Guerre Israël-Hamas: l’intelligence artificielle au coeur des combats
Deux mois après les massacres commis par le Hamas dans le sud-ouest d’Israël, l’opération de l’armée israélienne s’enfonce vers le sud de la bande de Gaza, toujours soutenue par une gigantesque campagne de bombardements qui dépasse les 12 000 cibles visées depuis le 7 octobre. Le rythme infernal et inédit de ces frappes, c’est l’intelligence artificielle qui le rend possible, révèle le magazine israélien +972. L’enquête du journaliste d’investigation Yuval Abraham démontre que pour tapisser Gaza de bombes, l’État hébreu dépend plus que jamais de programmes informatiques autonomes, au mépris des victimes civiles. Entretien.
RFI : On sait depuis plusieurs années que l’armée israélienne utilise des paramètres d’intelligence artificielle pour soutenir son effort de guerre. De quelle manière ces algorithmes influent-ils sur la campagne de bombardements qui vise Gaza depuis le 7 octobre ?
Yuval Abraham : Ce que montre mon enquête, c’est que ces programmes sont utilisés pour favoriser la quantité des cibles au détriment de leur qualité et pour réaliser des assassinats ciblés, en sachant pertinemment que pour toucher un seul cadre du Hamas, des centaines de civils palestiniens seront tués.
Comment fonctionnent ces programmes informatiques ?
De manière générale, il s’agit de collecter une énorme somme de renseignements sur la population de Gaza et d’automatiser le traitement de ces données par le biais d’une intelligence artificielle. Elle les analyse et élabore des cibles potentielles. C’est un processus automatisé qui a pour conséquences des bombardements mortels et qui fonctionne à très grande échelle.
Le rythme des frappes est réellement plus important qu’un travail de ciblage traditionnel ?
C’est incomparable, il est extrêmement élevé, c’est du jamais-vu. Israël a déjà bombardé plus de 20 000 cibles depuis le 7 octobre.
Est-ce que ces algorithmes prennent en compte la présence de civils dans les environs immédiats des cibles qu’ils proposent ?
Certaines de mes sources estiment que ces cibles n’ont parfois quasiment pas de valeur militaire et que néanmoins des civils vont perdre la vie dans les frappes qui vont suivre les recommandations des algorithmes. Et si tant de ces sources m’en ont parlé, c’est qu’elles considèrent que ce qu’on leur fait faire est disproportionné et immoral.
Que répondent les autorités israéliennes ?
La réponse officielle : que les forces israéliennes respectent le droit international et qu’elles adressent aux civils des avertissements afin qu’ils évacuent les zones ciblées. Mes sources y voient d’ailleurs une façon pour la hiérarchie de l’armée de s’absoudre de ses responsabilités. Comme si balancer des tracts d’un avion suffisait à justifier que l’on tue les habitants de Gaza qui ont osé rester chez eux. On parle de gens malades, de familles effrayées par les bombardements. Le gouvernement répond que ces gens ont été prévenus. Mon enquête démontre que c’est loin d’être toujours le cas.