Le président de la COP28 accusé de privilégier les affaires

À deux jours de l’ouverture de la COP28 à Dubaï, son président Sultan al-Jaber vient d’être pris en flagrant délit de conflit d’intérêt. D’après la BBC, en marge de la conférence où l’on discutera de la sortie des énergies fossiles, il prépare des rencontres pour promouvoir les intérêts pétroliers des Émirats arabes unis. Depuis sa nomination, son profil fait débat.

Sultan al-Jaber, aujourd’hui âgé de 50 ans, a été d’abord président de Masdar, l’entreprise publique des Émirats dédiée aux énergies renouvelables, fondée en 2006 pour verdir la réputation de la pétromonarchie. Ses compétences en matière de décarbonation le propulsent dix ans plus tard à la tête de la compagnie nationale des hydrocarbures d’Abu Dhabi (Adnoc). Il devient l’homme du pétrole, un poste de premier plan renforcé par le portefeuille ministériel de l’industrie.Difficile d’imaginer qu’il va ranger au placard ses casquettes de PDG le temps de la COP28. Et nos confrères de la BBC en font la preuve en révélant son agenda caché : des réunions d’affaires programmées avec 27 pays au nom des intérêts pétroliers des Émirats, des rendez-vous inscrits dans des documents internes publiés par la radio.

Cinq millions de barilsPour les Émirats, cette COP28 sera une formidable vitrine pour vendre leur savoir-faire dans l’énergie fossile, car loin de vouloir se désengager du pétrole, ils cherchent au contraire à pousser leur avantage le plus loin possible. Ils voudraient sortir cinq millions de barils par jour en 2030, deux millions de plus qu’en 2022. Ils prévoient d’exploiter du pétrole pendant encore cinquante ans. Un discours assumé par Sultan al-Jaber. Il a toujours plaidé pour que cette industrie soit intégrée aux discussions de la COP28.

.Selon cette enquête, en marge des négociations, les Émirats vont discrètement rencontrer les Chinois pour discuter du gaz naturel liquéfié (GNL) au Mozambique, en Australie ou au Canada. Ils veulent sonder les Colombiens pour proposer leur expertise afin de développer ses réserves d’hydrocarbures. Ils ont aussi des projets à proposer aux Français et aux Allemands.

La feuille de route donnée à l’équipe des négociateurs émiratie divulguée par la BBC est sans équivoque : les intérêts des entreprises énergétiques du pays doivent systématiquement être pris en compte dans les discussions.Double casquetteSultan al-Jaber peut-il encore assurer son rôle de président ? Pour le moment, il n’y a pas eu de réactions officielles aux révélations de nos confrères. Il a déjà représenté son pays à de précédentes COP. Il connait donc la mécanique de ce grand ballet diplomatique réunissant 200 parties. Et sa double casquette qui fait frémir les pays du nord, du moins en public, est considéré comme un avantage dans les pays du sud.

Le président du Kenya, l’un des pays africains les plus engagés en faveur du climat, n’a aucune réserve sur cette COP sur un baril de pétrole. Il souligne que les Émirats sont parmi les premiers investisseurs du continent dans les énergies renouvelables, à hauteur de plus de quatre milliards de dollars. Un atout concret non négligeable comparé aux discours tenus par les pollueurs historiques, les pays occidentaux, très lents à tenir leur promesse pour financer la transition des pays du sud.

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