Législatives – L’Apr sous tension dans le Fouta : HYPOTHÈQUE SUR LE TF
Confronté à la perte de certains de ses leaders majeurs, Macky Sall entre dans une zone de turbulence politique et doit opérer une transition très incertaine. Si certains ont démissionné, d’autres optent pour le boycott des Législatives, frustrés par les investitures, notamment à Matam et Podor considérés, comme Fatick, comme ses bassins électoraux.Par Bocar SAKHO –
Les blessures nées des investitures pour les Législatives anticipées du 17 novembre prochain risquent de provoquer des saignées dans ses rangs. Dans la journée d’hier, l’ancien Garde des sceaux et ministre de la Justice a démissionné de l’Alliance pour la République (Apr).
«Constatant que le Président Macky Sall continue à autoriser Farba Ngom à faire du département son jouet, j’ai pris la décision de démissionner de l’Apr à partir d’aujourd’hui (Ndlr : ce mercredi 9 octobre 2024). Le Président Macky Sall m’a appelé longuement, mais ma décision est définitive, et ce, malgré les sentiments de fraternité que j’ai et continue d’avoir pour sa personne. L’Apr, c’est fini pour moi !», tranche Me Malick Sall.
Cette démission de l’avocat d’affaires est un écho à une sourde rébellion en cours dans la région de Matam et dans le département de Podor. Maire de Mbao, Abdou Karim Sall, qui a aussi un poids dans le Fouta, notamment à Orkadiéré d’où est originaire sa famille paternelle, a déjà jeté l’éponge. Pour les autres, il est annoncé un boycott de la campagne électorale pour manifester leur désaccord avec la ligne de conduite du parti dans la région qui n’a pas changé en dépit de la perte du pouvoir. Comme l’a dit Me Malick Sall, la personnalité, le poids et l’envergure de Farba Ngom cristallisent les aversions de certains cadres de l’Apr. Et les dernières investitures ont élargi la fracture au sein de la base électorale de Macky Sall qui considère la région de Matam et le département de Podor comme son titre foncier. A Matam, ce sont Mamadou Mory Diaw et Aïssata Ousmane Diallo qui ont été investis comme députés titulaires, avec comme suppléants Kalidou Wagué et Mamadou Ba. A Kanel, l’ex-Président a renouvelé sa fidélité à la fratrie Dia en mettant Daouda Dia, questeur à l’Assemblée nationale depuis 2013, et Raqui Diallo, avec aussi comme suppléants Hadya Diagana et Diarry Demba Ba. A Ranérou-Ferlo, le choix ne soulève aucune contestation (voir ci-contre) avec M. Amadou Dawa Diallo, Secrétaire général du Parti de la réforme. Le Quotidien s’est entretenu avec plusieurs responsables apéristes qui ont clairement affiché leur position de neutralité : «On ne va pas faire campagne, on ne va pas déplacer d’électeurs comme on le faisait en louant des véhicules.» Il y a aussi les blessures de la dernière Présidentielle qui n’ont pas été pansées, après que la stratégie de boycott de la candidature de Amadou Ba a été «mal pensée», qui a abouti à cette perte du pouvoir spectaculaire. La création de Jamm ak njariñ, qui a pillé dans ses rangs, risque aussi de secouer les fondations de l’ancien parti présidentiel dans la zone Nord qui sera âprement disputée. «Macky Sall n’a plus les cartes en main», jure un ancien responsable du parti qui a pris ses distances.
Macky tente la remobilisation
Que faire pour arrêter la spirale ? Annoncé sur le retour pour conduire la liste nationale de la famille libérale, composée du Parti démocratique sénégalais (Pds), de l’Apr, de Rewmi, de la Convergence Bokk gis-gis, de l’Union des centristes du Sénégal (Ucs) et d’autres enfants spirituels de Me Wade, Macky Sall multiplie les coups de fil pour essayer de recomposer les forces politiques désabusées par la perte du pouvoir et le manque d’orientation et «d’égard». Cela s’avère moins évident, car le manque d’enthousiasme est palpable. Mais, le score dans ces endroits pourrait être déterminant pour le nombre de députés dans la liste nationale. Systématiquement élevés, les résultats de Matam, Podor, Ranérou-Ferlo, Kanel, indexés à la proportionnelle, garantiraient un nombre élevé de députés pour Macky et Cie. La région de Matam compte 315 mille 863 électeurs. Alors que Saint-Louis, où se trouve Podor, culmine à 459 mille 642 votants.
«Et ils comptent sur notre mobilisation pour faire élire les responsables qui sont allés se réfugier sur la liste nationale. Et nous, on doit se contenter des miettes ?», s’interroge un autre cadre apériste. «Je ne bougerai pas de Dakar», ajoute-t-il.
Sans certains de ses leaders historiques au plan national, l’Apr entre dans une ère de toutes les incertitudes. Car l’histoire s’est mal terminée. Désormais, elle entre dans une période de transition très dangereuse, à l’image du Ps et du Pds après leur perte du pouvoir. Comment reconstruire sur les décombres sans certains leaders historiques de son parti, même s’il se targue de n’avoir jamais perdu une élection dans ce pays depuis la création de son parti en 2008 ? S’il n’a pas une page blanche sous les yeux, il sera confronté à un challenge plus compliqué qu’en 2012… En attendant, l’ordre de priorité est d’imposer une cohabitation à son successeur…
SOURCE LEQUOTIDIEN