Pourquoi le pont de Baltimore s’est-il effondré si rapidement?
Un immense porte-conteneurs a percuté un pont autoroutier et provoqué son effondrement à Baltimore, aux États-Unis. Depuis, de nombreuses questions – notamment structurelles – subsistent sur la collision. Comment le navire a-t-il pu atteindre le pont? Pourquoi n’était-il pas protégé contre de tels accidents? Et surtout, pourquoi s’est-il effondré si rapidement?
Ce n’est pas la première fois qu’un pont s’effondre suite à une collision avec un navire. Entre 1960 et 2015, 35 ponts majeurs se sont effondrés après avoir été heurtés par un bâteau, selon des chiffres cités par Toby Mottram, de l’université de Warwick, dans les colonnes de l’Independent.
Mais si les experts soulignent qu’il est trop tôt pour dire ce qu’il s’est passé exactement pour que le pont Francis Scott Key de Baltimore cède de cette manière, ils rappellent toutefois que les constructions de ce type sont spécifiquement imaginées avec des protections contre de tels accidents, et qu’il a sans doute fallu “un impact énorme” pour qu’il s’effondre.
Stratégies de protection
Les ponts modernes sont construits en tenant compte de ces éventuelles collisions, les ingénieurs ayant mis au point une série d’exigences et de solutions de sécurité visant à garantir l’intégrité de l’édifice.
Les piliers ou les colonnes de soutien de ce type de ponts (de grande taille et qui traversent des voies de navigation) doivent obligatoirement être protégés.
Ces protections se présentent sous différentes formes, explique Robert Benaim, concepteur de ponts et membre de la Royal Academy of Engineering. “Ces protections peuvent notamment prendre la forme de protections structurelles, comme des “dauphins sacrificiels”, qui sont faits d’acier et encastrés dans le fond marin pour arrêter ou détourner un navire. Elles peuvent également prendre la forme d’îles artificielles. Celles-ci sont destinées aux très grands navires et signifient qu’il n’atteindra jamais le pont en lui-même.”
Des prévisions qui ont leurs limites
Les piliers d’un pont sont importants, car toute défaillance structurelle – en particulier au centre – entraîne l’effondrement de l’ensemble de la structure. Mais les protections n’ont qu’une efficacité limitée. “La masse et la vitesse d’un navire sont des facteurs clés dans le niveau de force d’impact généré et il existe une limite économique et pratique au niveau de ce qui peut être conçu”, expose Lee Cunningham, spécialiste en ingénierie structurelle à l’université de Manchester. “De même, la direction de l’impact constitue aussi un facteur important.”
Dans le cas du pont Francis Scott Key, sa conception dans les années 1970 n’a peut-être pas tenu compte de la taille et de la puissance des navires qui passent aujourd’hui en-dessous. Avec ses 300 mètres de long et ses 48,2 mètres de large, le Dali, le navire qui est entré en collision avec le pont, était immense et chargé d’énormes quantités de marchandises. Sa vitesse de croisière n’est quant à elle pas encore connue.
“Il est tout à fait concevable que les piliers [du pont] n’aient pas été conçus pour résister à l’ampleur des impacts des navires d’aujourd’hui, car des cargos comme le Dali ne naviguaient pas dans le port de Baltimore à cette époque”, expose le professeur Mottram. “Même s’il répondait aux normes de conception et de sécurité des années 1970, le Key Bridge de Baltimore n’était peut-être pas équipé pour supporter l’ampleur des mouvements de navires que l’on observe aujourd’hui.”
Un effondrement rapide
Mais les techniques de construction ne sont pas les seules solutions pour éviter les accidents. “Les technologies modernes de navigation auraient dû empêcher le navire de heurter la jetée”, ajouté le professeur Mottram. Selon lui, l’une des priorités de l’enquête sera donc de déterminer comment ces technologies ont échoué.
La vitesse de l’effondrement a également soulevé quelques interrogations. Comme on peut le voir sur les images, une fois que le pont commence à se déformer, il s’écroule rapidement. Cela s’explique en partie par le fait qu’il s’agit d’un “pont à treillis continu”, constitué d’un long treillis d’acier qui traverse les trois travées principales, plutôt que d’avoir des connexions sur les piliers.
“La collision d’un navire aussi grand que le porte-conteneurs Dali dépasse largement les charges prévues pour les minces piliers en béton qui soutiennent la structure en treillis”, ajoute Andrew Barr, chercheur au département de génie civil et structurel de l’université de Sheffield. “Il s’agit d’un exemple de ce que les ingénieurs appellent l’effondrement progressif, où la défaillance d’un élément structurel entraîne la défaillance des éléments voisins, qui ne peuvent pas supporter les nouvelles charges qui leur sont imposées.”