Jeux olympiques 2024: à Tahiti, la tour du surf crée des remous
Conditions d’attributions de marchés, réquisitions de logements étudiants contre de faibles compensations… L’organisation des Jeux olympiques 2024 dans la capitale ne manque pas de polémiques. Elle fait même des vagues… à Tahiti, où auront lieu les épreuves de surf. La construction d’une nouvelle tour pour les juges sur le site de compétition de Teahupo’o provoque l’inquiétude des associations et des riverains locaux sur l’intégrité de l’écosystème marin.
Paris 2024 a beau avoir une ambition environnementale élevée, ses choix d’aménagement de sites ne sont pas épargnés par des polémiques, en particulier dans les lieux symboliques comme Tahiti, où les conditions de la tenue des épreuves de surf à Teahupo’o, du 27 au 30 juillet 2024, ont provoqué la mobilisation des défenseurs de la préservation du lagon. L’objet de leur préoccupation : la tour prévue pour accueillir le jury de la compétition, qui provoquerait trop de dégâts sur l’écosystème sous-marin.
En aluminium, d’une hauteur de trois étages et de 14 m de haut, cette tour, bâtie à environ 250 mètres de la fameuse vague, remplacerait la tour en bois démontable utilisée depuis 2008 lors de l’étape du circuit annuel de la Coupe du monde de surf. Le nouvel équipement, laissé en héritage des Jeux, serait modernisé, avec un local technique climatisé pour le raccordement à internet et des toilettes munies d’un système d’évacuation, le tout raccordé à la terre par une canalisation sous-marine de 800 mètres et de 20 cm de diamètre.
Miser sur la transparence
Coût estimé du projet : 4,4 millions d’euros. Mais le coût est encore plus important pour la nature, estiment les associations locales de lutte pour l’environnement. Cette tour va en effet nécessiter des fondations en béton et donc un forage sous l’eau, nuisible à la barrière de corail. La mythique vague pourrait aussi être affectée, comme la biodiversité, car certaines espèces de poissons typiques de la Polynésie pourraient ne pas survivre aux travaux. Bref, un impact global jugé démesuré pour seulement quatre jours d’épreuves.
Face à cette opposition, le Comité d’organisation des Jeux se veut rassurant, mais dit aussi qu’il n’a pas le choix. « Question de sécurité et de mise aux normes », explique le patron du Comité d’organisation des Jeux, Tony Estanguet. La tour en bois, jusqu’alors utilisée, ne respecte plus la réglementation propre à l’archipel et le cahier des charges strict du CIO sur le nombre d’officiels nécessaires sur site et les moyens techniques pour la qualité de retransmission de la compétition.
Des garanties ont certes été données : un bureau d’études spécialisé en environnement marin a mené la réflexion sur le nouvel édifice, et les entreprises prestataires ont misé sur la transparence en présentant les modalités du futur chantier. Et Paris 2024 l’assure : le projet reste encore améliorable pour répondre aux préoccupations des habitants. Mais si le président polynésien Moetai Brotherson et certains dirigeants d’associations locales veulent bien y croire, la colère d’une partie de la population reste bien réelle.
Rénover l’existant
Une manifestation a rassemblé 400 personnes à Teahupo’o le 15 octobre dernier. Le lendemain était lancée une pétition qui a recueilli près de 127 000 signatures à ce jour. Encore plus populaire, l’alerte lancée par le surfeur professionnel Matahi Drollet via une vidéo sur Instagram vue près de 8 millions de fois. La revendication est simple : rester sur le principe de la tour en bois en la rénovant sur les plots existants, en misant sur les panneaux photovoltaïques pour l’alimentation en énergie, le Wifi pour les communications et des toilettes sèches.
Quelle option prévaudra, en fin de compte, compte tenu du délai imparti avant les Jeux ? Un groupe de travail local devrait rendre de nouvelles conclusions dans quelques jours, en espérant trouver un compromis qui éviterait une lame de fond de protestations.