L’Iran et les États-Unis procèdent à un échange de prisonniers

Après plusieurs mois d’attente, Téhéran a finalement annoncé l’échange de prisonniers entre l’Iran et les États-Unis et le déblocage de 6 milliards de dollars de fonds iraniens retenus dans plusieurs pays.

Cinq ex-prisonniers américains en Iran sont arrivés ce lundi à Doha en provenance de Téhéran, puis ont pris la direction de Washington, en application d’un accord d’échange de détenus avec les États-Unis conclu avec la médiation du Qatar. L’avion qatarien a atterri sur le tarmac de l’aéroport international de Doha vers 14h40 GMT (17h40, heure locale). Il transportait à son bord « les cinq prisonniers et deux membres de leur famille, accompagnés par l’ambassadeur du Qatar » en Iran, avait indiqué plus tôt une source proche du dossier sous couvert d’anonymat. 

Les anciens prisonniers sont descendus de l’appareil et ont été accueillis sur le tarmac par des accolades. Puis, quelques heures plus tard, ils ont plié bagage pour se rendre à Washington, a de nouveau révélé une source anonyme. Parmi eux figure l’homme d’affaires Siamak Namazi, arrêté en 2015 et condamné à dix ans de prison en 2016 pour espionnage. « Merci président Biden d’avoir fait passer la vie humaine avant la politique », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Au préalable, un transfert de fonds iraniens gelés en Corée du Sud, d’un montant de six milliards de dollars, a été annoncé à Doha et confirmé par l’Iran. « Aujourd’hui, l’équivalent de 5 573 492 000 euros a été déposé sur le compte des banques iraniennes auprès de deux banques qatariennes », a précisé à Téhéran, Mohammadreza Farzin, gouverneur de la Banque centrale iranienne.

La somme correspond à des achats de pétrole iranien en 2018 par la Corée du Sud, précise notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Elle était jusqu’ici gelée en vertu des sanctions américaines depuis la fin de l’accord nucléaire. Ces fonds ne serviront qu’à des dépenses humanitaires, assure-t-on à Washington. Mohammadreza Farzin a ajouté que son pays avait l’intention de saisir la justice contre la Corée du Sud pour ne pas avoir autorisé Téhéran à accéder à ces fonds et demander des dommages à la suite de leur dépréciation.

Relatif apaisement

Ce transfert fait partie de l’accord, qui prévoit également la libération par les États-Unis de cinq prisonniers iraniens. Deux d’entre eux, bénéficiant d’une mesure de clémence, sont eux aussi arrivés lundi à Doha, pour retourner en Iran, ont indiqué lundi des médias iraniens. Les trois autres ex-prisonniers libérés ne souhaitent pas aller en Iran. Parmi les cinq Iraniens devant être libérés par les États-Unis, figurent Reza Sarhangpour et Kambiz Attar Kashani, accusés d’avoir « détourné les sanctions américaines » contre l’Iran.

Cet arrangement avait été annoncé le 10 août et cinq Américains d’origine iranienne, détenus en Iran, avaient ensuite été transférés en août de leur prison pour être placés en résidence surveillée. Aux yeux de certains experts, cet accord témoigne d’un relatif apaisement des tensions entre l’Iran et les États-Unis, mais il ne préjuge pas d’un possible accord sur le dossier du nucléaire iranien. Des négociations menées par les Européens n’avaient pas réussi en 2022 à raviver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, moribond depuis le retrait unilatéral des États-Unis en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

Cette annonce intervient alors que le président iranien est en route pour New York pour participer à l’Assemblée générale des Nations unies. Avec cet accord et le déblocage de milliards de dollars de fonds iraniens à l’étranger, le gouvernement du président Raissi veut montrer que les perspectives d’une amélioration de la situation économique et d’une baisse des tensions avec les États-Unis sont désormais à portée de main.

Colère des Républicains

En revanche, côté américain, l’opération ne fait pas l’unanimité. L’accord est critiqué depuis plusieurs jours, notamment par les Républicains qui accusent l’administration Biden d’avoir négocié avec un État qui soutient le terrorisme. « La leçon que va retenir Téhéran c’est qu’il y a un intérêt à faire encore plus de prisonniers américains », a dénoncé Mark Esper.

La présidence américaine fait savoir que cet accord ne change rien à son opposition aux actions de la République islamique et aux sanctions. Elle présente le retour des Américains injustement détenus à l’étranger comme une priorité, une question d’humanité selon le secrétaire d’État, Anthony Blinken : « la libération de ces Américains injustement emprisonnés si longtemps en Iran, cela veut dire des maris et des femmes, des enfants et des parents à nouveau réunis. »

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En 2015, l’administration Obama avait négocié des libérations de prisonniers américains en Iran dans des conditions similaires et, là aussi, les Républicains avaient dénoncé une capitulation face au régime des mollahs.

L’image de l’arrivée des prisonniers américains à Doha à bord d’un avion de la Qatar Airways offre en tout cas un nouveau coup de projecteur sur le rôle de médiateur du Qatar. « Nous espérons que cet accord entre les États-Unis et l’Iran ouvrira la voie à davantage d’ententes », a déclaré le Premier ministre qatarien, Mohammed bin Abdulrahman Al Thani.

Ce n’est pas la première fois que le Qatar sert de médiateur aux États-Unis, rappelle notre correspondant régional, Nicolas Keraudren. L’émirat, qui héberge une importante base militaire américaine, avait déjà joué un rôle crucial en 2021 lors de la fin de l’intervention militaire américaine en Afghanistan. Un an plus tard, le Qatar avait d’ailleurs été classé comme « allié majeur hors de l’Otan » par Washington.

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Quid des prisonniers français en Iran ?

L’Iran retiendrait encore une dizaine d’occidentaux, dont cinq Français. Parmi lesquels Cécile Kohler, une enseignante et syndicaliste française, arrêtée avec son compagnon Jacques Paris en mai 2022, lors d’un séjour touristique en Iran. Ils sont accusés d’espionnage et Cécile Kohler avait été obligée de faire des aveux forcés à la télévision iranienne. Ils pourraient être jugés prochainement. Louis Arnaud, un consultant de 35 ans, a été arrêté il y a près d’un an alors qu’il visitait le pays. Il est incarcéré dans la prison d’Evine à Téhéran. Ses premiers mois de détention ont été particulièrement durs, selon ses parents. Un autre Français est emprisonné en Iran sans que l’on connaisse son identité. Enfin, la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, qui avait été arrêtée en 2019 et condamnée à 5 ans de prison pour atteinte à la sécurité nationale, a été libérée en février dernier mais elle ne peut pas quitter le territoire iranien. Ces détenus sont considérés par les autorités françaises comme des otages d’État. Paris affirme continuer à agir pour obtenir leur libération. 

(Avec AFP)

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