Mermoz et Gadaye: A Dakar, le littoral de la Grande côte sous la menace des constructions

Le littoral souffre de sa position stratégique qui offre un beau cadre. Son espace luxuriant attire bon nombre de personnes. Cela s’explique par ces nombreuses constructions constatées sur le long de la façade maritime de la capitale.

À Dakar, le littoral subit les assauts des promoteurs immobiliers. Ces derniers mènent une course effrénée pour l’obtention de quelques mètres carrés près de la plage. Le phénomène prend de l’ampleur. Cependant, la capitale du Sénégal vit les dernières heures où son littoral est exempt de toute occupation et accessible à tous. Les immeubles R+, les hôtels, entre autres sont construits près de la plage pouvant offrir le luxe de humer la brise marine.

À Mermoz, aux environs d’un hôtel de la place, le littoral est entièrement occupé. Des bâtiments en finition ont trouvé leur siège dans cet endroit au bord de la mer. Des hôtels flambant neufs jouxtent les pierres rocheuses qui les protègent contre une avancée de la mer. La marée est basse. L’océan est calme et le courant marin n’est pas si agité. La brise marine se fait sentir par le biais du vent frais et doux qui s’en échappe. En plein jour, le soleil fait jaillir ses rayons reflétant la lumière sur l’eau qui, à son tour, fait apparaître un décor jovial. Des signes qui montrent pourquoi le littoral fait l’objet de plusieurs convoitises. Parce qu’il fait bon vivre aux alentours.

Les maçons, les uns sur les toits, et les autres à l’intérieur des bâtiments, sont en pleine activité et aux derniers réglages des travaux. En plus des briques, des fers, d’autres matériaux de construction sont à gogo sur place. Ces immeubles, la plupart des hôtels, surplombent la mer pour offrir aux visiteurs une vue panoramique sur l’océan. Les bâtiments occupent carrément le littoral.

À la plage de Mermoz, une petite portion est dédiée aux gens qui viennent visiter où faire du sport. Le reste est synonyme d’une spéculation foncière sur cet endroit où les bâtiments en construction fleurissent comme des champignons. La plage est presque déserte, les rares personnes qui s’y trouvent s’adonnent à la course à pied et les autres, des groupes d’amis, devisent tranquillement.

Les bâtiments tout proches de la mer

Samsidine Ndoye dénonce une « prédation foncière ». À l’en croire, face à cette situation, les citoyens simples n’ont pas les moyens de combattre ou d’ester en justice les propriétaires de ces édifices. « Nous aurons affaire à des personnes réputées être riches et il sera difficile de les déguerpir de ces endroits », a déclaré Samsidine. Selon lui, il s’agit de la loi du plus fort. Toutefois, il demande qu’on laisse aux populations la liberté de continuer à visiter la plage. « Une majeure partie de la plage a été privatisée », a-t-il mentionné. Bien assis sur un banc, à l’ombre d’un arbre, El hadji Tall a bien noté ce qui se passe actuellement. « Il n’y a presque plus d’espace, les constructions ont envahi une grande partie du littoral, la plupart d’entre elles sont des hôtels et des auberges », soutient le quadragénaire.

À Gadaye, une localité située dans la commune de Yeumbeul, une pléthore de chantiers est visible dans cet espace à quelques mètres de la mer. Innombrables sur les lieux, les ouvriers sont à pied d’œuvre et leurs coups de marteau résonnent sans arrêt. De nombreux bâtiments sont en construction. Il fut un temps, cette partie du littoral était dominée par des filaos qui longeaient toute la côte de Guédiawaye à Malika. Aujourd’hui, ils sont menacés de disparition par l’action anthropique qui annihile tout espoir de survie des espèces végétales. À côté des bâtiments, quelques arbustes réussissent à résister face à cette ruée vers les terres du littoral.                     

Ici, une grande partie du littoral a été lotie. Les arbres coupés de leurs racines cèdent la place aux immeubles. Dans des endroits où les constructions tardent à démarrer, des bornes ont été installées. Un signal pour alerter que ces terrains font office d’une occupation, tout le long de la Vdn 3. Sur cette voie, la circulation est fluide. À quelques encablures du giratoire de Gadaye, les vendeurs de poissons et de fruits à côté de leurs attelages sont à la quête de clients. Les charretiers et les laveurs prennent d’assaut les petits coins. Le bruit des vagues et des voitures est en symphonie.

Les immeubles ont chassé les filaos

Ibrahima Ba habite la cité depuis des décennies. Il montre son courroux face à cette situation qu’il déplore sans réserve. Rappelant son enfance effectuée dans ses filaos, qui étaient une beauté naturelle à contempler, d’après lui. Il garde de vieux souvenirs que les enfants d’aujourd’hui n’ont pas la chance de vivre. « La nature était belle dans cette plage. Enfant, j’ai tout fait ici et maintenant avec ces constructions, les filaos ont été coupés et cela a commencé avant même avec la mise en place de cette route », a-t-il fait savoir.

Pa Fall, chauffeur de taxi-clando, abonde dans le même sens qu’Ibrahima, mais il aborde le sujet autrement, en fin connaisseur du lieu. Le sexagénaire souligne qu’il habite dans cette ville depuis 1978, dans un contexte où il n’y avait rien, ni infrastructures ni bâtiments R+3, entre autres. D’après lui, la forêt était dense et elle s’étendait à des centaines de mètres avant de rejoindre la façade maritime. Elle fut un moyen de contrer l’avancée de la mer. Ces particules de sables venant de la plage se transforment en dunes sous l’effet du vent, poursuit le vieux chauffeur. « Du fait que toute la flore est partie, cela n’augure rien de bon pour notre cadre vie et surtout cette avancée de la mer qui peut créer une situation difficile à maîtriser dans les prochaines années, d’où l’importance de cette forêt de filaos », a-t-il déploré.

Bada MBATHIE (Stagiaire)
LESOLEIL

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