Les défis liés aux avions de fret neufs par rapport aux P2F, selon Gediminas Ziemelis, président du groupe Avia Solutions
DUBLIN, Irlande, 31 juill. 2023 (GLOBE NEWSWIRE) — Les années de pandémie ont généré des revenus records grâce au fret aérien. Avec une offre limitée en raison de l’immobilisation des avions de transport de passagers et une demande en hausse grâce à l’essor du commerce électronique, les prix par kilogramme de fret ont grimpé en flèche. Selon les chiffres du TAC Yields publié par le Trade and Transport Group, en 2019 le fret aérien depuis Hong Kong vers l’Amérique du Nord coûtait 3,80 $/kg tandis que le prix depuis l’Europe vers l’Amérique du Nord était de 2,10 $/kg. En 2022, ces mêmes services coûtaient respectivement 9,00 $/kg et 4,50 $/kg.
Sans surprise, cette situation a transformé la position des fournisseurs de fret aérien. Les revenus du fret ont plus que doublé, passant de 100 milliards de dollars en 2019 à 210 milliards de dollars en 2021 (selon les chiffres de l’IATA), tandis que les revenus du transport de passagers ont chuté de 607 milliards de dollars par an pour tomber à 239 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires annuel de Cargolux est passé de 2,2 milliards de dollars à 5,1 milliards de dollars au cours de la pandémie, et Silkway a plus que doublé son chiffre d’affaires et a vu sa marge passer de -10 % à +30 %. Ces énormes gains, ainsi que le potentiel à long terme du commerce électronique (qui a conduit Airbus et Boeing à émettre des prévisions optimistes pour la croissance du fret aérien), ont conduit de nombreuses compagnies aériennes à se concentrer davantage sur le fret.
Cependant, l’augmentation de la capacité en soute a entraîné une nouvelle chute brutale des prix du fret. L’IATA prévoit que le rendement du fret en glissement annuel chutera de 28,6 % cette année. Cela signifie que le fret aérien, un secteur notoirement cyclique, entre à nouveau dans une période de turbulences. C’est dans ce contexte que les compagnies aériennes décident d’acheter ou non de nouveaux avions de fret.
Avions de fret neufs vs. conversions d’avions de transport de passagers en avions de fret
Les compagnies aériennes et les fournisseurs de fret aérien poursuivent des stratégies différentes lorsqu’il s’agit de renforcer leurs flottes de fret. Selon le dernier rapport de KPMG, l’année dernière, 35 commandes ont été passées pour de nouveaux avions 777-200F, 33 pour de nouveaux 777-8F, tandis que 20 fournisseurs ont acheté de nouveaux A350F. Ces commandes ont été passées à la fois par des fournisseurs de fret aérien dédiés (Cargolux, Silkway West, DHL, FedEx) et par des compagnies aériennes (Lufthansa Cargo, Qatar, Air Canada, China Airlines, EVA, Air France, Etihad, SIA et Western Global). Pendant ce temps, les conversions annuelles d’avions de transport de passagers en avions de fret (P-to-F) ont atteint des sommets historiques avec un volume estimé à 180 par an d’ici 2025, pour ensuite se stabiliser à environ 160 avions par an. Cette évolution est à mettre en regard des 70 unités par an avant la pandémie de COVID-19.
Un certain nombre de facteurs influent sur le choix d’acheter des avions de transport de fret neufs ou des avions de fret issus de conversions P-to-F. Naturellement, le coût représente un facteur majeur dont le calcul prend en compte des variables telles que le nombre total de commandes, la consommation de carburant et la maintenance, ainsi que les coûts de production initiaux. Les délais de production constituent un autre facteur clé, tout comme le volume de fret et la flexibilité.
