Gouvernement Netanyahu: comment l’extrême droite israélienne arrive à imposer son agenda

C’est sans précédent : les États-Unis sanctionnent quatre colons de Cisjordanie. Un décret présidentiel impose des mesures contre des Israéliens auteurs de violences anti-palestiniennes. Mais l’administration Biden ne s’en prend pas aux élus de l’extrême-droite de la coalition gouvernementale israélienne. Depuis la création de l’actuel gouvernement israélien, ces derniers mènent la danse.

Par : Michel Paul – correspondant à Jérusalem,

Dimanche dernier, un rassemblement sur le thème de la réinstallation de colonies israéliennes dans la bande de Gaza s’est déroulé au palais des Nations, le grand centre des Congrès à l’entrée de Jérusalem. Cela s’est passé un peu moins de 20 ans après le « désengagement » israélien de cette région. Des milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes, notamment ceux exaltés que l’on surnomme les « jeunes de collines », ont participé à ce happening surréaliste.

Il y avait également de très nombreux élus, très exactement douze ministres du gouvernement de Benyamin Netanyahu, dont six d’entre eux appartenant au Likoud, le parti du Premier ministre israélien. Quinze députés, notamment ceux du parti de la Force Juive d’Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, étaient également présents. Le parti Sionisme religieux, du ministre des Finances Bezalel Smotrichelle, était aussi bien représenté, ainsi que plusieurs leaders, politiques et spirituels, des partis ultra-orthodoxes.

Sur scène, les orateurs demandent le départ volontaire des Gazaouis de leur terre. La foule, surexcitée, ne répond qu’en scandant un mot : transfert. L’idée est simple : il faut remettre en place les colonies de peuplement évacuées par l’armée israélienne pendant l’été 2005. Pour les dirigeants de ce groupe, c’est la seule solution pour assurer la sécurité d’Israël, après la guerre à Gaza.

Jusqu’à présent, cette idée était rejetée par Benyamin Netanyahu, mais du bout des lèvres seulement. Le chef du gouvernement israélien, qui est ainsi débordé ouvertement par l’aile droite de sa coalition gouvernementale, refuse catégoriquement de tenir des débats sur l’après-guerre à Gaza. Et il a ses raisons. Selon ses détracteurs, ces dernières sont surtout personnelles et seraient liées à ses déboires avec la justice israélienne, dont son procès pour fraude, abus de confiance et corruption dans trois affaires différentes.

Les incontournables concessions

Pour mieux comprendre la situation actuelle, il faut s’arrêter sur le système électoral israélien, dont le fonctionnement explique bien des maux dont souffre le pays.

Depuis la création de l’État d’Israël et jusqu’à ce jour, jamais un parti n’a obtenu la majorité absolue à la Knesset. Le résultat est qu’il a toujours fallu, et c’est encore le cas aujourd’hui, mettre sur pied une coalition gouvernementale. Et avec toutes les concessions que cela implique. Le système proportionnel plurinominal, un scrutin secret, direct, national où tout le pays est considéré comme une seule et même circonscription en est responsable.

Dans le cadre de ce système, le nombre de sièges confiés à un parti au sein de la Knesset reflète le pourcentage exact de voix qu’il a reçues des citoyens. Mais en fin de compte, c’est une multitude de partis politiques qui s’affrontent et qui réussissent à franchir le seuil électoral. Et c’est également le cas des listes extrémistes, notamment celles qui se revendiquent du Kahanisme, le mouvement créé par le rabbin raciste d’origine américaine Meir Kahane qui a été mis hors la loi en Israël en 1994.

Une quarantaine de postes ministériels, un record 

Habituellement boycottées, ces listes ont été cette fois cooptées dans le cadre du sixième gouvernement Netanyahu, formé à l’issue des élections législatives du 1er novembre 2022. Il s’agit d’une coalition composée initialement de six partis de droite et d’extrême droite. Ce gouvernement est considéré comme le plus extrémiste de l’histoire d’Israël avec des éléments racistes, homophobes et misogynes. Et ce n’est qu’à l’arraché que Benyamin Netanyahu a pu mettre sur pied une coalition de 64 sièges sur les 120 que compte la Knesset pour échapper à de nouvelles élections, les sixièmes en un peu plus de trois ans.

Les résultats ont été immédiats après la création de ce fragile gouvernement : les petits partis les plus extrémistes ont reçu les portefeuilles ministériels les plus importants. La Sécurité nationale, qui inclut la police, pour Itamar Ben Gvir, qui dans le passé avait lui-même été interrogé maintes fois par les policiers pour des actes considérés comme terroristes. Les Finances et une partie des prérogatives de la Défense nationale pour Bezalel Smotrich, brièvement emprisonné au moment du « désengagement de Gaza ». Autre conséquence : la création d’une quarantaine de postes ministériels, un record absolu.

Un cabinet de sécurité élargi

Le 11 octobre dernier, à la suite de l’offensive et des massacres du Hamas, le parti de l’Unité nationale de Benny Gantz se joint à la coalition pour former un gouvernement d’urgence. Un cabinet de guerre est mis sur pied, mais les représentants de l’extrême-droite en sont exclus. C’est pourquoi Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich réclament, et obtiennent, que les décisions politiques et militaires soient adoptées dans le cadre d’un cabinet de sécurité élargi.

Les deux ministres exercent depuis leur entrée en fonction une forme de chantage sur le chef du gouvernement, le forçant à plusieurs reprises à prendre des décisions auxquelles il avait annoncé s’opposer. Cela a été notamment le cas lors de la création d’une garde nationale, en parallèle avec la police. Depuis le début de la guerre, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich s’opposent à l’entrée d’aide humanitaire à Gaza.

Benyamin Netanyahu tente de jongler entre les promesses qu’il a faites au président américain Joe Biden dans ce domaine et la préservation de sa coalition. Mais c’est sur la question de la libération des otages que les affrontements entre Benyamin Netanyahu et l’extrême-droite mettent le gouvernement israélien dans une situation particulièrement délicate. Itamar Ben Gvir menace directement « Bibi ». Pas question de cessez-le-feu ni de libération de prisonniers palestiniens ayant du « sang sur les mains ». Sinon c’est la fin du gouvernement. Un scénario improbable, selon le quotidien Haaretz.

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