Les «nouvelles routes de la soie» en Afrique: l’heure du scepticisme?

Quatrième épisode de notre série « nouvelles routes de la soie, dix ans après ». Des centaines de « méga-projets » financés par Pékin ont vu le jour en Afrique où ils suscitent l’optimisme des populations mais aussi parfois le scepticisme. Le partenariat « gagnant-gagnant » vanté par la Chine a-t-il réellement profité aux pays partenaires ? Réponse au Kenya, en Zambie, en Ouganda et au Sénégal, où Albane Thirouard, Romain Chanson, Lucie Mouillaud et Théa Olivier ont emprunté ces « nouvelles routes de la soie ».

Au Sénégal, un data center équipé par le géant chinois Huawei

Cap à l’ouest du continent, où les « nouvelles routes de la soie » atteignent le Sénégal. Dans le pays, l’influence de la Chine est numérique. Hautes barrières, fils électrifiés, gendarmes à l’entrée. Le très sécurisé data center se trouve au milieu des chantiers de Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de Dakar. Inauguré en juin 2022, ce centre a été financé par la coopération chinoise.

Derrière une porte sécurisée, se trouve le cœur du data center. Au milieu d’une salle de 250 m2, trois conteneurs – des modules confinés dans le jargon – renferment des serveurs qui stockent les précieuses données. 80 à 90% d’entre elles viennent des ministères, des agences nationales, des mairies ou des préfectures, le reste venant du privé.

Certains serveurs sont marqués d’un logo Huawei. Le géant du numérique chinois soupçonné d’espionnage par les États-Unis a en effet équipé le data center. Seydi Cheikh Fall est le responsable de la maintenance et du support. « Il n’y a pas forcément que du Huawei, il y a aussi du Nutanix, du Cisco… L’idée c’est d’avoir un mix qui permet de casser le monopole et de ne pas dépendre d’un constructeur. Côté sécurité, ça permet de ne pas s’ouvrir lorsqu’il y a des attaques qui visent ces failles-là. »

Compte tenu de la sensibilité des données, Ousmane Bop, manager des lieux, se veut rassurant sur le choix de travailler avec Huawei. « Huawei est intervenu uniquement dans la construction du data center, dans l’exploitation Huawei n’intervient pas du tout, assure-t-il. On fait un travail d’homologation et de normalisation. La normalisation permet de voir tous les équipements installés au niveau du site, de les tester, de voir les failles et d’être sûrs qu’ils peuvent accueillir les services de nos clients ».

Il est clair que la question de la dépendance numérique se pose

En plus du data center, la Chine a installé 4 500 km de fibre optique au Sénégal, construit les réseaux 3G et 4G, et peut-être bientôt la 5G. Cela fait de Pékin le principal partenaire étranger dans le secteur mais pas le seul explique, Cheikh Bakhoum, directeur général de Sénégal Numérique. 

« Nous avons reçu des investissements de la Chine, mais également d’autres pays, comme Israël, les États-Unis, ou ceux de l’Union européenne. Aujourd’hui, la Chine est un des acteurs majeurs avec qui nous travaillons dans le domaine du numérique. Mais au Sénégal, il n’y a pas d’exclusivité. Nous sommes ouverts à tous les pays. »

Nous terminons notre route africaine de la soie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, à la rencontre d’Ibrahima Niang, spécialiste des relations Chine-Sénégal. « Les groupes qui étaient avant présents sur le marché tels qu’Alcatel, ou Ericsson ne le sont plus parce que Huawei est parvenu à gagner des parts de marché. Il est clair que la question de la dépendance numérique se pose à partir de ce moment », explique-t-il.

Pour les pays africains intégrés aux « nouvelles routes de la soie », la dépendance est avant tout d’ordre économique. Plusieurs observateurs estiment que la Chine peut tout à fait être un partenaire choisi, mais qu’elle ne doit pas être le seul, au risque pour ces États africains de rester en marge des chaînes de valeur et du commerce mondial. RFI

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