Facteur 1 : Coûts de location
Il existe une différence considérable entre les coûts de base des avions de fret neufs et ceux des avions de fret issus d’une conversion. Le prix initial d’un tout nouveau 777-200F ou A350F est d’environ 170 à 185 millions de dollars, soit un taux de location mensuel compris entre 1,2 et 1,3 million de dollars. En regardant le carnet de commandes des compagnies aériennes qui ont effectué des achats l’année dernière, la majorité de celles-ci ont un nombre important de ces types d’avions dans leur flotte, en particulier les transporteurs mixtes. Dans ces cas, il est fort probable que le coût d’achat réel ait été bien inférieur à la fourchette de 170 à 185 millions de dollars. Les économies d’échelle positives seront également un facteur de maintien des coûts à un niveau minimum pour ces compagnies aériennes. Néanmoins, malgré ces économies, elles continueront d’envisager des taux de location mensuels de 1 million de dollars.
En revanche, la location d’un 777-300 issu d’une conversion P-to-F coûtera 0,6 million de dollars par mois, soit environ 65 millions de dollars pour l’achat ferme. Cet avion est susceptible de bien soutenir la comparaison avec ses rivaux de production, mais à une fraction du coût.
Facteur 2 : MRO et coûts d’exploitation
Les compagnies aériennes réaliseront des économies sur les P-to-F en matière de MRO. Avec l’accès au marché de l’occasion pour les pièces, l’entretien de ces avions sera considérablement moins coûteux que le maintien en service d’avions neufs.
Naturellement, outre les économies de coûts, l’accès aux pièces d’occasion peut également accélérer et simplifier le processus de maintenance pour les compagnies aériennes.
La consommation de carburant est un autre facteur à prendre en considération. Historiquement, nous avons constaté des améliorations significatives en matière de consommation de carburant lorsque des avions neufs sont mis en service. Lorsque le 777F a été introduit en remplacement du 747-400F, sa consommation de carburant de 6 800 kg/h représentait une amélioration considérable par rapport aux 10 230 kg/h consommés par le 747-400F. Cependant, avec les nouveaux 777X et A350, il est peu probable que des améliorations de la consommation de carburant correspondent à la réduction de 30 % observée en passant du 747-400F au 777F. Une évolution de l’ordre de 10 % à 15 % représente le maximum auquel nous pouvons raisonnablement nous attendre.
Dans l’ensemble, bien qu’une amélioration de la consommation de carburant et (dans certains cas) des économies d’échelle puissent atténuer le coup financier de l’achat d’un avion de fret neuf, en termes de coûts, les avions issus d’une conversion P-to-F représentent une option beaucoup plus attrayante.
Facteur 3 : Volume de livraison et flexibilité
Les nouveaux avions de transport de fret peuvent potentiellement offrir des avantages en termes de capacité de livraison et de flexibilité. Le chargement du nez en particulier offre un avantage considérable. Il permet en effet aux aéronefs de livrer des marchandises surdimensionnées telles que de gros générateurs, des moteurs, des camions et des technologies spécialisées. Fondamentalement, cette cargaison hors gabarit est lucrative, car elle offre une rentabilité plus élevée que les livraisons de palettes de taille normale.
Cependant, les nouveaux avions de fret en cours de production tels que le 777X et l’A350F ne proposent pas de chargement par le nez. Cela uniformise les règles du jeu quant aux avantages liés à un avion de fret dédié par rapport à un avion de fret issu d’une conversion, car les deux sont désormais limités à un fret capable de passer par leurs portes latérales.
Comment les avions issus d’une conversion s’en sortent-ils en termes de volume, de coefficient de remplissage et de charge utile brute ? Considérons le 777-300ERCF par rapport au 777F (qui représente actuellement la moitié de la grande flotte mondiale d’avions de fret) en utilisant les données issues d’un comparatif effectué en 2022 par Aircraft Commerce.
