Fethullah Gülen : Mort du fondateur des écoles Yavuz Selim
Ennemi juré du Président turc Erdogan, Fethullah Gülen est décédé lundi aux Etats-Unis. Le prédicateur, qui a fondé un vaste réseau éducatif et humanitaire implanté dans beaucoup de pays dans le monde, a assisté à la destruction de son œuvre en Afrique suite au coup d’Etat avorté de 2016 en Turquie. Erdogan, qui l’accuse d’être derrière cette tentative de putsch, a fait jouer ses relations en Afrique pour fermer les écoles du réseau Gülen. Au Sénégal, c’est notamment le groupe scolaire Yavuz Selim qui en a fait les frais.Par Dieynaba KANE –
Le prédicateur Fethullah Gülen est décédé le lundi 21 octobre, à l’âge de 83 ans, aux Etats-Unis où il résidait depuis un quart de siècle. Ennemi juré de l’actuel président de la République de Turquie Tayiip Recep Erdogan, le prédicateur est connu pour avoir mis en place un vaste réseau éducatif et humanitaire dénommé Hizmet. Au Sénégal, le prédicateur Gülen est connu à travers le groupe scolaire Yavuz Selim, fondé en 1997 et qui faisait partie de ce réseau.
Ce groupe scolaire avait réussi à se faire une place dans le système éducatif sénégalais avec des enseignements de qualité. Yavuz Selim avait même réussi à rejoindre le cercle restreint des écoles d’où étaient issus les lauréats du Concours général. En 2015, ledit groupe scolaire est arrivé quatrième au Concours général (5 prix et 3 accessits). En 2016, il occupe la troisième marche en termes de prix, devancé par la Maison d’éducation Mariama Ba et le Lycée Limamoulaye. En 2017, malgré la bataille entamée par les autorités pour la fermeture de ces établissements, Yavuz Selim a eu 11 lauréats à ce prestigieux concours.
Hélas, le coup d’Etat avorté en Turquie en 2016 a stoppé l’élan de cette école d’excellence.
Recep Tayyip Erdogan, qui accusait Fethullah Gülen d’être derrière ce putsch avorté, s’en était pris au vaste réseau éducatif et humanitaire du prédicateur turc à travers le monde. Le ministre sénégalais de l’Intérieur de l’époque avait pris un arrêté le 7 décembre 2016, où il a prononcé le retrait de l’autorisation d’exercer de l’Association Baskent Egitim, ordonnant ainsi la fermeture de toutes les écoles Yavuz Selim. Cette décision avait été attaquée par les responsables de ce groupe scolaire devant les juridictions du pays, mais les autorités de l’époque n’avaient même pas attendu la fin de la bataille judiciaire pour fermer définitivement lesdits établissements scolaires. Et elles avaient décidé de confier la gestion du groupe scolaire à la Fondation Maarif, créée par le gouvernement turc. Le retrait de cette autorisation et la fermeture de ces écoles avaient fait l’objet d’une longue bataille politico-judiciaire avec les différents actionnaires sénégalais.
L’Association Baskent Egitim avait même cédé ses établissements à la société Yavuz Selim S.a pour que les écoles puissent continuer de fonctionner. Mais face à la détermination de l’Etat d’accéder à la demande du gouvernement turc, les écoles ont été finalement fermées. Les actionnaires, le personnel, les élèves et leurs parents ont ainsi été victimes des représailles du Président turc contre le prédicateur Fethullah Gülen.
Cette volonté d’anéantir le mouvement du prédicateur et son réseau éducatif et humanitaire, entreprise par Recepp Tayyip Erdogan, a été entamée d’abord en Turquie, et s’est propagée un peu partout en Afrique. Les adeptes de Gülen de par le monde ont été impitoyablement persécutés. Même au Sénégal, des refugiés turcs, censés bénéficier de la protection des autorités de ce pays, ne se sentaient plus en sécurité, et un grand nombre d’entre eux a quitté le territoire national.
Fethullah Gülen a toujours nié être derrière la tentative de coup d’Etat de juillet 2016. Selon le journal français Le Monde, il reste une figure honnie par le régime turc, «dont le nom n’est même pas digne d’être prononcé». Selon ce journal, Hakan Fidan, le chef de la diplomatie turque, a déclaré à l’annonce de son décès que «le chef de cette sombre organisation est mort, mais la détermination de notre Nation à lutter contre le terrorisme se poursuivra». Il faut rappeler que Gülen s’est installé aux Etats-Unis depuis 1999. Et la Turquie a réclamé avec insistance son extradition. Ce qui a toujours été refusé par Washington, faute de documents probants sur sa culpabilité.
Dire aussi qu’avant d’être poursuivi par la cabale lancée par Erdogan, Fethullah Gülen a été un des piliers du mouvement qui a porté l’ancien maire d’Istanbul au pouvoir à Ankara. Il avait mis tout le poids de l’immense réseau humanitaire de son mouvement au service du parti de Erdogan, à qui il a permis de mettre doucement à l’écart un pouvoir alors fortement encadré par l’oligarchie militaire.
La relation entre les deux compères s’est dégradée face aux nombreux scandales de corruption qui ont entaché la réputation de nombreux membres du gouvernement de Erdogan, dont sa proche famille. Le prédicateur a eu la bonne idée, avant que les relations ne virent à l’hostilité ouverte, de mettre une grande distance entre lui et le pouvoir à Istanbul.
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