“Si Kamala Harris remporte les élections américaines, Poutine devra trouver un plan B” en Ukraine
L’armée russe a beaucoup de mal à percer les lignes de défense ukrainiennes, les gains de terrain restent limités. Comment l’expliquer? “Les Russes ont laissé passer des opportunités et se battent maintenant avec un bras attaché dans le dos”, analyse l’ancien colonel Roger Housen.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Koeleba, a calculé que la Russie détenait 17,61% du territoire ukrainien au 1er janvier de cette année contre 17,68 % à l’heure actuelle: une légère augmentation qui prouve que les forces russes peinent à engranger du terrain.
“C’est vrai, il n’y a pas de percées spectaculaires. Les progrès sont lents, mais la pression sur la ligne de front de plus de 700 kilomètres ne faiblit pas, grâce à l’équilibre des forces favorable à la Russie. Ils ont plus de troupes, plus d’artillerie, plus de chars et plus de munitions”, tempère Roger Housen.
Un rythme d’escargot
Le fait que les progrès se poursuivent à un rythme d’escargot s’explique par trois raisons, selon l’ancien colonel. “Premièrement, il est toujours plus facile de mener des opérations défensives que des opérations offensives. Pour réussir une attaque, il faut disposer d’une force importante et de beaucoup de ressources. De plus, il faut sortir de ses positions pour se rendre visible aux yeux de l’ennemi. Par exemple, au cours de leur offensive du printemps et de l’été derniers, les Ukrainiens n’ont pas non plus réussi à faire des progrès substantiels sur le champ de bataille. Cette offensive s’est vidée de sa substance au bout de quelques mois”.
“Deuxièmement, les Russes n’ont pas la liberté d’action nécessaire pour attaquer. La liberté d’action signifie que les objectifs peuvent être atteints, mais les lignes d’approvisionnement russes en carburant, en munitions et en pièces détachées sont soumises à des tirs constants. Les sites de récupération, les dépôts de carburant et de munitions, les bases aériennes sont bombardés jusque dans les profondeurs de la Russie. En conséquence, les Russes se battent avec un bras attaché dans le dos, car tout le ravitaillement nécessaire à la poursuite de l’attaque est entravé par les bombardements ukrainiens.”
“Enfin, les Russes ne parviennent pas à synchroniser les attaques des différentes unités parce que leurs cadres ne sont pas suffisamment formés. Ils doivent en permanence faire appel à de nouvelles recrues sans expérience, qui ont des difficultés à mener des actions coordonnées. Par conséquent, ils doivent se contenter d’attaquer avec de petites unités de 10 à 20 hommes qui se contentent de passer d’une lisière de forêt à la tranchée suivante.”
Occasions manquées
Les Russes ont-ils manqué leur chance de percer les défenses ukrainiennes? “Tout porte à croire qu’ils n’ont pas su profiter d’une occasion favorable. Pendant six mois, le Congrès américain a refusé d’approuver l’aide de 60 milliards de dollars à l’Ukraine. Cela a laissé Kiev dans une situation précaire de la fin de l’année dernière jusqu’à la fin du mois d’avril, ce qui a donné l’occasion aux forces russes de réaliser une percée”, estime Roger Housen. “Elles ont essayé de le faire près de Kharkiv, mais sans succès. Désormais, le soutien américain en armement arrive et les F16 sont également en route. La fenêtre d’opportunité s’est refermée pour les Russes.”
Roger Housen assure qu’au rythme actuel et avec la même intensité, les troupes russes pourraient continuer pendant encore 2 à 2,5 ans avec l’arsenal d’armes et de munitions dont elles disposent. “Pour cela, Vladimir Poutine devrait remercier à genoux ses prédécesseurs, comme Léonid Brejnev, qui ont constitué de gigantesques stocks d’armes et de munitions pendant la guerre froide. La qualité et la capacité technique de ce matériel sont inférieures aux normes, mais la quantité compense largement.”
C’est notamment pour cette raison que les Ukrainiens ne parviennent pas non plus à percer les lignes russes. “Leur stratégie consiste à tenir jusqu’au milieu de l’année prochaine, à former de nouvelles recrues et à intégrer des équipements occidentaux afin d’être en mesure de lancer une offensive dans un an. En parallèle, ils construisent leur propre économie de défense et produisent même des chars en coopération avec des entreprises d’armement occidentales, comme l’allemande Rheinmetall. Kiev aimerait également frapper plus profondément en Russie, mais se heurte au veto des Américains.”
Le recrutement piétine
Un autre obstacle pour le président ukrainien Zelensky est que le recrutement de nouvelles troupes s’essouffle. Un Ukrainien sur trois se dit prêt à céder des territoires en échange de la paix dans le pays. “Au début de la guerre, plus de 85% des habitants déclaraient ne vouloir céder aucun territoire. En un an et demi, ce chiffre n’a cessé de diminuer. La fatigue augmente, le moral s’effrite et, chaque mois, de plus en plus d’Ukrainiens aspirent à la fin des combats. Pour l’instant, il n’y a aucune perspective de fin favorable, et économiquement, les gens ont de plus en plus de mal à s’en sortir”, commente Roger Housen.
Vladimir Poutine suit avec inquiétude les sondages électoraux américains. Il espère que Donald Trump sera réélu, qu’il fermera le robinet d’argent vers Kiev et qu’il poussera à la conclusion d’un accord de paix. “Les Russes avaient prévu de s’emparer d’un maximum de territoires cette année dans l’espoir que la pression exercée par Donald Trump à la table des négociations forcerait Kiev à accepter un accord de paix. Si Kamala Harris remporte les élections, ils devront trouver un plan B au Kremlin.”
SOURCE 7/7