Pakao Dassilamé  – Darou Salam : Un village de chasseurs entouré de mysticisme

Le village de Darou Salam, communément appelé par les mandingues « Pakao Dassilamé», fut fondé à la fin du 16e  siècle par le chasseur Karim Siaka Dramé. Ce grand maître chasseur est originaire de Souna Karantaba, localité située dans l’actuel département de Goudomp. Pakao Dassilamé, un village religieux et historique.

Par Abdoulaye SADIO (Correspondant)

SÉDHIOU– Bordé de grands arbres, de rizières luxuriantes, d’une forêt très touffue de lianes, la route qui sépare Pakao Dassilamé de Sakar, sur une distance de 6 kilomètres, est latéritique. Cette localité regorge d’importantes potentialités qui reflètent son histoire sur tous les plans. Les rizières et la forêt permettent aux populations de cette zone de s’adonner activement aux activités agricoles. Mais, avant tout, Pakao Dassilamé renferme une histoire connue de tous. Village typiquement composé d’une seule ethnie (les Mandingues) où effectivement se trouve aussi une seule et unique religion : l’islam.

Dassilamé est un village mystique et historique où naquit le grand érudit de l’islam, connu sous le nom d’Ibrahima Sylla, appelé par son pseudonyme Syllaba, qui veut dire en langue mandingue « le grand Sylla ». Ce dernier a combattu les Baynouks païens de la province de Mandouwar en 1843. Mandouwar est une localité sise entre le village de Babadi et Pakao Dassilamé. Il est rayé de la carte du Sénégal depuis le 19e siècle, selon Abdou Khadre Sylla, enseignant et descendant du marabout. « Les Païens Baynouks ont été combattus par le vénéré Ibrahima Sylla, car ils avaient l’habitude de faire des razzias sur le bétail du peuple mandingue de Dassilamé. Avant de les combattre, il avait d’abord utilisé des secrets mystiques. Sylla avait envoyé un émissaire, venu de la Gambie, dénommé Bonouwa au village de Mandouwar habité par les Baynouks, supposés être les premiers habitants de la Casamance. L’émissaire s’était comporté en malade mental et avait aspergé de l’eau bénite les neufs puits de la province de Mandouwar. Suite à l’accomplissement de sa mission, le pseudo fou avait disparu à jamais de cette zone », explique Abdou Khadre Sylla. Et d’ajouter : « Ceux qui avaient l’esprit cartésien, avaient pris la fuite avec leurs progénitures avant qu’on ne les trouve sur les lieux. Et durant sept ans, le marabout avait déclaré une farouche guerre au peuple de Mandouwar et au cours des affrontements, beaucoup de païens Baynouks avaient perdu la vie ».

Pakao Dassilamé est aussi un village où beaucoup d’érudits, à l’instar de Chérif Sidy Aïdara, et tant d’autres, ont séjourné. Il a vécu pendant de longues années dans la localité avant de s’implanter à Sibicouroto.

Après la mort d’Ibrahima Sylla, son fils Fodé Aliou Sylla a pris le flambeau. Selon Abdou Khadre Sylla, Fodé Aliou Sylla est un grand érudit de la charia, qui appliquait cette loi à son peuple. « Les scènes se déroulaient sous un tabatier que l’on appelait le ‘’tabatier de la charia’’. Ce grand arbre touffu, séculaire, existe encore. On coupait la main des gens s’ils avaient volé quelque chose. Cette séance avait existé jusqu’à l’avènement de la colonisation », indique Abdou Khadre Sylla.

Actuellement, quelques 3000 milles âmes vivent à Dassilamé qui a été dirigé, depuis la fin du 16e siècle jusqu’à aujourd’hui, par 13 imams et 15 chefs de village, selon Madoukéba Dramé, un natif de la localité, par ailleurs enseignant en langue arabe à Direct Aid Society de Sédhiou. « Nous avons connu 13 imams et 15 chefs de village. La chefferie a toujours été assurée par la famille Dramé, tandis que l’imamat est géré en majeure partie par les Sylla », indique-t-il.

L’enseignement coranique occupe une place de choix à Pakao Dassilamé, malgré la présence de l’école française depuis 1962. « Le village compte beaucoup de daaras. Il en existe au sein de chaque famille. Bien que l’enseignement coranique a gagné du terrain à Dassilamé, l’école française s’est bien implantée et a formé plusieurs cadres », fait savoir Diaminty Dramé, marabout résident à Dassilamé.

Cette politique d’implantation de l’école française a été menée par les responsables politiques de la Casamance, à l’instar du Sénateur, Ministre et Maire de Sédhiou de l’époque, Ibou Diallo. « C’est ce dernier qui avait approché le marabout Fodé Aliou Sylla et lui avait expliqué l’importance de l’école française. Quand le guide religieux avait inscrit ses enfants à l’école, les autres ont suivi. Mais, cela n’avait pas entaché le processus d’islamisation dans la zone du Pakao. Nous avons collaboré dans une parfaite harmonie. Dans le village, il y a beaucoup d’enseignants, de médecins, d’émigrés, de journalistes et tant d’autres », avance le marabout Diaminty Dramé.

On ne peut pas parler de la dimension religieuse de Pakao Dassilamé en mettant de côté son mysticisme. C’est un village à la fois religieuse et mystique. Selon Arfang Karamo Sylla, « Pakao Dassilamé a connu des incendies répétitifs durant plusieurs décennies. Les feux ravageaient fréquemment tout le village ». Quand le fondateur du village, Karim Siaka, désherbait la zone pour y habiter, les forces invisibles lui avaient prédit de ne pas brûler les trois derniers tas issus du désherbage. Il n’avait pas suivi les recommandations. « Selon la croyance populaire, c’est pour cette raison que le village connaît souvent des incendies répétitifs », indique Diaminty Dramé.

Aujourd’hui, la plupart des jeunes de cette localité s’adonnent à des activités de résilience (l’agriculture, le maraîchage, le petit commerce, etc.,). C’est ce qui a fait que la municipalité de Sakar a implanté un grand périmètre maraîcher pour empêcher les jeunes de céder aux sirènes de l’émigration irrégulière.

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