Apurement de la dette intérieure : l’Etat, à l’assaut d’un passif pesant

En quatre mois d’exercice du pouvoir, les nouvelles autorités politiques ont consenti d’énormes efforts financiers pour l’apurement de la dette intérieure et pour alléger la souffrance des Sénégalais. Ainsi, plus de 200 milliards de francs CFA ont été décaissés pour régler partiellement cette dette intérieure, aussi colossale que la dette extérieure. Toutefois, une volonté politique soutenue est nécessaire pour y parvenir dans le temps.

Lors de la réunion ordinaire du Conseil des ministres du 26 juin 2024, le chef de l’État, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a demandé à son Premier ministre, Ousmane Sonko, de tout mettre en œuvre pour l’apurement de la dette intérieure dans l’objectivité et la bonne maîtrise de l’endettement du Sénégal. Une tâche qui s’avère toutefois difficile dans un contexte de raréfaction des ressources, de durcissement des conditions de financement à l’échelle mondiale et d’atonie des marchés intérieurs de la dette dans de nombreux pays en développement, décourageant ainsi l’investissement privé. À cela s’ajoute l’incertitude liée à l’inflation en raison du conflit ouvert dans la bande de Gaza. Autant de goulots d’étranglement susceptibles de compromettre la volonté politique en marche des nouvelles autorités.
Cette volonté manifeste s’est matérialisée à travers le paiement d’une dette de près de 40 milliards 800 millions de francs CFA ; l’augmentation de 20 milliards de francs CFA pour la campagne agricole 2024-2025, faisant ainsi passer le budget de 100 milliards à 120 milliards de francs CFA ; le règlement des 10 milliards de francs de dette à la Couverture Maladie Universelle (CMU) ; le paiement de la dette de la Bourse familiale ; le paiement des bourses des étudiants ; l’allègement de la souffrance des Sénégalais à hauteur de 53 milliards de francs CFA pour la baisse des prix des denrées de première nécessité ; la remise d’actes administratifs pour les examens professionnels CEAP, CAP et les décisions de nomination aux postes de responsabilité, avec une incidence financière directe, parmi d’autres mesures visant à asseoir un climat socio-économique apaisé et compétitif. Toutefois, la poursuite de cette dynamique reste largement tributaire des chocs exogènes, puisque le pays est grandement dépendant de l’extérieur pour plus de 6000 milliards de FCFA par an en termes de produits de consommation.

Faire preuve de réalisme et/ou de justesse

Certes, la démarche des gouvernants actuels semble rassurante, car elle cadre parfaitement avec leur vœu de faire du Sénégal un pays souverain, mais cette volonté manifeste dépend largement des indicateurs de conjoncture économique. Dans cette optique, donner de l’oxygène aux entreprises locales et, par ricochet, leur permettre de se relancer en les dotant d’une capacité financière leur permettant de remporter des marchés ne peut être que salutaire. Une lecture hautement stratégique, puisque les nouvelles autorités appellent de tout leur vœu à la souveraineté économique, laquelle implique incontestablement une certaine assise financière (liquidité) des entreprises locales pour postuler aux appels d’offres. Ces appels d’offres requièrent en effet un minimum d’expertise et de ressources financières leur permettant de remporter des contrats clés en main. Dans des États comme le nôtre, où tout est priorité et urgence, seules deux options viables d’investissements lourds leur sont offertes, à savoir développer les Partenariats Public-Privé ou alors lancer des marchés clés en main, comme dans le cadre de la construction de l’autoroute à péage Ila Touba et la construction des quatre établissements hospitaliers, dont trois de 150 lits (à Sédhiou, Kaffrine et Kédougou) et un de 300 lits (à Touba).

Échelonner l’apurement

À ce jour, il est quasi impossible de déterminer avec exactitude le montant de la dette intérieure du Sénégal. Les opérateurs économiques regroupés dans les organisations patronales, dont le Conseil national du patronat sénégalais (CNPS) et la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES) pour ne citer que ceux-là, évoluant dans différents secteurs, notamment dans le bâtiment et les travaux publics (BTP), le Syndicat professionnel des industriels du Sénégal (SPIDS), l’hôtellerie et la restauration, réclament des montants assez conséquents à l’État du Sénégal. Aujourd’hui, seule la dette du secteur des hydrocarbures semble bien maîtrisée parce qu’elle est suivie par le Comité national des hydrocarbures de la Commission de régulation du secteur de l’énergie (CRSE). Selon certaines indiscrétions, elle se chiffre à plus de 300 milliards de francs CFA. Tout compte fait, les perspectives économiques et surtout financières s’avèrent prometteuses au regard du début d’exploitation des ressources pétrolières et gazières et les prix sur le marché mondial se révèlent très concluants. Donc, si le verdissement s’avère, et la volonté des gouvernants d’apurer la dette intérieure reste intacte, il est potentiellement probant d’arriver à avoir une nette mainmise sur la dette publique interne tout comme sur la dette publique externe. Et ce, par l’échelonnement de celle-ci.

JEAN PIERRE MALOU

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