“Sanchez, fils de p***”: des dizaines de milliers d’Espagnols protestent contre l’amnistie des indépendantistes catalans
« Pour l’État de droit, SOS l’UE”: des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Madrid pour dénoncer la future loi d’amnistie des dirigeants et militants séparatistes catalans, qui a permis au gouvernement de gauche d’être reconduit.
Environ 170.000 personnes, selon la préfecture, se sont réunies sur la place Cibeles, autour de la célèbre fontaine du même nom, en plein coeur de la capitale espagnole, là où se retrouvent les supporters du Real Madrid en cas de victoire, pour répondre à l’appel à manifester lancé par la droite. Aux cris de “Sánchez, traître”, “Sánchez, fils de p****”, “Sánchez en prison!” ou “La Catalogne, c’est l’Espagne”, les participants, de tous âges, avaient noué sur leurs épaules ou agitaient des drapeaux espagnols, et d’autres brandissaient des drapeaux européens distribués par le Parti populaire européen (PPE, droite).
“Ce que veut Pedro Sánchez, c’est découper l’Espagne en morceaux”
“Ce que veut Pedro Sánchez, c’est découper l’Espagne en morceaux”, s’insurge Maria Angeles Galan, une retraitée madrilène de 65 ans, qui a participé à d’autres manifestations anti-amnistie ces derniers jours
Pour elle, le Premier ministre a ouvert la voie à un démantèlement du pays: “qu’il y ait le pays basque d’un côté, la Catalogne de l’autre, et dire qu’il ne s’est rien passé, et que peu importent les juges”. “Ce n’est pas un président, c’est un délinquant”, crie-t-elle encore, reprenant l’un des slogans scandés pendant le rassemblement (suite ci-dessous).
Pedro Sanchez
Arrivé deuxième aux législatives de juillet derrière le chef de file de la droite Alberto Núñez Feijóo (PP), le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018, est parvenu à être reconduit jeudi après avoir négocié tous azimuts pour obtenir le soutien de formations régionalistes, dont les partis indépendantistes catalans.
En échange de leurs voix, indispensables à la formation d’une majorité, il a accepté plusieurs concessions, dont l’adoption prochaine d’une très polémique loi d’amnistie pour les dirigeants et militants séparatistes poursuivis notamment pour leur implication dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017.
L’extrême droite présente“Ils savent qu’ils n’ont pas les votes pour faire ce qu’ils sont en train de faire. Voilà pourquoi nous leur disons avec cette manifestation”, a déclaré Alberto Núñez Feijóo, accusant Pedro Sanchez d’élever les Espagnols “les uns contre les autres”.
Également présent à la manifestation, le leader du parti d’extrême droite Vox Santiago Abascal a quant à lui estimé que cette loi était “aussi grave qu’un coup d’État”. Les deux dirigeants ne sont pas apparus l’un au côté de l’autre, bien que M. Feijóo ait tenté en septembre d’être investi comme Premier ministre avec le soutien de M. Abascal, sans parvenir à obtenir une majorité a
“Message envoyé à l’UE”
Mariana (qui ne souhaite pas donner son nom de famille), entrepreneuse de 51 ans, est venue spécialement de Saragosse (nord-est) pour protester “contre l’amnistie”: “Je crois que le combat commence maintenant. Il faut que ça se sache, c’est un message envoyé à l’Europe”, dit-elle en désignant le drapeau européen que tient son compagnon à ses côtés. Il y a dix jours, Bruxelles a de fait réclamé des explications à Madrid sur ce projet de loi d’amnistie, indiquant avoir “été contactée à ce propos par un grand nombre de citoyens”
“RIP la démocratie espagnole 1978-2023″, pouvait-on lire sur un grand drapeau espagnol tandis que d’autres pancartes appelaient l’Europe à l’aide: “Europe, aide-nous”, “Pour l’Etat de droit, SOS l’UE”, “Démocratie à vendre”.
“Où sont les socialistes?”
“Où sont ces socialistes?” a crié en choeur la foule rassemblée lorsqu’un intervenant au micro a évoqué le rejet par une partie de la gauche de la mesure. Luis Garrido, un retraité de 65 ans, se dit “socialiste mais pas partisan de Sánchez”.
Pour lui, le Premier ministre n’aurait jamais dû accepter d’être reconduit “à ce prix-là” et que “l’Espagne soit divisée de cette façon”. Sa femme Rosario Rodriguez, 62 ans, regrette qu’on “nous appelle tous des fascistes: mon mari est de gauche”, mais elle promet de “continuer à descendre dans la rue, c’est la seule manière que nous avons de nous défendre”.
Depuis deux semaines, des manifestations ont eu lieu tous les soirs devant le siège du Parti socialiste à Madrid, et certaines d’entre elles ont dégénéré, donnant lieu à plusieurs dizaines d’interpellations
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