Série d’interpellations : ÉTAT DES POURSUITES
La machine judiciaire s’est emballée pour réprimer les éventuels délits de diffamation ou diffusion de fausses nouvelles qui viseraient à discréditer les institutions de la République. Après Cheikh Yérim qui a fait l’objet d’un retour de Parquet, Bougane a été placé en garde à vue. Par Bocar SAKHO
Le Sénégal a changé de régime. Le Parquet, la Division spéciale de la cybercriminalité (Dsc) et la Division des investigations criminelles (Dic) ont aussi de nouveaux visages à leur tête. Mais, les pratiques d’antan subsistent toujours. Ces derniers jours, les convocations à la Dic et la Dsc, qui carburent à plein régime, se sont enchaînées : Cheikh Yérim Seck et Bougane Guèye Dany ont été respectivement déféré (il a fait l’objet d’un retour de Parquet) et placé en garde à vue après avoir mis en doute les propos du Premier ministre sur la falsification des finances publiques par le régime précédent. Les chefs d’inculpation de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles, et diffamation et injures publiques ont été retenus contre eux.
Est-ce la matérialisation des dernières annonces de mise en garde de l’Etat ? Lors de sa conférence sur cet audit controversé, le Premier ministre avait assuré que le débat sur les données économiques du pays devrait relever de «sécurité nationale». Dans un communiqué publié mardi, le porte-parole du gouvernement avait mis en garde, après avoir démenti les révélations du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) sur une supposée baisse des salaires dans la Fonction publique.
Et de faire dans la menace : «La désinformation et la diffusion d’informations fausses, dans le seul but de discréditer les institutions de la République et à des fins électoralistes, ne peuvent pas être acceptées.»
M. Sarré soutient que «tout en encourageant le débat public contradictoire, inclusif et qualitatif sur les politiques publiques, le gouvernement appelle les auteurs de tels propos à plus de sagesse et rappelle que l’Etat saura faire prévaloir le Droit».
Aujourd’hui, les convocations de ces deux personnalités, interrogées sur leurs contestations des chiffres dévoilés par le Premier ministre, montrent que l’Etat et/ou ses démembrements ont décidé d’user de leurs pouvoirs régaliens pour régenter le débat public. C’est une «sorte de chape de plomb» qui inquiète des défenseurs des droits de l’Homme. Coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck alerte : «Les autorités devraient plutôt avoir comme priorité, la garde à vue du «marché sous pression». Il ne faut pas se faire dépasser par les critiques et la situation difficile. Les Sénégalais doivent être rassurés.»
Les autorités ont recours aux lois liberticides que les Assises de la Justice sont censées nettoyer des codes pénal et de procédure pénale. Seydi Gassama s’en désole : «En matière de respect des libertés publiques, la rupture attendue n’a pas encore eu lieu. Les mêmes lois liberticides utilisées par le Président Macky Sall pour persécuter les opposants, les journalistes et les activistes, sont toujours en place et la répression continue. Toutes ces lois, ainsi que les pratiques policières et administratives, doivent être mises en conformité avec les normes et standards internationaux. En attendant, le ministre de la Justice doit instruire le Parquet d’arrêter les poursuites pénales contre ceux qui exercent ces libertés.» Après Bah Diakhaté et imam Ndao, qui ont purgé leur peine, Cheikhna Keïta et Amath Suzanne Camara patientent dans leurs cellules, attendant la fin de l’instruction de leurs dossiers.