Equateur: un débat entre candidats marqué par l’assassinat de Villavicencio
Dimanche soir, les candidats à la présidentielle du 20 août avaient rendez-vous pour un débat important, dans un contexte tendu en raison de l’assassinat en milieu de semaine dernière de l’un des candidats à ce scrutin, Fernando Villavicencio. Son parti, Construye, n’était pas représenté au débat.
Le débat présidentiel de dimanche était particulièrement important car la campagne électorale a été courte en raison de la dissolution du Parlement et de l’organisation de nouvelles élections générales anticipée par le président Guillermo Lasso. Mais la présence de quelque 270 mouvements politiques a rendu inaudibles de nombreuses propositions politiques et l’assassinat ce mercredi du candidat Fernando Villavicencio a rebattu les cartes de la campagne électorale, rapporte notre correspondant à Quito, Eric Samson.
Une minute de silence pour Villavicencio
Hier soir, le débat entre sept candidats -huit pupitres étaient dressés- a débuté après une minute de silence à la mémoire du centriste Fernando Villavicencio, abattu mercredi par un groupe de Colombiens juste avant le premier tour de la présidentielle du 20 août. Un meurtre qui s’inscrit dans un contexte de violence qui n’épargne pas les responsables politiques puisqu’un maire avait été assassiné fin juillet.
Situé entre la Colombie et le Pérou, les plus grands producteurs de cocaïne au monde, l’Equateur est confronté à une inquiétante hausse du trafic de drogue et de la violence des gangs. En 2021, le pays a saisi un record de 210 tonnes de stupéfiants et 201 tonnes l’année suivante. L’Equateur a vu en 2022 le taux d’homicides presque doubler par rapport à l’année précédente, s’établissant à 26 pour 100.000 habitants.
Le débat a donc été très marqué par les questions de sécurité. Le candidat de droite Daniel Noboa portait un gilet pare-balles, tandis que l’avocat indigène Yaku Pérez, candidat de gauche, exhibait un ruban noir sur sa poitrine, rapporte l’Agence France presse.
Dans ce contexte, le défi était particulièrement important pour la candidate pro-Correa qui a longtemps caracolé en tête des sondages, mais récemment, Luisa Gonzalez a été handicapée par certaines déclarations de son binôme présidentiel, Andrés Arauz, en faveur du Venezuela par exemple, ou d’un « équadollar », qui laissait penser à un possible abandon d’une dollarisation, pourtant plébiscitée dans le pays. L’assassinat de Villavicencio l’a aussi fait baisser dans les intentions de vote puisque le journaliste avait enquêté sur Rafael Correa, révélant un système de corruption. Elle a donc concentré ses coups dans le débat contre celui qui a un peu repris le flambeau de la lutte contre l’insécurité, le Franco-Équatorien Jan Topic. Elle a affirmé, par exemple, qu’un tireur d’élite ne peut pas être président de la République, en faisant allusion aux six ans passés par Topic à la légion étrangère. Elle a aussi attaqué ses activités d’homme d’affaires, affirmant que ses entreprises devaient 35 millions de dollars au fisc, ce que Topic a nié.
Le candidat indigène Yaku Pérez, qui était deuxième lors de la dernière élection présidentielle, a lui joué sur son soutien au référendum pour interdire l’exploitation pétrolière dans la zone amazonienne du Yasuni, mais ces propositions écologistes ne sont pas vraiment la préoccupation actuelle des Équatoriens. L’ancien vice-président, lui, Otto Sonnenholzner, insiste sur son côté raisonnable, mais qui est peut-être trop raisonnable justement à un moment d’angoisse et d’émotion collective en Équateur.
Cristian Zurita reprend le flambeau pour le parti Construye
Le parti Construye dont le candidat a été assassiné n’était pas représenté au débat, faute d’avoir obtenu l’agrément pour son candidat de la part du Conseil national électoral. Le parti avait d’abord désigné Andrea Gonzalez, la candidate à la vice-présidence aux côtés de Fernando Villavicencio avant de changer son fusil d’épaule dimanche et de choisir le journaliste Cristian Zurita, un proche du candidat assassiné. Ils ont travaillé ensemble pendant une vingtaine d’années dans plusieurs organes de presse comme El Universo ou encore Primicias. Le journaliste a regretté avoir été écarté du débat, faute de validation de sa candidature par le Conseil national électoral. Le temps de parole de son parti a été occupé par la lecture d’un hommage au candidat assassiné.
SOURCE RFI