La sécheresse provoque des coupures d’électricité en Zambie
Voilà une semaine, ce lundi 18 mars, que les Zambiens n’ont plus de courant huit heures par jour. Le gouvernement a pris cette mesure de rationnement car la sécheresse, liée au changement climatique et au phénomène météo El Niño, affecte le débit du gigantesque fleuve Zambèze et de ses affluents, sur lesquels se trouvent les principaux barrages hydroélectriques de ce pays d’Afrique australe.
En Zambie, 80% de l’électricité est produite grâce aux barrages hydroélectriques qui sont installés principalement sur le fleuve Zambèze et sur son affluent, la rivière Kafue. À cause de la sécheresse, « le débit de ces deux cours d’eau est à 30% de son niveau normal », explique à RFI le ministre de l’Environnement du pays, Collins Nzovu.
Le gouvernement a donc décidé de rationner l’énergie. C’est pourquoi les Zambiens subissent depuis lundi 11 mars des coupures d’électricité huit heures par jour. « Principalement la nuit, avant 8 heures du matin », assure le ministre. Il n’empêche, la vie quotidienne et l’économie sont affectées. « Nous devons pouvoir tenir jusqu’à la prochaine saison des pluies », justifie le ministre. Dans ce pays d’Afrique australe, la saison humide s’étend normalement de novembre à avril mais cette année, le mois de février notamment est resté désespérément sec.
Vulnérabilité au changement climatique
Cette situation risque de devenir de plus en plus fréquente, prévient Sebastian Sterl, spécialiste des énergies propres en Afrique, à l’Institut des ressources mondiales (WRI en anglais), basé en Éthiopie.
« À cause du changement climatique, les différences entre les années extrêmement humides et les années extrêmement sèches vont s’accentuer de plus en plus, explique le chercheur. Les années humides vont devenir encore plus humides, les années sèches deviendront encore plus sèches, et cela peut évidemment avoir des conséquences négatives sur la production d’hydroélectricité. On le voit en ce moment en Zambie ».
Beaucoup d’autres pays africains dépendent très fortement de l’hydroélectricité et sont donc très vulnérables aux sécheresses. C’est le cas, entre autres, du Lesotho, du Mozambique ou encore du Zimbabwe, pointe Sebastian Sterl. Pour réduire cette vulnérabilité, certains États comme l’Éthiopie et le Kenya ont diversifié leurs sources de production d’électricité en développant le solaire et l’éolien notamment.
Le barrage de Kariba
Au cœur de la production d’énergie électrique zambienne se trouve le barrage de Kariba, sur le fleuve Zambèze. Cette construction pharaonique qui date de l’époque de l’Indépendance a donné naissance au lac artificiel du même nom. Un réservoir de 185 milliards de m3 en temps normal, qui se trouve à la frontière entre le Zimbabwe et la Zambie actuelle et à 200 km en aval des célèbres chutes Victoria.
Aujourd’hui géré par l’Autorité du fleuve Zambèze (la ZRA en anglais pour Zambezi River Authority), ce barrage a une importance capitale en matière de production hydroélectrique pour les deux pays. Le niveau du lac est théoriquement susceptible de varier de manière artificielle. Les autorités peuvent, en fonction des besoins, décider d’ouvrir les vannes afin de réguler le niveau du lac en cas de crues par exemple.
La ZRA fournit des graphiques très éclairants en ce qui concerne les débits du fleuve Zambèze qui alimente le lac. La courbe bleu foncé sur le graphique ci-dessous, montre un débit très bas à la mi-mars. 348 mètre-cube par seconde sur 2023-2024 contre 960 m³ pour la période 2022-2023.
Un expert français travaillant dans l’ingénierie et la construction des barrages commente : « Il y a là un vrai problème. On est normalement en période humide, et les débits sont exceptionnellement bas. On constate aussi que la crue de l’an dernier était très faible. Il est donc tout à fait crédible qu’on soit face à un problème jusqu’à mi-2025, surtout si la crue s’obstine à ne pas venir dans les mois qui viennent ».
Cela étant, le graphique nous montre aussi deux choses. Tout d’abord, des crues « tardives » peuvent apparaitre comme fin avril 2018 (courbe rouge). Et il y a aussi des années sans crue, c’est particulièrement visible en 1996 et 2019 (courbes grises et jaunes).
Le phénomène El Niño pourrait d’autre part aggraver la situation. Lors de son précédent passage en 2016, il avait déjà fait peser des inquiétudes sur le remplissage du lac Kariba et sur la production électrique du barrage.
Pour examiner les conséquences de la baisse du niveau du lac sur la production électrique, il faut se pencher sur les données de remplissage fournies par la ZRA. La semaine dernière, le remplissage était inférieur à 15%.
Le trait en pointillé au bas du graphique symbolise la côte minimale d’exploitation. C’est-à-dire le niveau en dessous duquel il ne sera plus possible de produire de l’électricité car, pour schématiser, l’eau n’a plus assez de force pour faire tourner les turbines. Cette limite est de 475,5 m. Les autorités en charge de l’exploitation du barrage peuvent décider de réduire la production (donc provoquer des coupures), avant d’arriver à ce niveau, précisément pour garder assez d’eau dans le réservoir, le temps de voir venir.
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