Pesée d’un trou noir supermassif situé à 11 milliards d’années-lumière
Les galaxies de l’Univers proche, à l’instar de la nôtre, hébergent à priori un trou noir supermassif en leur centre, qui accompagne la structure et l’évolution de celles-ci. Ils sont le moteur des quasars, les sources les plus brillantes de l’Univers, ou encore des jets superluminiques qui sont observés dans certaines galaxies.
La question de la co-évolution des galaxies et des trous noirs en leur cœur est centrale dans la compréhension de ces objets, mais les mécanismes à l’œuvre sont mal connus. Le principal diagnostic repose sur la comparaison de la croissance du trou noir central et de la galaxie hôte. Une mesure directe de la masse de trous noirs à différents âges cosmiques est donc primordiale pour suivre et analyser cette co-évolution.
Nous connaissons la masse du trou noir central de notre Galaxie grâce à l’instrument GRAVITY et à la mesure des trajectoires d’étoiles très près de celui-ci. Ce même instrument avait aussi mesuré la masse de quelques trous noirs dans des Quasars relativement proches. Il restait à étendre cette technique à l’Univers lointain pour couvrir une large gamme d’âges cosmiques et en particulier le pic de formation des Galaxies deux milliards d’années après le Big Bang, soit il y a environ 10 milliards d’années.
C’est l’objectif principal du projet GRAVITY+, une extension des capacités du VLTI et de GRAVITY, entreprise par une équipe internationale dans laquelle le CNRSTerre & Univers est impliqué.
En utilisant GRAVITY+, l’équipe a pu mesurer pour la première fois de manière directe la masse d’un trou noir aux premières phases de l’évolution de l’Univers, seulement 2 milliards d’années après le Big Bang correspondant à l’époque où les galaxies ont commencé à se structurer (le « midi cosmique » ou Cosmic Noon).
Ce trou noir qui se trouve au centre de la galaxie SDSS J092034.17+065718.0 a une masse mesurée de 300 millions de fois celle de notre Soleil. Cette énorme masse semble pourtant plus de dix fois inférieure à ce que prévoyait le modèle dominant de coévolution trou noir – galaxie. Ce premier résultat qui en annonce beaucoup d’autres ouvre donc la voie à une révision profonde des mécanismes de formation des galaxies et de tout ce qu’elles contiennent.