Evaluation sur le genre : Dr Safiatou Thiam note une féminisation du Vih

Comment venir à bout des stigmatisations dont font l’objet les personnes vivant avec le Vih/Sida qui se féminise ? C’est le défi du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls), qui veut rendre beaucoup plus visible le Sida dans la société pour y parvenir. C’est la volonté affichée par Dr Safiatou Thiam, Secrétaire exécutive du Cnls, qui a lancé hier l’évaluation basée sur le genre de la riposte nationale au Vih/Sida.

Par Amadou MBODJI – C’est un constat effroyable : une tendance de la féminisation du Vih/Sida se dégage au Sénégal, selon l’analyse faite par Dr Safiatou Thiam, Secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre le Sida (Se-Cnls). Les chiffres le disent de façon claire : 22 mille 807 femmes âgées de 15 à 49 ans sont touchées par le Vih contre 15 mille 887 hommes de la même tranche d’âge. Mme Thiam a partagé ces données hier, lors de l’atelier de lancement de l’évaluation basée sur le genre de la riposte nationale au Vih/Sida tenu hier. «Au Sénégal, les femmes sont plus touchées que les hommes par le Vih. 22 807 femmes âgées de 15 ans et plus vivent avec le Vih contre 15 887 hommes de cette même tranche d’âge. La prévalence du Vih chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est de 0.34% contre 0.25% pour les hommes de cette même tranche d’âge», souligne-t-elle.

Malgré les résultats encourageants enregistrés dans la lutte contre le Vih/Sida et toutes les initiatives prises dans le cadre de la mise en œuvre du plan quinquennal, elle souligne que «des défis persistent encore, surtout chez les femmes, les filles et les adolescentes porteuses du Vih». Les facteurs socio-économiques exposent davantage cette cible «à un risque accru d’infection», insiste Mme Thiam.

Aujourd’hui, il y a une question essentielle : qu’est-ce ce qui est à l’origine de «la féminisation de l’épidémie à Vih» ? «Le plus souvent, elles sont moins éduquées que les hommes, dépourvues d’autonomie financière et subissent l’emprise de normes sociales qui les relèguent à un second rôle. La majorité de cette couche vulnérable est confrontée à des difficultés d’accès à des stratégies de prévention et de prise en charge efficaces du Vih», diagnostique Dr Safiatou Thiam. En dépit des efforts effectués pour l’éradiquer ou au moins maîtriser la maladie, le Sida continue de garder ses survivances. Aujourd’hui, l’objectif que se fixe Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls) est de rendre plus visible cette maladie et la faire davantage connaitre à la population. Afin de balayer les clichés qui l’entourent, comme la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le Vih. «L’autre facteur au Sénégal, c’est que le Vih est faible au Sénégal et n’est pas très visible. Et puisqu’il n’est pas visible, quelqu’un qui n’a jamais vu une personne vivant avec le Vih dans son entourage, dans sa famille, peut avoir des comportements discriminatoires. Donc, pour rendre le Vih plus visible, on travaille avec les associations de personnes vivant avec Vih pour qu’elles témoignent bien qu’elles soient infectées par le Vih. Ce sont des personnes comme vous et moi, comme tout le monde. Donc, de toute façon, on ne sait pas qui a le Vih et qui ne l’a pas. C’est parce qu’il y a beaucoup d’avancées dans la prise en charge des malades, les personnes vivant avec Vih sont des personnes normales, qui ont une vie normale, qui vivent avec leur maladie, qui prennent leurs médicaments et qui ne contaminent personne», expli­que Dr Safiatou Thiam, Secré­taire exécutive du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls).

Survivance de la stigmatisation et de la discrimination

L’évaluation basée sur le genre de la riposte nationale au Vih/Sida, lancée hier et organisée par le Cnls, avec l’appui de la Cellule genre du ministère de la Santé et de la Direction de l’équité du genre du ministère de la Famille et des solidarités, avec l’appui financier de l’Onusida, permettra d’y arriver. «Donc, c’est une étape essentielle pour améliorer la qualité de nos programmes et pour que personne ne soit laissé pour compte et pour vraiment réduire les inégalités entre les hommes et femmes. Il y a une discrimination liée au genre qu’on peut aborder. Mais de manière générale, les patients vivant avec Vih, vulnérables au Sida, les personnes-clés de la lutte contre le Sida sont victimes de discrimination et surtout de stigmatisation liée au moins à une méconnaissance de la maladie. Quand des personnes n’ont pas toutes les informations, pensent que le Vih peut par exemple se contaminer par le toucher ou en partageant un repas, elles peuvent penser, pour se prémunir de cette maladie, qu’elles doivent peut-être discriminer certaines personnes», renchérit la patronne du Cnls. «Donc, c’est une activité qui est très importante, parce que vous savez que le Vih Sida est une maladie dite féminine au Sénégal, mais partout également dans le monde les femmes sont plus atteintes que les hommes. Et c’est lié à beaucoup de facteurs, et ces facteurs sont généralement des facteurs qui exposent à des inégalités qui font que les femmes sont souvent vulnérables au Vih/Sida», mentionne Mme Thiam.

Rendre visible la maladie

En écho, le directeur du bureau pays de l’Onusida, Demba Koné, met le curseur sur l’impératif de prendre en compte toutes les catégories de personnes pour vaincre l’épidémie de Vih/Sida dont «l’impact» n’est pas bien réparti entre les sexes. Dans la foulée, il indique que le Sida est une «maladie dévastatrice», qui touche des millions de personnes à travers le monde. Il rappelle qu’il y a 1, 3 million de nouvelles infections et 40 millions de personnes vivant avec le Vih. Aminata Diouf Ndiaye, coordonnatrice de la Cellule genre de la Direction de la planification, de la recherche et des statistiques au Ministère de la santé et de l’action sociale (Msas), met l’accent sur les efforts faits par les pouvoirs publics dans le cadre de l’égalité entre les femmes et les hommes. Malgré les «avancées», souligne-t-elle, «il reste beaucoup à faire» dans cette lutte.

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