Acclamé à la COP27, Lula promet l’arrêt de la déforestation avant 2030

La 27e Conférence des Parties (COP) s’est ouverte lundi 7 novembre à Charm el-Cheikh (Égypte). Cette 5e COP « africaine » se tient dans un contexte international peu propice pour progresser sur le chemin de la lutte contre le réchauffement climatique, qui fait sentir ses effets de plus en plus fréquemment partout dans le monde. « Un jour à la COP » livre un condensé de ce qui s’est dit et noué durant la journée de négociations, et part à la rencontre de quelques-uns de ses acteurs. Thème du jour : biodiversité et océan.

Avec nos envoyés spéciaux à Charm el-Cheikh -RFI

C’EST DIT !

a lancé à plusieurs reprises le futur président Lula da Silva, accueilli par une foule compacte surexcitée qui scandait son nom (lire ci-dessous).

À LA COP CE MERCREDI

♦ L’homme du jour, c’est le président brésilien Lula da Silva, élu le 30 octobre dernier et attendu comme le messie à cette COP. Il suscite beaucoup d’espoirs sur la scène climatique, après l’ère du climato-sceptique Jair Bolsonaro. La majeure partie de la forêt amazonienne, l’un des grands puits de carbone de la planète, se situe au Brésil. Dans son discours, pas d’annonces majeures, mais la volonté réaffirmée de faire de la protection du climat et de l’environnement une priorité. « Je suis là aujourd’hui pour vous dire que le Brésil est de retour ! Il n’y a pas de sécurité climatique pour le monde sans une Amazonie protégée. Nous ferons tout ce qu’il faudra pour avoir zéro déforestation et dégradation de nos écosystèmes d’ici 2030. Le combat contre le changement climatique se reflètera dans la composition de mon gouvernement. »

Il explique vouloir développer l’agro-écologie, valoriser les savoirs des peuples indigènes, plaider pour renforcer l’aide financière aux pays vulnérables au changement climatique et défendre la création d’une ONU climat. « Nous sommes de retour pour proposer une nouvelle gouvernance mondiale. Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1945. Il est nécessaire d’inclure plus de pays au Conseil de sécurité de l’ONU et en finir avec le droit de veto. » Lula assure vouloir en faire encore plus pour l’environnement que lors de ses précédents mandats et souhaite que la COP30 en 2025 soit accueillie en Amazonie. Il s’est également prononcé sur la thématique brûlante des pertes et dommages tant attendue par les pays les plus affectés par les effets du climat (lire ci-dessous) : « Nous avons un besoin urgent de mécanismes financiers pour remédier aux pertes et dommages causés par le changement climatique, nous ne pouvons plus reporter ce débat. »(par Jeanne Richard)

♦ La conclusion du G20 en Indonésie était très attendue à Charm el-Cheikh. Les engagements environnementaux de certains des plus grands États pollueurs étant devenus incertains : tensions sino-américaines sur Taïwan, crise de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine… Depuis quelques jours, le bruit courrait dans les couloirs de la COP… Certains pays récalcitrants souhaitent remettre en cause l’engagement des 1,5°.

Dans le communiqué final publié ce mercredi, les pays aux économies les plus développées ont notamment déclarer vouloir tenir leur engagement des 1,5°C. Un soulagement pour beaucoup à Charm El-Cheikh : « C’est un signal politique fort de continuer sur ce même niveau d’ambition », réagit Aurore Mathieu du Réseau action climat. Cependant, poursuit-elle, « on aimerait bien que ça se traduise concrètement ici par une date de sortie des énergies fossiles notamment puisqu’on sait que pour réduire ses émissions il faut sortir des énergies fossiles notamment. » (par Charlotte Cosset).

Toujours à Bali, Emmanuel Macron a annoncé pour juin un futur sommet sur les financements, notamment climat, qui traitera aussi de la question des pertes et dommages.

♦ Les petites îles craignent que les pertes et dommages passent à l’as. L’Aosis, la coalition qui regroupe ces États extrêmement vulnérables à la montée de l’eau, a « travaillé sans relâche cette année pour construire un consensus, concevoir une réponse claire et s’assurer de l’engagement de la communauté internationale de venir à cette COP27 et négocier en confiance sur ce problème. Maintenant, nous sommes là et quelques pays développés essaient furieusement de bloquer les avancées, et pire, tentent de saper les petits États insulaires en voie de développement. Il n’y a eu jusque-là que des consultations informelles sur ce point clé et aucun lancement officiel des négociations », a-t-elle réagi dans un communiqué. « Pourquoi continuez-vous à faire la sourde oreille aux cris de notre peuple ? », a-t-elle encore demandé, affirmant que les petites îles « n’accepteront plus de délai sur le financement des pertes et dommages ».

♦ Même inquiétude du côté des pays africains : ils n’ont toujours pas d’avancée notable sur les points qui leur tiennent à cœur, à savoir les financements pour s’adapter au changement climatique et réparer les dégâts qu’ils subissent déjà. Le problème, explique Mamadou Honadia, conseiller sur les négociations climat au sein de la Cédéao, c’est que les pays développés misent avant tout sur l’atténuation du changement climatique, à savoir la baisse mondiale des émissions de gaz à effet de serre (recueilli de Claire Fages).

