Inondations en Libye: la ville de Derna pleure ses morts, l’ONU lance un appel de fonds
Secouristes et volontaires s’activent pour retrouver des milliers de personnes portées disparues à Derna, après des inondations qui ont dévasté cette ville côtière de l’est de la Libye. Selon l’ONU, qui a lancé un premier appel de fonds de plus de 71 millions de dollars pour venir en aide aux 250.000 personnes les plus touchées, on ne connaît « toujours pas l’étendue » de la catastrophe humanitaire.
Le déferlement d’eau dans la nuit de dimanche à lundi a rompu deux barrages en amont, provoquant une crue éclair de l’oued qui traverse la ville et des flots de plusieurs mètres de haut, selon des habitants.
Selon un photographe de l’AFP sur place, le centre ville de Derna ressemble désormais à un terrain aplati par un rouleau compresseur. Les arbres ont été déracinés, les immeubles et les ponts détruits.
Ces images montrent en haut un quartier de Derna, en Libye, le 1er juillet 2023, et en bas, la même zone le 13 septembre 2023, après des inondations. @Image satellite ©2023 Maxar Technologies via AP.
Les dégâts sont considérables et les autorités craignent un bilan humain très lourd dans la ville qui comptait 100.000 habitants avant la catastrophe.
Plus de 2600 morts
Des ministres du gouvernement de l’est libyen avancent des bilans différents, mais dépassant les 2.600 morts, et les autorités craignent que ce chiffre ne grimpe au vu du nombre de disparus.
Des habitants racontent que des centaines de corps gisent encore sous les tonnes de boue et de décombres.
« L’eau était chargée de boue, d’arbres, de morceaux de fer, les flots ont parcouru des kilomètres avant d’envahir le centre de la ville et emporter ou ensevelir tout ce qui se trouvait sur leur chemin » témoigne auprès de l’AFP Abdelaziz Bousmya, 29 ans, qui vit dans le quartier de Chiha, épargné par les inondations.
6.000 sacs mortuaires
Depuis, des dizaines de corps sont découverts chaque jour et enterrés parfois dans des fosses communes. D’autres sont toujours coincés dans des maisons ou ont été emportés vers la mer qui en a rejeté des dizaines, faisant craindre des épidémies liées à la décomposition des cadavres, selon les autorités sanitaires.
Le nombre de sacs mortuaires distribués dans la ville illustre l’étendue du drame.
Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué à lui seul en avoir fourni 6.000.
De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir commencé à fournir une aide alimentaire à plus de 5.000 familles déplacées par les inondations, précisant que des milliers de familles à Derna sont « sans nourriture ni abri ».
Des équipes de recherche fouillent les rues, les bâtiments détruits et même la mer à la recherche de corps à Derna, le 14 septembre 2023. @Photo AP/Yousef Murad.
L’ONU, les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont promis d’envoyer de l’aide. Des équipes de secours étrangères sont déjà à l’oeuvre à la recherche d’éventuels survivants.
La Libye est plongé dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, avec deux gouvernements rivaux, l’un reconnu par l’ONU basé dans la capitale Tripoli, à l’ouest, l’autre dans la région orientale touchée par les inondations.
Derna s’est retrouvée à plusieurs reprises sous la coupe de groupes islamistes et djihadistes, avant que le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen, n’impose en 2018 un siège et une guerre de plusieurs mois contre ces groupes.
Depuis, ce sont les forces loyales à M. Haftar qui contrôlent la ville dont les infrastructures avaient été endommagées par les combats.
La plupart des morts à Derna « auraient pu être évitées », a estimé jeudi Petteri Taalas, patron de l’Organisation météorologique mondiale qui dépend de l’ONU. Les années de conflit en Libye ont « en grande partie détruit le réseau d’observation météorologique », tout comme les systèmes informatiques, a-t-il déclaré à Genève.
Vue générale de la ville de Derna, le 12 septembre 2023. @(Photo AP/Jamal Alkomaty.
Appel urgent de fonds de l’ONU
L’ONU a lancé un premier appel à des fonds de plus de 71 millions de dollars pour venir en aide immédiatement aux quelque 250.000 personnes les plus touchées par les inondations catastrophiques en Libye, qui ont fait des milliers de morts.
Les partenaires humanitaires demandent 71,4 millions de dollars « pour répondre aux besoins les plus urgents de 250.000 personnes ciblées sur les 884.000 personnes estimées dans le besoin, au cours des trois prochains mois », souligne un appel d’urgence lancé par le Bureau de coordination humanitaire de l’ONU (OCHA) jeudi.
« Cet appel pourra être mis à jour dès que des informations supplémentaires seront disponibles », précise l’agence de l’ONU en charge des réponses aux urgences humanitaires.
Mercredi, le patron de l’OCHA Martin Griffiths avait déjà débloqué dix millions de dollars d’un fonds d’urgence en faveur des victimes en Libye.
« Nous sommes tous mobilisés pour apporter autant d’aide et de soutien que possible aux gens », a souligné M. Griffiths dans un communiqué.
L’ONU est sur le terrain et nous déployons une équipe solide pour soutenir et financer la réponse internationale, en coordination avec les premiers intervenants et les autorités libyennes.
Martin Griffiths, patron de l’OCHA
La Tempête Daniel a provoqué des pluies torrentielles qui ont fait céder deux barrages en amont de la ville de Derna, dans l’est de la Libye, dans la nuit de dimanche à lundi.
La ville de 100.000 habitants a vu des pâtés entiers de maisons emportés par un véritable mur d’eau.
L’accès à la zone sinistrée reste très difficile après la destruction de routes et de ponts, ainsi que les dommages causés aux lignes électriques et téléphoniques coupées dans de vastes zones, où au moins 30.000 personnes se sont retrouvées sans abri.
Outre l’ONU, les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont promis d’envoyer de l’aide. Des équipes de secours étrangères sont déjà à l’oeuvre à la recherche d’éventuels survivants ou de victimes.