Après un selfie historique, un retour sous le signe de la rééducation pour les athlètes nord-coréens
Lors des Jeux olympiques de Paris, le selfie pris entre des pongistes nord-coréens et sud-coréens avait ému le monde entier. Quelques semaines après ce moment de fraternisation, les athlètes de la République populaire démocratique de Corée risquent d’en faire les frais. De retour au pays, ils sont actuellement soumis à un examen idéologique.
Sur le selfie pris par le Sud-Coréen Lim Jong-hoon, médaille de bronze en double mixte en tennis de table avec Shin Yu-bin, apparaissent sa coéquipière, mais aussi la paire nord-coréenne vice-championne olympique, composée de Ri Jong-sik et Kim Kum-yong, ainsi que les Chinois Wang Chuqin et Sun Yingsha (qui ont remporté l’or).
C’est devenue l’une des images fortes des Jeux olympiques de Paris. Un symbole de fraternité lors de la trêve olympique qui fait le tour des réseaux sociaux.
Durant la cérémonie protocolaire organisée le 30 juillet après la finale de tennis de table, le Sud-Coréen Lim Jong-hoon, médaille de bronze en double mixte avec Shin Yu-bin, s’est pris en photo avec sa coéquipière, mais aussi la paire nord-coréenne vice-championne olympique, composée de Ri Jong-sik et Kim Kum-yong, ainsi que les Chinois Wang Chuqin et Sun Yingsha – qui avaient décroché l’or.
« De graves conséquences »
L’espace de quelques instants, ces sportifs, frères ennemis, dont les deux pays sont toujours techniquement en guerre, ont vécu un rare moment d’unité. Mais la participation des deux pongistes nord-coréens à ce selfie risque d’avoir des conséquences sur leur avenir, comme le révèle le média sud-coréen Daily NK, très renseigné sur les informations en provenance de Pyongyang.
Selon une source anonyme contactée par ce site, les athlètes et les membres de la délégation nord-coréenne sont soumis depuis leur retour de Paris le 15 août à un « examen idéologique ». Cette procédure de contrôle est habituelle. « L’évaluation commence au moment où les athlètes rentrent chez eux. Ils doivent ‘nettoyer’ leur idéologie le plus tôt possible », a décrit cette source. Selon le régime nord-coréen, le fait de passer du temps au contact d’étrangers est censé « contaminer » les citoyens du pays exposés alors à une culture différente.
Au cours de cet examen, le comportement des membres de la délégation lors de leur séjour à l’étranger est contrôlé. Leur attitude ne doit pas avoir enfreint les lignes du parti. Dans le cas contraire, ils risquent des sanctions. « Même les écarts mineurs par rapport à la conduite approuvée sont passés au crible, et tout signe d’influence idéologique extérieure peut entraîner de graves conséquences », a confirmé auprès du journal Les Échos, la chercheuse Lina Yoon de l’ONG Human Rights Watch.
Comme le rappelle le site Daily NK, les sportifs qui ont réalisé de faibles performances au cours de la compétition peuvent aussi faire face à des critiques et des punitions. Dans le passé, des athlètes qui n’ont pas répondu aux attentes ont été condamnés à du travail non rémunéré pendant plusieurs mois.
« Protéger les athlètes »
Avant leur départ pour la France, il a bien été rappelé aux membres de la délégation qu’ils ne devaient pas avoir de contact avec d’autres athlètes, notamment les athlètes sud-coréens à l’exception du stricte cadre des épreuves olympiques. La source contactée par NK a ainsi appris que la paire nord-coréenne vice-championne olympique, composée de Ri Jong-sik et Kim Kum-yong, a reçu une évaluation négative à la suite de son selfie. Il leur est reproché d’avoir souri aux côtés de leurs homologues sud-coréens que les autorités de Pyongyang qualifient d’ennemis numéro un.
Il est pour l’instant impossible de savoir à quelles sanctions ils seront exposés alors que cet examen doit durer un mois. Interpellé par cette affaire, Human Rights Watch a rappelé dans un communiqué que « le comité international olympique […] a la responsabilité de protéger les athlètes contre toute forme de harcèlement et d’abus, comme le prévoit la Charte olympique ».
« Les athlètes nord-coréens ne devraient pas craindre de représailles pour leurs actes lors des Jeux, notamment lorsque leurs actes incarnent les valeurs de respect et d’amitié sur lesquelles repose le mouvement olympique », a ajouté l’ONG.
En 2010, l’équipe de football nord-coréenne, éliminée du Mondial en Afrique du Sud après avoir perdu ses trois matches de groupe et encaissé douze buts, avait déjà fait les frais de cette procédure. Comme le rappelle The Guardian, les joueurs avaient été soumis à six heures d’autocritique en public pour avoir « trahi la lutte idéologique de la nation communiste », tandis que leur entraîneur, Kim Jung-hun avait été contraint de travailler sur un chantier de construction.
SOURCE : FRANCE24