MAMADOU HONADIA

Claire Fages

♦ Un milliard d’euros pour l’adaptation en Afrique. Comme en écho à ces inquiétudes, au même moment, l’Union européenne, quatre de ses pays membres et l’Union africaine annonçaient une nouvelle initiative sur l’adaptation au changement climatique en Afrique. Dotée d’un milliard d’euros, elle en consacrera 60 millions aux pertes et dommages, sans créer de fonds dédié. Une partie de cet argent devrait être versé au Bouclier global contre les risques climatiques, un système assurantiel pour aider à la réparation qui ne suscite pas l’enthousiasme.

♦ Le rôle de la nature est souvent sous-estimé lorsqu’on parle de changement climatique. Pourtant, selon les scientifiques, les solutions que peuvent apporter la nature sont essentielles, rappelle Brian O’Donnell, directeur de l’ONG Campain for Nature : « Jusqu’à un tiers de la solution à la crise climatique peut être apportée par la protection et la conservation de la nature. Les océans ont un rôle énorme à jouer en absorbant le CO2 et en régulant le cycle naturel du carbone. Aujourd’hui, sans les océans, l’impact de la crise climatique serait bien pire. Les forêts, les mangroves, et les autres zones riches en biodiversité absorbent des quantités gigantesques de CO2 atmosphérique. Trop souvent on court après des technologies qui n’ont pas encore été inventées ou qui sont incroyablement chères et on ignore des solutions prouvées qu’on a sous les yeux : forêts, mangroves, herbiers marins. Selon les experts du Giec, il faut qu’on protège entre 30 et 50 % des terres et océans pour atteindre nos objectifs climatiques. »

LES COULISSES EN IMAGE.

L’image du jour, c’est la frénésie qui s’est emparée de la cour principale de la COP alors qu’une prise de parole du président Lula était annoncée, en milieu d’après-midi. Dans la foule, beaucoup de Sud-Américains évidemment, dont un certain nombre de médias brésiliens.

ILS FONT LA COP. Des rivières dans l’atmosphère : trois questions au Dr Marty Ralph, météorologiste, spécialiste des phénomènes extrêmes à l’université de San Diego, en Californie, un État américain particulièrement vulnérable aux effets du changement climatiques. Véritable ponte dans son domaine, ce chercheur américain intervenait au pavillon Océan sur une question émergente : les rivières atmosphériques.

Qu’est-ce qu’une rivière atmosphérique ?

Dr Marty Ralph : C’est une région de l’atmosphère constituée de vapeur d’eau. Ces masses de vapeur se forment et se transforment en courant avant d’être poussés loin par les vents. Ils sont larges de quelques centaines de kilomètres et longues de milliers de kilomètres. La quantité d’eau contenue dans une rivière atmosphérique est équivalente à deux fois celle de la rivière amazonienne, qui est le plus grand fleuve du monde. Mais là, c’est dans l’atmosphère.

On les trouve dans les zones sub-tropicales et dans les zones polaires. Elles ont tendance à circuler d’ouest en est, et dans les parties nord-ouest des continents – nord-ouest de l’Amérique du Nord et du Sud, ouest de l’Europe, l’ouest de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Dans l’hémisphère nord, il peut y avoir trois ou quatre rivières atmosphériques. Elles transportent près de 90% de la vapeur d’eau des latitudes moyennes. Les toutes dernières recherches ont montré leur rôle majeur tant dans le potentiel d’approvisionnement en eau que dans les inondations, dans de grandes parties du monde, y compris en Europe de l’Ouest, comme la France.

L’une d’entre elles a frappé durement la Colombie-Britannique en novembre et elle est arrivée juste après une autre tout aussi grosse. On dispose d’une échelle pour les rivières atmosphériques, de 1 à 5. Ces deux rivières étaient au niveau 4 et elles ont généré des inondations catastrophiques, détruisant des routes et les lignes de chemins de fer qui transportent le frêt à travers les [montagnes] Rocheuses.

En quoi le changement climatique peut-il avoir des effets sur ces rivières atmosphériques ?

Le réchauffement climatique provoque plus de vapeur d’eau et la vapeur d’eau est le carburant des rivières atmosphériques, donc il y aura de plus grosses rivières. Il y a beaucoup de nouveaux enjeux avec le changement du climat.

Dans certaines parties du monde, l’évapo-transpiration des plantes peuvent aussi former beaucoup de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Les grandes couvertures de forêts tropicales s’ajoutent de manière substantielle à la vapeur d’eau automatiquement transportée par les rivières atmosphériques. Si quelque chose vient à changer cette quantité d’évapo-transpiration, comme la déforestation, cela peut modifier la rivière atmosphérique en influençant les précipitations.

Les rivières atmosphériques peuvent aussi avoir des effets bénéfiques. Lesquels ?

En approfondissant les recherches, notre adaptation pourrait s’améliorer en mettant par exemple à profit les prévisions sur les rivières atmosphériques. Cela pourrait permettre de maximiser l’utilisation de réservoir et des barrages pour garder l’eau et si les prévisions annoncent une nouvelle rivière, libérer les masses d’eau.

On travaille avec le corps du génie de l’armée américaine spécialisé dans la gestion de l’eau, avec le département californien des ressources hydriques, on a étudié les meilleures façons d’utiliser les réservoirs d’eau. Grâce à une amélioration des méthodes, il y a eu une augmentation de 20% d’eau pendant la troisième année la plus chaude de l’histoire.

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