L’Ucad rend hommage à son ancien Recteur: Ibrahima Thioub dans l’histoire
Les participants au Colloque international en hommage au Pr Ibrahima Thioub ont salué hier, à l’unanimité, les hauts faits et les qualités intellectuelles de l’ancien Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui a consacré un demi-siècle de sa vie à l’enseignement et à la recherche.
Par Ousmane SOW – Les anciens étudiants du Pr Ibrahima Thioub, en partenariat avec l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, ont rendu un vibrant hommage à leur mentor et honoré sa carrière d’enseignant, de chercheur émérite et d’administrateur de l’enseignement supérieur. La cérémonie s’est en effet déroulée dans une bonne ambiance, en présence de nombreuses personnalités dont le ministre porte-parole chargé de la Communication de la présidence de la République, Yoro Dia, le professeur Amadou Abdoul Sow, Directeur général de la recherche et représentant du Mesri, Pr Moussa Baldé, Pr Penda Mbow, représentante du président de la République pour la Francophonie, et de nombreux recteurs et chercheurs venus d’un peu partout dans le monde. A l’unanimité, les différents intervenants qui se sont succédé au pupitre ont salué les hauts faits et les qualités intellectuelles de l’ancien Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar de 2014 à 2020. A ce propos, l’actuel Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Pr Amadou Aly Mbaye, a affirmé que l’ancien Recteur, le Pr Ibrahima Thioub, est un fervent défenseur de l’école publique. «Avec un demi-siècle d’une vie consacrée à l’enseignement et à la recherche, il a pu gravir tous les échelons du système scolaire et universitaire, passant d’instituteur à professeur d’université», souligne Pr Mbaye, lors de la cérémonie d’ouverture du Colloque international de trois jours (13, 14, 15 juillet), organisé à la salle de conférence de l’Ucad 2. De son avis, le parcours du Pr Ibrahima Thioub doit être montré en exemple. Le Pr Ibrahima Thioub, dans une quête perpétuelle de savoir, n’a jamais hésité à redevenir étudiant à chaque fois qu’il le fallait pour acquérir d’autres compétences et mieux servir son pays, a souligné le Recteur de l’Ucad. Et de poursuivre : «Monsieur le Recteur Ibrahima Thioub, l’Ucad, que vous avez servie pendant plus de trois décennies au moins, vous doit sa reconnaissance et ses centaines d’étudiants que vous avez généreusement abreuvés de savoir ont eu l’heureux sentiment de devoir vous honorer», s’est-il réjoui, tout en estimant que c’est un hommage amplement mérité. Selon Amadou Aly Mbaye, le travail du Pr Thioub est magnifié et reconnu sur d’autres cieux et d’autres universités. «Vos recherches vous ont valu une reconnaissance scientifique. Votre engagement et abnégation ont été salués par vos pairs et couronnés par des distinctions», a fait savoir Pr Mbaye, pour parler de cet historien «complet» qui n’a pas hésité à fouiller dans les marges de la société pour en révéler les ruptures et dérives.
Sens éthique et professionnel
D’après le Pr Mbaye, les qualités intellectuelles de l’homme et la finesse de ses approches lui ont permis d’aborder tous les registres de l’analyse sociale en politique, en sociologie et surtout dans l’analyse du fait religieux. A l’en croire d’ailleurs, le Pr Ibrahima Thioub a un sens éthique et professionnel rarement égalé, et son apport sur la place et le rôle des élites traditionnelles dans la traite transatlantique reste un des aspects les plus importants de son œuvre. Dans son discours, il admet que certes le passage de Ibrahima Thioub à la tête du Rectorat de l’Ucad a été marqué par quelques moments difficiles pour qui connaît l’espace académique, pour des raisons inévitables. Mais, dit-il, le professeur d’histoire avait toujours su, avec son calme olympien, proposer des solutions de sortie de crise. «Vous avez balisé le chemin avec des réformes arides et des initiatives qui m’ont beaucoup facilité la tâche quand j’ai eu l’honneur de vous succéder comme Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar», témoigne Amadou Aly Mbaye à l’endroit de son prédécesseur.
Pr Ibrahima Thioub, un modèle à suivre
De son côté, le Pr Idrissa Ba, chef du Département d’histoire de l’Ucad, est aussi revenu sur les qualités de son maître, le Pr Ibrahima Thioub. «L’homme que nous fêtons aujourd’hui est discret, modeste, doux, bon, généreux, affable, altruiste et fidèle en amitié. Un historien de talent. Un redoutable orateur. Un passeur de frontière historique, historiographique et épistémologique», a dit Idrissa Ba, qui a été de l’une des premières promotions d’étudiants encadrés par le Pr Ibrahima Thioub. Le Pr Alioune Badara Kandji, Doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines (Flsh), pour sa part, a indiqué que le Pr Ibrahima Thioub a contribué à la formation des étudiants du Sénégal, d’Afrique et d’ailleurs, mais aussi a rendu fières les différentes composantes de la Flsh. Pour lui, le Pr Thioub est un modèle à suivre. «Enseignant, il a été un excellent pédagogue. Chercheur, la qualité de ses travaux est reconnue partout et par toute la communauté scientifique. Chef de département, il a été un brillant administrateur. Recteur, il a été un bienveillant président de l’Assemblée de l’université en engageant des réformes qui font que l’Ucad continue d’être compétitive, se plaçant même première université d’Afrique francophone», fait-t-il savoir. Pour rappel, la leçon inaugurale de ce colloque a été donnée sur le thème : «Ecrire l’histoire en Afrique contemporaine.» Et pour le Pr Thioub, il y a énormément de thèmes qui essaient de croiser les thématiques de ce colloque, sur lesquels il a travaillé et formé des étudiants. «Ça va de l’histoire carcérale, de l’histoire des architectures religieuses, de l’histoire des marginalités et de l’exclusion, l’histoire de la domination à l’écriture de l’histoire, c’est-à-dire faire l’histoire de l’histoire», a-t-il conclu.
«L’université est un espace de la controverse par les idées et non par le feu»
Ce sont les anciens étudiants du Pr Ibrahima Thioub qui ont porté cet hommage à l’ancien Recteur de l’Ucad. Face à ses pairs, le Pr Thioub se dit habité par un sentiment de fierté. Fierté d’avoir servi son pays à travers l’école pendant plus d’un demi-siècle, mais aussi fierté d’avoir formé des générations d’enseignants et de chercheurs. «Je suis très fier qu’ils aient eu l’idée de m’honorer, et de m’honorer par ce que j’aime le mieux : le savoir. Il n’y a pas de société sans formation. Et la qualité des sociétés se mesure à ce qu’elles consacrent à la formation», fait-t-il comprendre. Avec cette cérémonie, occasion ne pouvait être meilleure pour l’ancien Recteur de l’Ucad d’exprimer sa désolation et son regret sur les saccages et actes de vandalisme perpétrés à l’université. «Espérons que ceux qui ont failli en portant le feu au lieu du savoir, se ressaisiront pour savoir que la lutte politique peut se dérouler dans d’autres espaces, mais que l’espace universitaire, c’est l’espace du savoir, de la controverse, qui se fait par les idées et non par le feu. Je pense que si tous nous le comprenons, nous allons préserver tous nos lieux de savoir parce qu’il y va de notre devenir en tant qu’humains», a-t-il laissé entendre.
LEQUOTIDIEN