Nous rapprochons-nous d’une Troisième Guerre mondiale?
Reprise du conflit israélo-palestinien, guerre en Ukraine, menace militaire autour de Taïwan, relations privilégiées entre la Russie et la Chine, campagne électorale mouvementée en vue aux États-Unis… Les ingrédients d’une nouvelle guerre mondiale? Sven Biscop, professeur de politique internationale (UGent) fait le point auprès de nos confrères de Het Laatste Nieuws
Lorsque j’ai vu les images des attaques du Hamas le week-end dernier, j’ai été très choqué, comme tout le monde, mais j’ai aussi immédiatement songé à l’impact que cela aurait sur nous et sur le reste du monde”. C’est dans les bureaux de l’Institut Egmont, au cœur de Bruxelles, que le professeur Sven Biscop (47 ans) mène l’essentiel de ses réflexions. Avec ses collègues, il suit et analyse la politique internationale pour le ministère des Affaires étrangères.
La plupart des analyses qui ont défilé au cours de la semaine écoulée paraissent plutôt sombres. Selon certains observateurs, la reprise du conflit entre Israël et la Palestine pourrait être un tremplin vers une guerre mondiale. Un scénario crédible?Je vais à l’encontre de cette hypothèse. La tentation est grande de réagir sous le coup de l’émotion ou de la panique dans ces moments-là, d’évoquer de “grands bouleversements”, alors qu’il faut garder un regard critique sur ce qui se passe. Oui, il y a beaucoup de crises et de guerres qui se conjuguent, mais la situation n’est pas unique. Dans les années 1990, il y a eu la guerre du Golfe en Irak et au Koweït, la guerre civile en Algérie, l’Intifada en Palestine et la guerre en Yougoslavie. Une époque de fortes turbulences que nous avons traversée (…) Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas s’inquiéter ou qu’il convient de tout relativiser.L’historien britannique Mark Almond estime que nous vivons actuellement un “glissement de terrain géopolitique” et l’ancien colonel Roger Housen parle d’un moment qui va changer le monde, à l’instar des attentats contre les tours jumelles à New York le 11 septembre 2001.Cette comparaison avec le 11 septembre est un peu exagérée. C’est vrai, les Israéliens sont aussi choqués aujourd’hui que les Américains à l’époque. Ils ne s’attendaient pas à être attaqués d’une manière aussi horrible. Mais l’influence sera-t-elle aussi grande qu’en 2001? Je n’en suis pas si sûr. Le monde a changé après le 11 septembre, principalement parce que les Américains ont lancé une “guerre mondiale” contre le terrorisme. Ils ont envahi l’Irak et l’Afghanistan.
L’impact du conflit Israélo-palestinien se limite pour l’instant à Israël et à la Palestine (…) Si Israël décidait d’attaquer l’Iran, alors nous nous retrouverions dans une tout autre situation. Mais rien n’indique que ce soit le cas pour l’instant.Ce qui se passe actuellement au Proche-Orient peut-il avoir des répercussions sur le conflit en Ukraine?Je n’entrevois pas de conséquences négatives graves pour l’Ukraine. Israël dispose d’une armée moderne et n’a pas besoin dans l’immédiat de nombreuses armes supplémentaires. Supposons que la guerre se prolonge pendant une longue période ou qu’elle dégénère en un conflit régional plus vaste, alors vous pourriez avoir un autre impact. Je ne vois pas les États-Unis mener une réflexion du genre ‘Ce que nous pensions livrer à l’Ukraine, nous allons plutôt l’envoyer vers Israël’. Plus d’attention sera consacrée au conflit israélo-palestinien, mais cela ne contribue pas à changer la donne en faveur de Poutine.