 2024 à Tbilissi, en Géorgie. © Giorgi Arjevanidze, AFP

Tous les soirs, les policiers veulent ainsi chasser les protestataires de la place du Parlement, épicentre de la mobilisation et des tensions.

Le Rêve géorgien assure lui vouloir éviter au pays le destin de l’Ukraine, envahie par les troupes russes depuis bientôt trois ans. Ses responsables accusent l’Occident de vouloir entraîner la Géorgie dans une guerre avec Moscou.

Le pays, niché sur les rives de la mer Noire, reste traumatisé par une brève guerre avec la Russie à l’été 2008. Moscou avait ensuite reconnu l’indépendance de deux régions séparatistes frontalières de son territoire, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, où elle maintient toujours une présence militaire.

Avec AFP

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