Alors que le 777F offre une charge utile globale plus importante de 106,6 tonnes métriques, en termes de volume, le 777-300ERCF surpasse confortablement le 777F. Le 777-300ERCF offre près de 6 000 pieds cubes de plus en termes de volume total que le 777F (28 739 pieds cubes contre 22 971). Le revenu par charge utile est également considérablement plus élevé. À 6,5 livres, il est de 186 804 pieds cubes, et à 7,5 livres, il est de 190 900 pieds cubes, ce qui est à comparer aux 149 312 pieds cubes et aux 172 283 pieds cubes du 777F respectivement. Une remarque importante s’impose néanmoins à propos de ce comparatif : c’est le volume, et non la charge utile brute, qui compte le plus dans les opérations express de commerce électronique, lesquelles sont susceptibles d’être un important moteur de croissance à l’avenir. Dans ce domaine, le 777-300ERCF offre un net avantage.
Eviter le piège des achats d’avions de fret neufs
Airbus estime que 1 040 avions de fret supplémentaires devront être ajoutés à la flotte mondiale de fret d’ici 2041 – les prévisions de Boeing sont encore plus confiantes. L’achat d’avions de fret neufs dans le but de répondre à ce besoin comporte cependant des risques importants pour les compagnies aériennes. Les prix du fret ayant fortement baissé, l’investissement CAPEX dans un A350 ou 777F neuf représente un investissement financier massif à un moment où les prix chutent rapidement. Le fait d’investir massivement dans un avion de fret neuf à 185 millions de dollars pièce aurait pu avoir du sens en 2021 lorsque les prix du fret aérien étaient à des niveaux records. Cependant, en 2023, cette démarche ne représente plus une politique prudente.
De plus, il y a peu à gagner en termes de performance et de capacité en achetant un avion de fret neuf. Les avions de fret issus de conversions P-to-F sont capables de se mesurer aux avions de fret neufs en termes de volume, et ils présentent des avantages notables en matière de maintenance et de production.
En fin de compte, les avions de fret issus de conversions représentent un risque financier beaucoup plus faible tout en permettant ainsi aux compagnies aériennes d’augmenter durablement leur capacité de fret aérien. C’est pourquoi nous constatons une croissance importante des avions issus de conversions P-to-F, tandis que les livraisons d’avions de fret neufs stagnent. À juste titre, de nombreuses compagnies aériennes ne sont pas disposées à assumer le risque financier d’un avion neuf alors que les prix chutent, et y voient peu d’avantages par rapport aux avions de passagers réhabilités.
À propos de Gediminas Ziemelis
Gediminas Ziemelis (né le 4 avril 1977) est un entrepreneur lituanien accompli, consultant en affaires, fondateur et actuel président du conseil d’administration d’Avia Solutions Group, l’un des plus grands fournisseurs mondiaux d’ACMI (services d’aéronefs, d’équipage, de maintenance et d’assurance), qui exploite une flotte de 180 aéronefs. Il a été sélectionné deux fois parmi les 40 jeunes leaders les plus talentueux de l’industrie par Aviation Week & Space Technology.
Gediminas est connu pour son esprit cosmopolite et ses compétences exceptionnelles en matière de gestion, qui ont contribué à son succès dans divers domaines d’activité. Au cours de ses 26 ans de carrière, Gediminas a fondé plus de 100 start-ups, dont 50 % sont toujours en activité, il a dirigé des entreprises à travers quatre processus réussis d’introduction en bourse/offre publique sur le marché secondaire, et a levé plus de 800 millions d’euros sur les marchés publics mondiaux des capitaux et des obligations.
En décembre 2022, Gediminas Ziemelis a été identifié par TOP Magazine comme le Lituanien le plus riche dont les actifs sont estimés à 1,68 milliard d’euros.
Gediminas est le plus grand donateur de Rimantas Kaukenas Support Group, un fonds de bienfaisance et de soutien qui apporte de l’aide aux enfants atteints de maladies oncologiques et à leurs familles. Il est également le principal actionnaire du premier club de basket-ball, les Wolves.