Émigration irrégulière par voie maritime : la saignée ne s’estompe pas

Le sauvetage au Cap-Vert, de 38 migrants, avant-hier mardi, de la pirogue ayant pris départ à Fass Boye, le 10 juillet dernier, avec à son bord 101 personnes, est un drame de plus enregistré chez les candidats à l’émigration irrégulière. Preuve que le phénomène de la migration irrégulière par voie maritime, avec son corolaire de morts, ne s’arrête pas.

Après plusieurs semaines de détresse en mer, la pirogue de Fass Boye a été retrouvée au Cap-Vert. La centaine d’occupants au départ n’a laissé place qu’à des cadavres, au nombre de sept, 56 des portés disparus et des rescapés mal en point. Perdus dans l’océan, les voyageurs infortunés ont passé plus d’un mois dans la mer. Selon le site infomigrants, l’embarcation a été repérée lundi à environ 150 milles nautiques (277 km) de l’île de Sal, par un navire de pêche espagnol qui a alerté les autorités cap-verdiennes.

Dans un communique, les autorités sénégalaises confirment l’information. «Le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur (MAESE) informe qu’une pirogue transportant des migrants sénégalais a été secourue aux larges des côtes Cabo Verdiennes, ce jour du 15 août 2023. Selon les témoignages des rescapés qui sont au nombre de 38 (dont un Bissau-guinéen), actuellement pris en charge dans l’île de Sal, cette embarcation a quitté la localité de Fas Boye, dans la région de Thiès, le 10 juillet dernier, avec 101 personnes à son bord. Le MAESE, en relation avec les autorités Cabo Verdiennes compétentes, a pris les dispositions nécessaires pour leur rapatriement dans les meilleurs délais», déclare le MAESE.

La pirogue semble avoir dérivé jusque dans cette zone, située à l’écart de la route des Canaries, à environ 500 km de Dakar. Il faut généralement entre quatre (4) et sept (7) jours pour parcourir les quelques 1700 km qui séparent les côtes sénégalaises des Canaries. Selon toujours infomigrants, la route migratoire des Canaries connaît ces dernières semaines un regain d’activités au départ du Sénégal et de la Gambie. En moins de trois mois, ce sont près de 17 embarcations qui ont quitté les côtes sénégalaises, a précisé Ahmadou Bamba Fall, coordonnateur de l’ONG sénégalaise «Village du migrant» au quotidien espagnol El Pais.

Pis, selon les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, rapportés par le site d’information, 12.704 migrants sont arrivés de façon irrégulière en Espagne, au premier semestre 2023, dont une majorité (7213) aux Canaries. Un chiffre néanmoins en baisse de 11,35% par rapport à la période correspondante de 2022. Seulement, force est de relever que derrière ces rescapés qui ont réussi à gagner les côtes espagnoles, plusieurs centaines voire des milliers de candidats à l’aventure périlleux sont morts ou portés disparus dans l’océan atlantique ou la mer méditerranéenne.

UNE SITUATION DE MAL EN PIS

Ce nouveau drame de l’émigration irrégulière témoigne que le voyage risqué vers l’Europe n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. Déjà, le samedi 12 août, une pirogue partie de Fass Boye avait été sauvé à Dakhla, avec à son bord 130 candidats à l’émigration irrégulière. Alors que de nouvelles opérations de rapatriement de migrants sénégalais du Maroc ont permis de convoyer un nouveau groupe de 208 candidats ayant quitté Dakhla, samedi dernier, à destination de Rosso (Saint-Louis). Pendant ce temps, neuf (09) dépouilles de migrants sénégalais, recensées dans la morgue d’une structure hospitalière au Maroc, attendent d’être rapatriés au Sénégal, selon le Consulat général du Sénégal.

Début août également, une embarcation partie de Fass Boye avait été secourue à Dakhla, au Maroc. Elle transportait 79 personnes. Des jours avant, le 24 juillet, le chavirement d’une pirogue à Ouakam avait causé au moins 16 morts dont un corps repêché le lendemain du drame. De même, au moins 14 personnes sont mortes à la mi-juillet lorsqu’une pirogue a chaviré au large de Saint-Louis du Sénégal, près de la frontière avec la Mauritanie… La saignée semble encore loin de s’estomper.

Et les nombreux projets et programmes développés par l’Etat et ses partenaires, notamment européens, pour endiguer le mal et contenir les jeunes dans les terroirs ne découragent toujours pas les candidats. Malgré la mise en place de l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes, de l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA) avec ses fermes familiales et «Natangué», du Programme des domaines Agricoles Communautaire (PRODAC) et du Programme d’urgence pour l’insertion socioéconomique et l’emploi des jeunes «Xëyu ndaw ñi», une initiative du président Macky Sall en réponse aux besoins d’emploi des jeunes,  sans occulter les financements de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ), l’accompagnement du Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique (3FPT) et une «caution» du Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP), les pirogues à destination de l’El Dorado européen ne désemplissent toujours pas. En plus de l’inefficacité de ces initiatives qui ont montré leur limite, du qu’elles sont souvent plus destinées à une clientèle politique, le manque de perspective d’avenir et la conjoncture et la vie chère également motivent de nombreux départs. Et ce ne sont pas FONTEX et les Forces de défenses et de sécurité (FDS) qui y mettront fin, de sitôt.

Fatou NDIAYE

SUDQUOTIDIEN

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